Chants de recueils et culte Protestant aujourd'hui à Kinshasa. Effort pour la revalorisation des chants traditionnels( Télécharger le fichier original )par Maurice Mondengo Iyoka B Université protestante au Congo - Diplome d'études approfondies en théologie 2008 |
2.4.4 Face à l'histoire des sensibilités et mentalités culturelles aujourd'huiL'examen de l'histoire des sensibilités et des mentalités culturelles aujourd'hui face aux chants de recueils protestants, est un exercice difficile. Car il faudra remonter l'histoire de la création des premiers recueils de chants protestants. Mais, avant de nous engager dans cette tâche, quelques indications importantes sont à relever: 1. Cette étude se fait dans un milieu déterminé qui est la ville de Kinshasa. Bien que cette ville soit cosmopolite, elle est d'abord celle du peuple Kongo en général, ceux du Bandundu y compris. Et, ce peuple n'a pas manqué d'influencer les habitants de la ville par ses coutumes et ses manières de vie par la culture kongo. Les cas de mariages et des funérailles sont éloquents. 2. Kinshasa de notre période de recherche est celui de 1987 à 2007 où la multiplication des églises dans les quartiers après les pillages de 1991 et 1993 est celle d'une progression géométrique. Mais aussi les différentes guerres politiques de 1996 à 2002 qui ont provoqué vers Kinshasa l'exode des populations nombreuses. Le peuple Congolais habitant la ville, et se trouvant au coeur de la désolation de la crise politique, économique et sociale d'après pillages, cherchera en la prière et les prophéties dans les églises le refuge. 3. Kinshasa de notre étude est la ville de beaucoup d'Églises charismatiques et de celles de Réveil qui accordent beaucoup d'importance à la louange et l'adoration mais aussi au « prier à haute voix ». 4. Kinshasa est la ville où la majorité des jeunes parmi les chrétiens aiment prier là où la danse, les cris, les miracles, les conversions sont spectaculaires comme le jour de la Pentecôte. 5. Kinshasa est la ville où les chants de recueils s'effacent carrément dans la liturgie de la majorité des Églises urbaines membres de l'E.C.C A présent que nous avons situé l'espace de notre étude, revenons aux sensibilités et mentalités. Comme nous l'avons relevé avec Mengi, c'est à partir de l'école des prédicateurs indigènes entre 1888 et 1891, qu'est partie l'idée de l'élaboration d'un recueil des chants pour le culte. C'est cette école, avons-nous dit, avec les missionnaires aidés par des Congolais, qui influencera la vision de l'avènement effectif de ce recueil qu'on mettra à la disposition des chrétiens autochtones pour la première fois au Congo aux années 1891. L'histoire retiendra que les chants traduits en Kikongo dans le tout premier recueil Kintwadi étaient surtout ceux de la traduction des cantiques suédois mais surtout anglais. C'est comme si on pouvait déjà voir là un dessin d'une géographie hymnologique anglo-saxonne au Congo. Mais ce recueil non seulement qu'il a ignoré la culture du Kongo dans le domaine du chant où il est prolifique, mais par sa parution et son entrée dans le temple, il a fait qu'on avoue à l'interdit tout ce qui se chantait en l'honneur de l'Être suprême dans ce milieu qui n'était pas du tout sans Dieu. Peut-être, c'est là l'un des points de départ du mécontentement ! Aussi, le fait que le type mélodique qu'ont apporté les chants missionnaires avec son rythme et son calme, bien que traduits dans la langue du peuple Kongo, soit celui qui excluait tout accompagnement d'instruments traditionnels de ce peuple, privant ainsi la danse et des cris à un peuple qui aime chanter et danser librement, n'allait pas tout le temps se produire sans provoquer, même plus tard, quelques modifications des rapports entre les chants missionnaires et le peuple Congolais. C'est là peut-être un autre point de départ du mécontentement.
Il est nécessaire de mettre en valeur un fait important. C'est peut-être le syndrome « chasser le naturel » qui se manifeste depuis près de vingt ans dans l'Église protestante à Kinshasa. Dieu est dans l'adoration et la louange dansante et criante de son peuple. La résignation d'un peuple devant l'abandon obligé de sa manière d'être, de ses propres mélodies, de ses danses pour se livrer, de manière désemparée, à un profond sentiment de piété à apprendre, n'a pas manqué d'amener le Congolais aujourd'hui à une sorte de terrain du caractère brutal de « conflit » ou de « crise » des cultures. La culture d'importation de l'étranger, fût-elle missionnaire, et celle des autochtones, fût-elle celle de l'indigène. Cette crise se manifeste par une ouverture à la rupture, et l'effort pour l'effondrement de cette musique d'étrangeté par la production d'une autre musique d'Église qui soit capable de faire danser et faire pousser librement les cris dans le temple. Ainsi, le tableau des sensibilités et mentalités culturelles d'aujourd'hui montre que le conflit est déjà là. Les Querelles des anciens et des modernes560(*), l'expression est de Bernard Lauret, vivent avec l'Église protestante de notre temps. La crise est non seulement présente ; mais bien plus, elle est aujourd'hui permanente. Au lieu de la considérer comme une peste dans l'Église, il serait sage de la prendre comme l'émergence de comportements nouveaux mais longuement couvés dans les entrailles de mécontentements de l'histoire religieuse d'un peuple qui n'attendait que le temps pour l'accoucher. C'est peut-être aussi la quête d'un possible droit à l'expression561(*) d'un peuple qui a toujours eu des choses à dire, des cris à pousser vers Dieu qui motiverait ce comportement. Le but serait-il de ne plus continuer à se soumettre à l'autorité liturgique des chants missionnaires ? Il est difficile de se prononcer là-dessus. Car aujourd'hui encore, il nous semble qu'on assiste à un retour aux chants missionnaires. Et cela passe par les ténors de la musique commerciale de variété qui tantôt la modifient tantôt la déforment carrément. C'est l'essentiel du point suivant. * 560 Cf. B. LAURET., op. cit, pp. 208-209. * 561 Ibid. |
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