Paragraphe II : Un statut particulier pour les natifs des
quatre communes.
Les habitants des villes de Dakar, Saint-Louis, Gorée
et Rufisque plus connues à l'époque sous l'appellation citoyens
des quatre communes, bénéficiaient du statut moderne de la
nationalité et étaient par conséquent des citoyens
français3 pas d'origine métropolitaine mais d'origine
africaine. Il nous importe d'éclaircir la confusion : qualité
d'électeur et citoyen français(A), avant de voir ensuite
l'intervention pertinente du premier député noir Blaise DIAGNE,
dans l'acquisition de la citoyenneté pleine et entière aux
ressortissants des quatre communes (B).
A/ La confusion: qualité d'électeur et
citoyens français.
Pour être citoyen, le code civil français
prévoit qu'il faut renoncer à son statut d'origine, faire la
demande de naturalisation et se soumettre entièrement aux règles
du droit civil. Or « les indigènes » avaient conservé
pour la plupart, leur statut personnel. En effet, le décret du 20 Mai
1857 créait à Saint Louis un tribunal qui connaissait
exclusivement des affaires entre indigènes musulmans et relatives aux
questions qui intéressent l'état civil, le mariage, les
successions, les donations et testaments. Les causes étaient instruites
et jugeaient d'après le droit et suivant les formes de procéder
en usage chez les musulmans. C'était donc la reconnaissance formelle du
statut d' « indigènes » ; et à partir de cette date,
l'organisation judiciaire du Sénégal a respecté ce statut.
Le décret du 15 Mai 1889 qui réorganisa la justice au
Sénégal, ne toucha pas à l'organisation relative au
décret de 18574, et quand le gouverneur général
Ghaudié organisa la justice indigène en protectorat par
circulaires des 12 Avril et 31 Décembre 1890, le
3 La qualité de citoyen français
à cette époque était limitée à l'exercice
des droits civils et politiques sous réserves de certaines
conditions.
4 Selon ce décret, tout indigène qui
a fait cinq ans de séjour au Sénégal peut s'inscrire sur
les listes électorales. Cette disposition s'appliquait tant aux noirs
qui provenaient des colonies françaises que de ceux provenant de pays
anglais et portugais alors que leur qualité d'étrangers
était évidente.
Conseil d'appel de Saint Louis fut chargé de connaitre
en dernier ressort, et dans l'intérêt de la loi de toutes les
décisions des tribunaux de protectorat. Cette disposition
particulière indique bien que la même loi était applicable,
quant au statut, à tous les indigènes du Sénégal,
qu'ils soient nés dans une des quatre communes ou qu'ils soient
habitants de protectorats, et par suite qu'il y avait bien au
Sénégal qu'une seule catégorie d'indigènes tous
sujets français. Ce qui nous a permis de dire, que la différence
entre les habitants des communes de plein exercice au reste de la population
sénégalaise, à l'époque, était marqué
par le fait que, les habitants des quatre communes bénéficiaient
de certains privilèges politiques tel que le droit de vote. Cette
confusion de langage entre la qualité d'électeur et la
qualité de citoyen français a laissé longtemps supposer
que les natifs des quatre communes étaient des citoyens français,
c'est-à dire qu'ils jouissaient des mêmes droits civils et
politiques que les français nés et demeurant en France. Cette
confusion a été justifiée par le fait que certains
documents officiels, et notamment les rapports qui précédent le
décret de 1889, sont bien mentionnés qu'il y avait des
indigènes citoyens français et comprenaient dans cette
catégorie, les natifs des quatre communes. Cette appellation
usitée au temps de la politique d'assimilation, ne correspondait pas
à une question d'état mais seulement qu'ils avaient certains
privilèges par rapport aux autres sujets français. Et la
jurisprudence des tribunaux français en a rajouté en
élargissant en faveur des natifs des quatre communes le
bénéfice de cette interprétation en leur prêtant la
qualité d'assimilés et en faisant d'eux par la même, des
justiciables des tribunaux français exclusivement. Toutefois, le fond
des litiges était examiné et tranché par le droit
musulman, un assesseur musulman s'adjoignait au tribunal français. Nous
retenons alors que les citoyens des quatre communes ont
bénéficié de la qualité de citoyens français
par leur droit au vote. Mais cette citoyenneté n'était pas
effective, elle le sera avec l'intervention du député Blaise
DIAGNE.
|