La protection juridique des populations civiles dans les conflits armés internes( Télécharger le fichier original )par Jean Paul Malick Faye Université Gaston Berger de Saint- Louis - Maitrise 2009 |
Paragraphe 2 : Les procédures développées en dehors du droit humanitaireLa mise en oeuvre du droit humanitaire déborde aujourd'hui le strict cadre des procédures développées par les conventions de Genève. En effet, le rapprochement entre droit de l'homme et droit humanitaire a poussé l'ONU (A), ainsi que les organisations régionales (B) à jouer un rôle déterminant dans le contrôle du respect du DIH. A/ Les procédures développées au sein des Nations UniesPendant longtemps les Nations Unies ne se préoccupèrent pas du droit humanitaire. Le développent normatif de ce domaine du droit international avait toujours été l'apanage du CICR. L'ONU quant à elle, avait pour tache principale de veiller au respect de l'interdiction du recours à la force dans les relations internationales. Par contre, l'ONU se réservait la tâche de codifier, au niveau mondial, les règles protégeant l'intégrité et la dignité humaine en temps de paix. Mais la proximité normative entre droit de l'homme et droit humanitaire, entraîna un intérêt croissant de l'ONU pour le droit humanitaire. Le moment décisif de se rapprochement fut la conférence des Nations Unies de Téhéran sur les droits de l'homme en 1968. Ce forum international examina la question du respect du statut des droits de l'homme en cas de conflit armé et adopta une résolution qui invitait le secrétaire général de l'ONU à se pencher sur les problèmes posés par le développement et l'application de ce domaine. Le DIH faisait désormais parti des domaines de réflexion et d'action des institutions onusiennes. Quelques années plus tard, un rôle spécifique fut reconnu à l'ONU dans un instrument relatif au droit de la guerre. L'article 89 du P.1 dispose en effet que, en cas de violations graves des Conventions de Genève ou du P1, « les Hautes Parties contractantes s'engagent à agir (...), en coopération avec l'ONU et conformément à la charte des Nations Unies ». Cette tendance visant à associer l'ONU dans la mise en oeuvre du DIH n'a jamais cessé de se confirmer au fil du temps. Tous les principaux organes des Nations Unies ont participé, avec plus ou moins d'intensité et chacun à son niveau, à l'action de l'organisation dans le domaine du contrôle du respect droit humanitaire dans les conflits armés. Mais l'oeuvre la plus significative et la plus innovatrice en la matière est sans conteste celle que bâtissent, dans leur complémentarité, le conseil de sécurité et la commission des droits de l'homme.
Ø L'action du conseil de sécurité Le conseil de sécurité est un organe politique qui détient la « responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale »64(*). Dans le cadre de cette fonction, il peut faire office de conciliateur entre les Etats en leur recommandant de recourir à l'une des méthodes de règlement des différends que prévoit la Charte65(*). De plus dans des situations extrêmes où la paix est menacée ou rompue, il a le droit d'adopter des mesures contraignantes à l'encontre d'un Etat agresseur. Les premières préoccupations humanitaires du conseil de sécurité se sont concentrées sur l'assistance portée aux victimes de la guerre. Il en est ainsi par exemple de sa résolution 733 du 23 janvier 1992 sur le conflit somalien, où il exprima sa volonté de soutenir les actions de secours humanitaires. C'est avec la guerre yougoslave que le conseil de sécurité adopta une attitude nouvelle. Son action fut cette fois motivée non plus seulement par son désir de porter secours à des personnes en détresse, mais aussi par sa volonté d'identifier et de punir les individus responsables d'exactions. Dans sa résolution 780 du 6 octobre 1992, il demanda en effet au secrétaire général de constituer une commission d'experts chargée d'enquêter sur les violations du droit humanitaire commises en ex Yougoslavie. La commission fut créée et réunie en l'espace d'un an et demi, 65000 pages de documents écrits et 300 heures d'enregistrements visuels faisant état de crimes perpétrés d'une manière particulièrement brutale et féroce. L'ensemble de cette documentation a été transmis au procureur du tribunal constitué en application de la résolution 808 du conseil de sécurité et chargé de juger les individus responsables de violations graves du droit humanitaire en Ex Yougoslavie. Avec cette démarche en deux temps (création d'une commission d'enquête, puis mise en place d'un tribunal pénal), le conseil de sécurité concrétisait pour la première fois sa volonté d'étendre son action à l'identification et à la répression des criminels de guerre. Un peu plus tard, une procédure identique fut engagée à propos des massacres perpétrés au Rwanda. Dans sa résolution 935 du 1e juillet 1994, il demanda au secrétaire général de constituer d'urgence une commission d'enquête chargée de réunir des éléments de preuve « concernant les violations graves du DIH, y compris d'éventuel acte de génocide ». La commission fut créée, et elle adopta deux rapports qui furent transmis au TPIR. Ce qui intéressant ici c'est que ces commissions d'enquête ont été constituées en vertu de la seule autorité du conseil de sécurité, sans que l'accord des belligérants n'ait été suscité. Ø L'action de la commission des droits de l'Homme Parmi les tentatives d'intégration du droit humanitaire au sein des activités des Nations Unies, l'oeuvre de la Commission des droits de l'homme est certainement la plus développée. La Commission des droits de l'homme est un organe subsidiaire du Conseil économique et social. Elle a été créée en 1946 en application de l'article 68 de la Charte. Les fonctions de la Commission sont essentiellement de trois ordres. C'est elle qui élabore des rapports, des recommandations et des projets d'instruments internationaux à l'intention de l'assemblée générale et du conseil économique et social. Elle assiste aussi ce dernier dans son travail de coordination des activités onusiennes relatives aux droits de l'homme. Enfin, la part la plus importante de son activité actuelle consiste à créer et à faire fonctionner des mécanismes de protection des droits de l'homme. C'est dans ce cadre que la Commission a su développer progressivement plusieurs procédures d'établissement des faits, destinées à entretenir ses débats annuels. Il en est ainsi des enquêtes menées sur les violations des droits de l'homme en relation avec des conflits armés internes notamment au Liberia et en Sierra Leone. Certaines de ces procédures ont été mises en place pour examiner en général la situation des droits de l'homme dans des régions particulières. C'est ainsi qu'en 1997 les pays faisant l'objet d'une procédure publique devant la Commission étaient au nombre de seize, dont le Burundi, le Cambodge, la RDC, le Rwanda, la Somalie, le Soudan... D'autres, au contraire traitent de thèmes spécifiques en étudiant tous les pays du monde. Les organes ainsi établis sont de nature variée. Tantôt individuels, tantôt collectifs, ils peuvent être indépendants ou intergouvernementaux. L'extension du droit humanitaire aux instances de l'ONU se double d'un développement similaire à l'échelle régionale (B). * 64 Charte des Nations Unies, art. 24, par. 1. * 65 Charte des Nations Unies, art. 36 à 38. |
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