Il nous a semblé jusque-là que deux (02)
principales théories néo- institutionnelles principalement ont
été utilisées pour expliquer le choix de
l'externalisation. Il s'agit de la théorie des coûts de
transactions (TCT) et la théorie positive de l'agence (TPA).
1. La théorie des coûts de transactions
La théorie des coûts de transaction (TCT) fut la
première avancée par pour expliquer le choix de l'externalisation
par les organisations. Elle postule que la forme organisationnelle retenue par
l'entreprise doit permettre de minimiser la somme des coûts de production
ou de transaction ex ante et ex post, (QUELIN, 2003).
En réalité, l'auteur de cette théorie
conclut son propos en prescrivant la stratégie d'intégration
verticale aux entreprises. Pour WILLIAMSON (1975), en effet, le recours au
marché entraine des coûts de transaction liés à la
sélection du contractant (prix et qualité), à la
négociation et la rédaction du contrat. Et des coûts de
transaction liés aux ajustements lors des perturbations non
anticipées, aux coûts de mise en place, de surveillance et de
contrôle, aux coûts de résiliation ou de
renégociation du contrat (JOFFRE, 1999). Coûts par ailleurs
difficilement maitrisables du fait de cinq (05) facteurs
26(CHARREAUX, 1999) :
- La spécificité des actifs, le cas
échéant la spécificité de l'activité
à externaliser (BARTHELEMY, 2006) ;
- L'incertitude, la complexité de l'environnement et
l'asymétrie de l'information ;
- La difficulté de traiter l'information de
manière fiable, et donc de rédiger des contrats exhaustifs ;
- Le nombre parfois peu élevé des acteurs -en
notre sens des prestataires- et la fréquence des transactions ;
26 Ces deux premiers facteurs sont particulièrement
sensibles en matière d'infogérance (BOUATTOUR, 2004) et
d'externalisation d'une activité de production.
20
- Et enfin, l'opportunisme, menaçant la rentabilité
d'une éventuelle relation
d'externalisation aussi bien sous la forme de risque
moral27 et de sélection adverse28 que de
hold-up29.
Mais l'avènement des technologies de l'information et
de la communication (TIC) permet pendant les années 1990
d'établir que ces coûts de transactions peuvent être
considérablement réduits et maîtrisés par rapport
aux coûts d'organisation, principalement ceux inhérents au niveau
de flexibilité. Ainsi des auteurs peuvent opposer des critiques
radicales au paradigme.
MALONE, YATES et BENJAMIN (1997 cité ; par JOFFRE
1999) les premiers démontrent que le champ d'efficacité du
marché s'élargit avec l'avènement des TIC. Ils arguent que
ces dernières permettent de mieux repérer les acheteurs parmi une
grande quantité d'informations électroniques relatives à
un produit donné. Mais plus encore, le caractère programmable de
ces technologies rend les actifs de production plus flexibles, soit moins
spécifiques. De même la possibilité de reprogrammer
régulièrement les équipements permet de suivre
l'évolution des caractéristiques des produits. En somme, et comme
commentent CAMAGNI et RABELLOTTI (1992) le développement de
l'électronique rend le marché plus transparent et
attractif30.
DONALDSON (1995, cité par JOFFRE 1999) lui, argumente
que la considération qui est faite de l'opportunisme dans le TCT est
surestimée. En effet l'opportunisme y renvoie à une conception
régressive de l'individu, elle propose en réalité une
théorie de la « délinquance managériale »,
tandis que dans le monde réel, la « finasserie » n'est qu'un
des comportements possibles du manager qui n'est généralement
privilégié qu'à court terme. Bref, l'opportunisme dont
parle l'approche transactionnel rapproche l'Homme de l'agent décrit par
Mc GREGOR (1960) dans sa théorie X alors que dans le monde réel
les agents s'insèrent davantage dans la théorie Y.
Enfin EVERAERE (1993) propose d'accorder une valeur
économique au temps passé à la transaction. La transaction
devient alors un investissement dont la dépense initiale est liée
au processus d'apprentissage collectif et la motivation à un
enrichissement postérieur, cognitif et financier qui peut
développer un projet commun. De sorte que le choix de s'opposer à
la recommandation de WILLIAMSON est nourri par l'anticipation de gains
futurs.
La liste n'est pas bien exhaustive, cependant elle illustre
comment peu à peu la désintégration verticale a
été légitimée dans la cour des théoriciens
du périmètre de l'entreprise.
27Encore appelé aléa moral, il
consisterait pour le prestataire à prendre plus de risque dans la
gestion qui lui a été transférée après la
signature de contrat.
28Encore appelé anti-sélection, elle
renvoie a l'asymétrie informationnelle ante.
29 Développement de techniques contribuant a rendre
l'entreprise externalisatrice dépendante du prestataire.
30Les mécanismes de coordination marchande
sont devenus d'autant plus attractifs que les zones d'échanges marchands
ont été protégées par les règles bien
définies par l'État.
21
Les attaques reçues par la TCT à cause de son
insistance sur l'opportunisme ont également atteint les théories
qui explicitement ou non, s'appuyaient sur cette hypothèse. En
matière d'externalisation, il s'est particulièrement agit de la
TPA.
2. La théorie positive de l'agence et
l'incomplétude des contrats
Il faut dire que l'analyse de l'externalisation du point de vue
de la relation d'agence ne s'est faite que conjointement à la TCT
(FIMBEL, 2005).
Le point de départ de la TPA est la relation
conflictuelle entre les personnes au sein d'une organisation. Elle
étudie notamment les mécanismes organisationnels participant aux
systèmes d'incitation- contrôle entre un donneur d'ordre et un
exécutant. (CHARREAUX, 1999).
CHANSON (2003) par exemple récupère le principe
de cette théorie en opérationnalisant l'externalisation du point
de vue de ce qui est incertain, observable, mesurable et programmable au sein
d'une relation entreprise- prestataire. Il conclut alors qu'au-delà de
la maitrise des incertitudes, le recours à l'externalisation est
motivé par le fait, la relation d'agence qui en découle peut
aujourd'hui être marquée par :
- La possibilité de programmer les taches externalisables
;
- La possibilité de mesurer les résultats du
prestataire.
- Ce qui rassure les candidats à
l'outsourcing.
A ce stade, QUELIN et BARTHÉLEMY (2001) notent que la
TPA comme la TCT restent axées sur l'idée de maximisation du
résultat pour le « principal » (l'entreprise).
Délaissant par voie de conséquence les aspects fondamentaux de
l'organisation que sont les ressources organisationnelles, humaines et
sociales. Ce qui ne saurait rester sans objections car une décision
aussi stratégique que l'externalisation ne peut se départir d'une
approche de l'entreprise conçue comme un creuset de compétences
individuelles et organisationnelles.
B. LA THEORIE DES RESSOURCES ET DES COMPETENCES
La théorie des ressources et des compétences
(TRC) est en réalité une combinaison de quatre (04) courants de
pensée centrés sur les compétences et les capacités
organisationnelles des entreprises (1.), complétés par l'analyse
de trois (03) concepts (2.) (GHOZZI, 2008).
1. La TRC ; une combinaison de quatre (04) branches.
Au sens strict de l'expression, nous ne saurions dire s'il
existe une théorie dite des ressources et des compétences. Nous
avons jusque-là rencontré soit des théories de
capacité ressources matérielles, soit des théories des
compétences. Toutes plaident toutefois pour un déplacement de
l'analyse de la firme du point de vue de sa rentabilité
financière à celui de ses ressources interne
22
(GHOZZI 2008). Nous empruntons pour cet exposé la
synthèse produite par GHOZZI (2008) et regroupant quatre (04) d'entre
elles : la Resource Based ViewTheory, la théorie des
compétences centrales, la théorie des capacités dynamiques
et la théorie évolutionniste.
· La Resource Based View Theory
La Resource Based ViewTheory ou théorie
basée sur les ressources de WERNERFELT (1984) et BARNEY (1986), prescrit
une gestion de la firme qui procède de l'identification des ressources
respectant les critères VRIS31 (BARNEY, 1986). Les choix de
ce qui devrait ou non être externalisé tiendrait alors à ce
qui en interne serait vecteur ou non de la mise en place d'un avantage
concurrentiel.
· La théorie des compétences
centrales
La théorie des compétences centrales de HAMEL
et PRAHALAD (1990), argumente que la gestion de la firme passe par la
déclinaison des compétences clés en produits centraux ou
finaux et par la mise en place d'objectifs ambitieux, créant un
environnement de créativité.
Un tel angle d'analyse permet de vérifier si la firme
intègre les activités oü elle peut décliner ses
compétences clés. Autrement dit, si l'entreprise fait- faire les
activités ou les compétences ne s'avèrent pas être
des acquis par elle.
· La théorie des capacités
dynamiques
Sous les plumes TEECE et CHUEN (1997), auteurs de cette
théorie, l'intégration ou la désintégration des
activités sont avant tout déterminées par l'aptitude de la
firme à détenir des capacités «dynamiques».
Lesquelles lui permettraient de faire face aux changements du marché, de
la technologie, etc.
· La théorie évolutionniste
Les évolutionnistes (NELSON et WINTER, 1982) pensent
que la survie de l'entreprise dépend de son aptitude à modifier
ses routines. La théorie n'offre pas de prescriptions claires (GHOZZI,
2008). Néanmoins on peut rapprocher son principe de la
nécessité de se recentrer sur coeur de métier afin de
surmonter ses routines.
Ainsi présentées, les théories
fondatrices de la TRC n'épuisent pas l'approche conceptuelle de
frontières de la firme. Aussi, GHOZZI (2008) y a associé
l'explication de concepts liés aux ressources plus techniques.
31 Ressources valorisables, rares, non imitables et non
substituables
2. Quelques concepts rattachés à la TRC
23
Dans l'idée de considérer la firme comme un
ensemble de compétences plutôt qu'un
ensemble de contrats (HODGSON, 1998), trois (03) principaux
concepts furent mis en lumière : la complémentarité,
l'interdépendance et le différentiel d'aptitude.
· La
complémentarité
CONNER (1991) illustre ainsi le concept de
complémentarité.
Si on considère deux activités «S» et
«T», celles-ci seront entreprises en interne (« S+T ») si
elles nécessitent une même culture et les mêmes routines,
car cela permettrait une transmission plus facile de l'information et
produirait des effets de synergie32. Ainsi une justification de
l'externalisation se trouve dans le manque d'adéquation de certains
actifs avec ceux qui génèrent des « dés
économies » d'échelle d'envergure au sein de
l'entreprise.
· L'interdépendance
Les notions d'interdépendance et de
complémentarité sont assez proches, le principe qui les soutient
est le même. Cependant, alors que dans le second cas on parle
d'activité, dans le premier on parle d'étapes du processus.
Egalement, la conclusion de l'exposé sur l'interdépendance ne va
pas dans le même sens non plus. Car s'il est aisé de dissocier les
activités d'une organisation, c'est une tache parfois bien ardue de
partitionner un processus.
L'interdépendance des activités renvoie à
la juxtaposition des étapes d'un processus. GRANT (1996) explique qu'au
sein d'un processus à étapes interdépendantes,
l'efficience d'un transfert de connaissances vers le marché est
tributaire de la maitrise par celui- ci de la connaissance utilisée en
interne à l'étape préalable et/ou de celle qui suivra
l'étape extériorisée. De fait, les exigences de bonne
gestion des interdépendances de tâches et d'harmonisation du
processus via une bonne synchronisation fait que ce concept éloigne
davantage la firme de l'outsourcing que celui de
complémentarité.
· Le différentiel d'aptitude,
Le différentiel d'aptitude enfin, est
développé par KOGUT et ZANDER (1992, 1996). Pour ces auteurs, le
concept d'opportunisme ne peut constituer un point de départ
réaliste de l'arbitrage « firme ou marché », car la
firme n'existe pas « par défaut » au marché mais bien
parce qu'elle procure une action volontariste s'appuyant sur des principes
d'organisation supérieur à ceux du marché. Ce point de vue
est soutenu par une étude de CONNER et PRAHALAD (1996) qui arrive
à
32
Cette idée est également présente dans les
raisonnements issus de la théorie des coûts de transaction ainsi
que de l'économie industrielle. Mais, la théorie des coûts
de transaction n'en relève l'importance de la spécificité
que si elle est associée a de l'incertitude et donc a des risques
d'opportunisme
24
la conclusion selon laquelle « c'est avant tout le
différentiel de connaissance > qui affecte le choix organisationnel
sus-évoqué33.
En définitive, nous adoptons avec BARTHELEMY (2004) la
synthèse ci-après relativement aux des deux(02) principales
théories explicatives du recours à l'externalisation.