Le caractère illicite des charges face à la notion d'acte anormal de gestion étude comparée entre la France et le Canada( Télécharger le fichier original )par Jamie-Ann Martin Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 professionnel en droit européen et international des affaires 2008 |
e) L'acte illiciteNaturellement, pendant plusieurs années la jurisprudence a considéré un acte illicite comme forcément un acte anormal de gestion47(*). Ce n'est plus le cas aujourd'hui. En effet, il résulte de trois décisions du Conseil d'État rendues en 198348(*) qu'une dépense illicite n'est pas nécessairement anormale si elle est engagée dans l'intérêt de l'entreprise. Indubitablement, la commission d'un acte illicite, par exemple, verser un pot-de-vin, peut-être tout à fait favorable à la gestion de l'entreprise, mais il heurte des principes légaux ou moraux fondamentaux. Ainsi, dans un arrêt du 1er juillet 1983, le Conseil d'État a mis fin à la confusion de l'illicéité et de l'anormalité en ces termes : Considérant que seuls peuvent ne pas être pris en compte les actes ou opérations qui ont été réalisées à des fins autres que celles de satisfaire les besoins ou, de manière générale, servir les intérêts de l'entreprise et qui, dans ces conditions, ne peuvent pas être regardés comme relevant d'une gestion normale de celle-ci ; que, par suite, ne relèvent pas nécessairement d'une gestion anormale tous les actes ou opérations que l'exploitant décide de faire, en n'ignorant pas qu'il expose ainsi l'entreprise, en vertu d'obligations assorties de sanctions pécuniaires, à devoir supporter de ce chef certaines charges ou dépenses ; que c'est seulement si de telles opérations ont été décidées à des fins étrangères aux intérêts de l'entreprise qu'elles peuvent être réputées relever d'une gestion anormale49(*). Dès lors, il est aisé de dire que le caractère illicite n'a donc aucune influence sur la déductibilité de la dépense si elle est effectuée dans l'intérêt de l'entreprise. En effet, le pot-de-vin versé dans le but d'obtenir un contrat s'inscrit dans la droite ligne d'un acte accomplit dans l'intérêt social. Est-il normal ? Selon les circonstances cela est plausible. À savoir, si toutes les sociétés appelées ont dû verser un pot-de-vin pour que leur dossier soit étudié, il semble normal de répondre à cette condition. Logiquement, si la dépense est engagée dans l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est régulièrement comptabilisée et appuyée d'une pièce justificative, pourquoi ne pourrait-elle pas être déductible ? Il s'agit d'un raisonnement qui tient la route en droit fiscal mais qui risque de provoquer des accidents de parcours aux dirigeants qui ont une trop grande soif de réussite. * 47 CE 10 déc. 1969, 7· et 9· ss, req. 73973, DF 70, n° 50, com.1429; CE 3 janv. 1973, 8· et 9· ss, req. 83240, DF 73, n° 27, com. 988. * 48 CE 1er juill. 1983, RJF 1983, n° 10, p. 519; CE 11 juill. 1983, RJF 1983, n° 10, p. 519; CE 5 déc. 1983, RJF 1984, n° 2, p. 62. * 49 CE 1er juill. 1983, RJF 1983, n° 10, p. 519. |
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