Paragraphe II : Les sources d'insuffisance du
contrôle inhérentes à la qualité des
actionnaires
La passivité des actionnaires (A) ne fait
pas de l'assemblée d'actionnaires un véritable organe de
contrôle de l'activité sociale. Il en est de même du
désintérêt qu'ils manifestent à l'égard de la
vie sociale (B).
A- La passivité des actionnaires aux
assemblées
La passivité est un impedimenta qui affecte
viscéralement le contrôle exercé par l'assemblée
d'actionnaires sur la gestion sociale.
En effet, la passivité est un mal sérieux qui
fait de l'assemblée d'actionnaires un organe indolent. Ici, les
actionnaires assistent certes aux réunions, mais ne réagissent
pas pour la plupart lors des débats. En vue de cela, le professeur Y.
GUYON souligne que « les actionnaires sont généralement des
moutons, parfois des lions, toujours des bêtes » et d'ajouter qu'ils
sont « des sacs d'écus qui délibèrent
»209. D'ailleurs, la passivité des actionnaires a
conduit la doctrine à les qualifier de « robots
»210, car ils donnent toujours quitus à la gestion de la
société par les dirigeants de quelque nature que soient les
rapports et communications qui leur sont soumis. Cette situation résulte
de l'attitude des actionnaires passifs qui se contentent de faire un placement,
en se réservant la possibilité de quitter la
société en vendant leurs titres si les dirigeants ne leur
inspirent plus confiance (ils « votent avec les pieds »,
c'est-à-dire en s'en allant)211.
Plusieurs raisons sont à l'origine de cette situation.
En effet, la plupart d'actionnaires manquent de connaissances en matière
juridique et comptable. Ce qui fait qu'ils interviennent rarement lors des
débats aux assemblées puisqu'ils ne cernent pas, dans la plupart
des cas, leur portée. Ainsi en est-il des actionnaires de la
société SAGA-TOGO qui préfèrent ne pas intervenir
lors des débats afin de « cacher leur ignorance, selon les termes
d'un membre du syndicat des actionnaires de la société SAGA-TOGO.
Ils viennent le jour où les dividendes sont distribués pour
applaudir et approuver, parfois à l'unanimité, la politique des
dirigeants ».
En outre, cette passivité demeure souvent une manoeuvre
des dirigeants sociaux. En effet, mêmes si les actionnaires posent des
questions lors des assemblées, ils n'obtiennent pas toujours des
réponses satisfaisantes. Ils sont, selon ce membre du syndicat,
renvoyés sur des sites web qui les obligent à se taire. Ainsi,
lors d'une assemblée, un actionnaire avait contesté les
honoraires du commissaire aux comptes qu'il avait jugé excessifs. Le
commissaire aux comptes avait répondu que cela se trouve dans les
textes, décrets et lois qu'il peut trouver sur un site web. Ce qui a
contraint l'actionnaire à ne plus poser de questions.
De plus, il faut mentionner la jeunesse du droit OHADA dont la
plupart d'actionnaires ne maîtrisent pas totalement les contours. Cela
décourage énormément les actionnaires et ne les exhorte
pas à poser des questions. A cet effet, un actionnaire
irrévérencieux a dit : « L'assemblée
générale, c'est la messe en latin. Là où on ne
comprend pas, on s'endort »212.
Par surcroît, il convient d'ajouter que, lorsque la
réunion se tient après le déjeuner par exemple, elle n'est
pas de nature à favoriser la participation des actionnaires aux
réunions et n'incite guère à la vigilance. Bien plus,
à un tel moment, certains
207 Philippe MERLE, Droit
commercial, Sociétés commerciales, 12eme éd.,
Précis Dalloz, Paris, 2008, n° 546.
208 André TUNC, Le
droit américain des sociétés anonymes, Economica, Coll.
Etudes Juridiques Comparatives, Paris, 1985, p. 308.
209 Yves GUYON, ibid., p.
311.
210 André TUNC, « L'effacement des organes
légaux de la société anonyme », D 1952, Chr, p.
74.
211 Paul LE CANNU, Droit des
sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002,
n° 782.
212 Yves GUYON, ibid, n°
302.
actionnaires particulièrement les retraités dont
l'âge a affaibli la combativité ou l'efficacité
s'abstiennent de parler ou interviennent mal213. Ainsi, ils sont
parfois qualifiés de membres d'une « société par
inaction »214 à cet effet. S'ils ne cernent pas la
portée des débats, comment peuvent-ils réagir valablement
? A cette passivité, il convient d'ajouter le
désintérêt que la majorité d'actionnaires manifeste
à l'égard de la marche des affaires sociales.
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