3) L'année
charnière 1960 de la césure bibliothèque-école et
l'élaboration d'un nouveau modèle de lecture publique :
1960-1980
3.1. Les mutations de la
littérature jeunesse après 1960 et l'expérience de
bibliothèques innovantes qui ouvrent la voie
En dépit de la production éditoriale pour la
jeunesse qui tend à croître, la littérature jeunesse reste
longtemps considérée comme un sous-genre de la
littérature. A partir de 1960, les bibliothèques vont plus
clairement s'opposer à l'idée selon laquelle sont seules
légitimes les lectures qui tendent vers l'apprentissage de la
lecture.
Les années 1960 vont marquer une césure entre
bibliothèque et école, ainsi qu'un tournant majeur dans la
production éditoriale et son appréciation par le public des
jeunes. Les années 1960 vont voir l'arrivée massive de la
télévision, qui s'accompagne d'une démocratisation de
l'information. De nombreuses évolutions sociales se font jour :
développement de l'enseignement supérieur, engouement pour les
filières techniques et scientifiques, aménagement du temps de
travail pour les loisirs, mouvements sociaux de mai 1968.
C'est également une période d'essor pour la
littérature jeunesse, qui va connaitre de nombreuses mutations :
faillites (par exemple Hetzel), fusions, créations de nouvelles maisons
d'édition. On lui reconnaît enfin une utilité et une
légitimité, dans le sens où c'est le seul domaine de la
littérature qui est entièrement destiné aux enfants. Des
éditeurs comme François Ruy Vidal (1967) ou Harlin Quist vont
faire vaciller les normes qui étaient jusque lors adoptées.
A la limite de la provocation, ils proposent des ouvrages
où illustrations (Bour, Delessert) et textes (Duras, Ionesco) tentent de
faire « oublier la pédagogie ». En 1965, Jean Fabre
crée les éditions de l'école des loisirs et publie des
auteurs aujourd'hui incontournables de la littérature jeunesse. La
même année, Maurice Sendak présente avec Max et les
Maximonstres un album loin des représentations du réel, qui
fait longtemps polémique.
La littérature jeunesse tend à présenter
des thèmes plus sombres : la violence, la mort, le deuil,
etc...sont autant de sujets qui font l'objet de questions existentielles chez
l'enfant. Bruno Bettelheim, qui écrira La psychanalyse des contes de
fées, pour montrer que les contes abordent les problèmes
existentiels des enfants sans détours et permettent ainsi de participer
à la structuration psychologique de l'enfant.
On considérait auparavant que la littérature
jeunesse avait les apparences d'une consommation passive (il suffit de
lire le texte pour en comprendre le sens). Or, il s'agit d'une activité
productrice de sens où l'imaginaire se mêle à l'emprise du
réel, où le jeu (via le livre, mais aussi dans sa lecture)
favorise la construction de soi.
La bibliothèque de l'association la Joie par les Livres
ouvre ses portes en 1965 à Clamart, avec un espace
décloisonné de 1000 m² ouvert, dont la moitié est
consacrée au public. En dehors des nombreux services qu'elle offre au
public des jeunes, la bibliothèque de la Joie par les Livres contribue
à la formation des bibliothécaires spécialisés dans
la jeunesse.
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