1.3.4.3 La participation citoyenne
La participation n'est pas toujours intégrée
dans la culture de l'aménagement, c'est en partie en raison de la
politique française, historiquement dominée par l'approche
représentative et centralisée de l'exercice du pouvoir. Cette
philosophie est caractéristique de la pensée de Montesquieu qui
considère qu'un peuple n'est pas capable de choix et que son rôle
se restreint à l'élection des représentants: «
6 Association dont l'objet est la recherche, la
médiation, la diffusion, la sensibilisation et l'action sur le
thème du cadre d (environnement urbain, urbanisme, architecture,
patrimoine, le cadre bâti en général).
représentants, c'est qu'ils sont capables de discuter
les affaires. Le peuple n'y est point du tout propre ; ce qui forme un des
grands inconvénients de la démocratie » (Montesquieu, 1748).
Il en découle un certain fatalisme des habitants qui se pensent non
compétents et sans aucun pouvoir (Zetlaoui-Léger,
2010)7. Les citoyens peuvent cependant réellement contribuer
à l'élaboration d'un projet d'aménagement (Saillet, 2010).
En 2009, la Ville de Paris a d'ailleurs publié dans les Actes du
printemps de la démocratie locale que « la
démocratie participative complète et enrichit la
démocratie représentative, à aucun moment elle ne la
remplace ».
* Une instance citoyenne méfiante et distante
Il existe une certaine méfiance des habitants envers
tout processus de concertation. Ce rejet s'explique en partie du fait que
l'animateur, en général la maîtrise d'ouvrage, n'ait pas de
position neutre au regard du projet. Souvent, les citoyens ne se sentent pas
compétents pour participer activement à un projet
d'aménagement (Zetlaoui-Léger, 2010). Ces deux
phénomènes expliquent en partie la distance et le
désintéressement des citoyens face aux projets
d'aménagement.
* Une instance citoyenne devant être accompagnée
Pour guider les usagers/habitants, un assistant à la
maîtrise d'usage8 (AMU) peut être leur
intermédiaire avec la maîtrise d'ouvrage (MOA), la maîtrise
d'oeuvre (MOE). L'AMU a une triple fonction :
1. Recueillir les opinions des habitants et les transmettre
à la MOA (de manière informelle ou lors d'un comité de
pilotage),
2. Retranscrire les propos de la MOA et de la MOE dans un
langage que les habitants puissent comprendre,
3. Initier des ateliers sur les nouveaux aspects qui
méritent une réflexion afin de pouvoir contribuer au projet.
Assistance à la maîtrise d'usage
Maîtrise d'ouvrage
Sensibilisation
Processus technique
Coproduction
Habitant
Réunions publiques
Maîtrise d'oeuvre
Figure 7 - Le rôle de l'Assistant à la
maîtrise d'usage : ouvrir de nouvelles interfaces dans le dialogue entre
les usagers/habitants d'un projet et les autres acteurs, A. Lequai9
2010.
7 Jodelle Zetlaoui-Léger, enseignant-chercheur de
l'Institut d'urbanisme de Paris, « Démarches participatives dans le
projet urbain», formation du CAUE 75, le 03 juin 2010.
8 Concept évoqué par Hervé Saillet,
cofondateur de Robin des Villes, Architecte-urbaniste, « Démarches
participatives dans le projet urbain», formation du CAUE 75, le 03 juin
2010.
9 Représentation inspirée du discours
d'Hervé Saillet lors de sa présentation au cours de la formation
« Démarches participatives dans le projet urbain »
organisée par le CAUE 75 le 4 juin 2010.
Le schéma ci-dessus montre la place de l'AMU dans la
mise en place d'un projet d'aménagement. C'est un acteur qui permet de
dépasser le cadre des réunions publiques et qui place les
habitants dans une dynamique de réflexion, voire de conception du
projet.
Tant que la MOA ne rencontrera pas les habitants pour
construire directement le programme avec eux, le dernier échelon de la
participation ne sera pas atteint. Pour y parvenir, une association
constituée d'habitants qui les représente dans
l'intégralité pourrait par exemple jouer le rôle d'AMU.
Ce système offre l'avantage d'avoir un
intermédiaire identifié entre les habitants et la MOA et donc
d'établir une réelle communication entre les deux parties.
Cependant, sa limite réside dans le fait que les habitants ne
participent pas réellement aux échanges avec les MOA. Ce
système est fondé sur la retranscription des informations, qui
comportent toujours une part d'interprétation individuelle.
* Une instance citoyenne à sensibiliser et à
former
Les habitants, non professionnels de l'aménagement, ont
une vision plus globale, plus transversale du projet et se focalise davantage
sur sa fonctionnalité et son usage final (Bernard, 2008). Ils peuvent
donc contribuer à la mise en place d'un projet. S'ils ne sont pas
experts, ils peuvent être accompagnés par des professionnels pour
être sensibilisés et formés aux enjeux d'un projet
d'aménagement. De nombreuses activités peuvent être mises
en oeuvre. Par exemple, des formations à travers des ateliers peuvent
initier et structurer les réflexions des habitants vis-à-vis du
devenir de leur espace de vie (CRPVE, 2009). Une formation relative à la
maîtrise d'usage peut aussi les aider à réaliser la
complexité technique d'une opération d'aménagement,
à acquérir un langage commun avec les équipes de projet et
donc à franchir les barrières de communication (Saillet,
2010).
* Le cadre de la copropriété, peu propice à
la prise de décision
Coopérer au projet est d'autant plus important
lorsqu'il s'agit de la réhabilitation d'un quartier. Les citoyens qui
l'habitent sont des acteurs légitimes dans la construction du projet :
ils en sont les financeurs et les usagers futurs (UNARC, 2010).
Le système de prise de décision au sein des
copropriétés montre de nombreuses limites pour la validation des
travaux. L'assemblée générale des copropriétaires
se réunit annuellement pour prendre les décisions concernant la
copropriété en respectant des règles de majorités
définies pas la loi de 1965:
> la majorité simple pour les gestions courantes
de l'immeuble. Seuls les copropriétaires présents ou
représentés sont pris en compte.
> la majorité absolue pour les
décisions plus importantes telles que la rémunération du
syndic, les travaux de façade ou les travaux d'économie
d'énergie. Tous les copropriétaires sont concernés,
même ceux qui sont absents lors de l'assemblée.
> la double majorité, notamment pour des
travaux d'amélioration sur les parties communes. Il faut réunir
les 2/3 des voix et 50% des copropriétaires (le nombre de voix des
copropriétaires dépend de la surface et de la situation de son
bien).
Ce mode décisionnaire nécessite l'avis des
propriétaires bailleurs mais n'intègre pas la participation des
locataires, ce qui constitue une première difficulté, car de
nombreux propriétaires bailleurs ne sont pas conscients (ou ne veulent
pas l'être) des problèmes quotidiens des habitants du quartier.
Par ailleurs, les propriétaires bailleurs résident parfois loin
du quartier à réhabiliter, ce qui complique leur participation.
Or, le projet de réhabilitation à l'échelle de l'ASL
nécessite la validation du projet par 2/3 des copropriétaires au
sein de chaque copropriété, sachant que leurs conditions
sociales, leur capacité d'emprunt et leurs intérêts
diffèrent, voire divergent parfois. La mise en place de la notion des
« travaux sur parties privatives d'intérêt collectif »,
préconisée par le Grenelle, pourrait être un levier pour
faciliter la prise des décisions des travaux d'amélioration des
performances énergétiques (Caisse des Dépôts et des
Consignations, 2010).
|