CHAPITRE DEUXIEME : LE CONTROLE INTERNE INDIVIDUEL : UN
CONTROLE RENFORCE
Actuellement, on assiste à une nette avancée du
rôle des actionnaires dans la vie sociale car, le contrôle interne
qu'ils exercent sur la gestion sociale est renforcé par de
mécanismes nouveaux leur permettant d'assainir et de rationaliser la
gestion et les comptes sociaux. Il s'agit de la procédure d'alerte qui
présente une utilité considérable, de l'astreinte et de
l'expertise de gestion (Section I). A côté de ces
mécanismes figurent d'autres moyens d'ordre comptable, juridique ou
technique (Section II) visant à garantir de
façon notable l'exercice de ce contrôle.
SECTION I : LE RENFORCEMENT DU CONTROLE INTERNE
INDIVIDUEL PAR DES NOUVEAUX MECANISMES
Plusieurs mécanismes prévus par le
législateur de l'OHADA contribuent au renforcement du contrôle
interne individuel. Cette évolution est liée à ce qu'un
auteur a appelé « un droit élargi d'apprendre
»106. Il se manifeste principalement par le
déclenchement de la procédure d'alerte qui est d'une
utilité notable (Paragraphe I) et d'autres moyens de
contrôle comme l'astreinte et l'expertise de gestion (Paragraphe
II).
Paragraphe I : La procédure d'alerte, gage d'un
contrôle interne renforcé
La procédure d'alerte est un outil indispensable de
contrôle et d'information aux mains des actionnaires. Pour des raisons
d'ordre pratique (B), il constitue un moyen renforcé de
contrôle (A).
A- La procédure d'alerte, un mécanisme
renforcé de contrôle
L'institution de l'alerte constitue une innovation majeure en
droit OHADA. Elle est prévue par les articles 150 et suivants de
l'AUSCGIE. Ce mécanisme de « signes et de clignotants »
constitue une des prérogatives des actionnaires relevant de la gestion
normale de la société.
Ainsi que doit-on entendre par procédure d'alerte ? En
quoi constitue-t-elle un mécanisme renforcé de contrôle
?
« Le terme d'alerte, selon le professeur Y. CHAPUT, est bien
choisi. Ce n'est pas encore le temps des alarmes ou même des conflits. Il
ne s'agit que de prévenir les dirigeants des écueils
prévisibles... »107.
La procédure d'alerte consiste à
découvrir les indices de difficultés afin d'organiser rapidement
et discrètement une résistance efficace108. Pour le
professeur Y. CHARTIER, la procédure d'alerte « a pour objet
d'attirer l'attention de ses destinataires sur le sérieux, voire sur la
gravité de la situation »109. Cette tâche de
dépistage des difficultés et leur révélation aux
instances dirigeantes sont confiées aux actionnaires. Selon les
professeurs M. JEANTIN et P. LECANNU, « le droit d'alerte vise ainsi
106 Jacques MESTRE, in Manuel de droit commercial, cite
par Y. CHARTIER, Droit des affaires, 3/ Entreprises en difficulté,
Prevention- Redressement- Liquidation, PUF, Paris, 1989, p. 73.
107 Yves CHAPUT, Droit de la prévention et du
reglement des difficultés des entreprises, PUF, 1986, n° 40 cite
par Filiga Michel SAWADOGO, Droit des entreprises en difficultés,
Bruylant, Bruxelles, 2002, n° 40, p. 36.
108 Yves GUYON,Droit des
affaires, Tome 2, Entreprises en difficultés- Redressement judiciaire-
Faillite, 9eme éd., Economica, Paris, 2003, n° 1044, p.
51.
109 Yves CHARTIER, Droit des
affaires, 3/ Entreprises en difficultés,
Prevention-Redressement-Liquidation, PUF, Paris, 1989, p. 83.
à provoquer une discussion interne à
l'entreprise, dont l'objet sera à la fois de prendre la mesure la plus
exacte possible des difficultés rencontrées ou sur le point de
survenir, de proposer à la suite de cette discussion les solutions les
plus appropriées à résoudre ces difficultés
»110 ; pour le professeur M. COZIAN, « l'alerte permet la
détection des premiers signes de faiblesse et l'activation d'une
défense immunitaire »111.
La procédure d'alerte est un moyen de contrôle et
d'information aux mains des actionnaires. Sa consécration dans l'espace
OHADA vise à prévenir les difficultés des entreprises et
vient matérialiser dans le nouveau paysage juridique africain la
naissance d'un véritable droit d'information des actionnaires. Aucune
condition relative à la détention d'une fraction du capital n'est
requise pour sa mise en oeuvre. Son déclenchement est subordonné
à l'existence de tout fait de nature à compromettre la
"continuité de l'exploitation". Cette expression s'inspire
clairement du droit comptable qui exige que la société
établisse ses comptes dans une optique de continuité de son
activité prévisionnelle.
La continuité de l'exploitation demeure un
critère fondamental auquel les actionnaires doivent se
référer pour déclencher l'alerte. Cette notion est
principalement fondée sur la situation financière de l'entreprise
et sur les faits objectifs pouvant survenir dans un avenir prévisible.
Parmi les faits de nature à compromettre la continuité de
l'exploitation, peuvent être retenus les faits relatifs aux
activités de la société comme les conflits sociaux ou les
transactions à des conditions anormales. Il peut s'agir en outre de
faits concernant la structure financière à savoir une
insuffisance des moyens de financement ou la perte de la moitié du
capital112.
Les actionnaires doivent en effet bénéficier des
informations précises sur l'entreprise, seul moyen permettant de
contrôler l'activité sociale. L'efficacité de ce
mécanisme relevant de la gestion normale dépend du moment de son
déclenchement, car plutôt l'alerte est donnée, plus grande
est la chance de guérison de la société113.
Cela permet de se préparer à temps pour affronter les
difficultés de la société car, ne dit-on pas, selon un
adage populaire que "mieux vaut prévenir que guérir".
Par ailleurs, il a été observé que si un
fait grave nouveau intervient, il ne leur est pas imposé de se taire.
Mais ils informeront les dirigeants en dehors du mécanisme
légal114. Associés à la marche de l'entreprise
et détenteurs d'information dont la divulgation risque de nuire à
la collectivité à laquelle ils appartiennent, les actionnaires
doivent faire preuve d'un minimum de discrétion et de secret pour
éviter tout risque pouvant affecter le crédit de la
société et susciter une crainte souvent raisonnée chez les
souscripteurs. Cette arme renforcée d'information et de contrôle
constitue une véritable force de dissuasion aux mains des actionnaires.
Il présente en outre une utilité pratique considérable.
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