CHAPITRE PREMIER: LE CONTROLE INTERNE COLLECTIF : UN
CONTROLE CLASSIQUE INSUFFISANT
En principe, l'assemblée d'actionnaires est l'organe
cardinal du contrôle des affaires sociales. Mais, cette
présentation idyllique est presque démentie par les faits, quelle
que soit la dimension de la société178. En effet, la
majorité des actionnaires ne se rend pas aux assemblées.
Très souvent, ils s'absentent massivement lors des réunions au
cours desquelles des grandes décisions déterminant la vie sociale
sont prises. Cet absentéisme est la principale raison de l'insuffisance
du contrôle interne collectif. Il peut engendrer de graves
conséquences à savoir son effacement en tant qu'organe de
contrôle et la confiscation de ses pouvoirs par la direction
(Section I).
A ces raisons réduisant considérablement son
rôle figurent d'autres causes, notamment la faible fréquence de la
tenue des réunions, le simulacre de contrôle dans les
sociétés familiales, le désintérêt à
l'égard de la vie sociale et la passivité des actionnaires. Tous
ces obstacles rendent davantage ce contrôle insuffisant (Section
II).
SECTION I : L'ABSENTEISME DES ACTIONNAIRES, LA
PRINCIPALE SOURCE D'INSUFFISANCE DU CONTROLE INTERNE COLLECTIF
L'absentéisme, en droit des sociétés, est
le fait pour un actionnaire de ne pas participer à la vie sociale lors
de la prise des grandes décisions en assemblée. Il est la
principale raison de l'insuffisance du contrôle interne collectif car il
fait de l'assemblée d'actionnaires un organe faible (Paragraphe
I). Au surplus, cet absentéisme peut engendrer des
conséquences fâcheuses telles que la confiscation du pouvoir de
l'assemblée par le conseil d'administration et entraîner son
effacement en tant qu'organe suprême (paragraphe II).
Paragraphe I : Les raisons de l'absentéisme des
actionnaires
L'absentéisme des actionnaires fait de
l'assemblée un organe faible. Il s'agit d'un des
phénomènes qui détourne les actionnaires de l'exercice
effectif de leurs attributions179 à savoir le contrôle
de l'activité sociale. Cette situation trouve sa source dans diverses
raisons dont les unes sont d'origine purement matérielle
(A), les autres d'origine essentiellement psychologique
(B).
A- Les raisons d'origine matérielle
Plusieurs difficultés empêchent les actionnaires
de mieux contrôler l'activité sociale. La première cause
matérielle tient à la difficulté d'avertir les
actionnaires de la tenue des assemblées. Les titulaires de titres
nominatifs sont connus et seront, par conséquent, avisés par
lettre. Malheureusement, la très grande majorité des titres sont
au porteur, obligeant ainsi les sociétés soit à s'adresser
aux banques pour obtenir le nom et l'adresse de leurs clients qui ont
déposé des actions chez elles afin de
177 L'affectio societatis
désigne l'intention qui doit animer les actionnaires, de collaborer sur
un pied d'égalité. Cette notion implique non seulement un esprit
de collaboration mais aussi le droit, pour chaque actionnaire, d'exercer un
controle sur les actes des personnes chargées d'administrer la
société.
178 Camille
JAUFFRET-SPINOSI, « Les assemblées générales
d'actionnaires dans les sociétés anonymes, réalité
ou fiction ? (Etudes comparatives) » Etudes offertes a René
RODIERE, Dalloz 1981, p. 125 cité par Philippe MERLE, Droit Commercial,
Sociétés commerciales, 12eme éd., Précis
Dalloz , Paris 2008, n° 456, p. 549.
179 Paul LE CANNU, Droit des
sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002,
n° 591.
leur envoyer une convocation, soit à des insertions dans
un journal d'annonces légales ou même dans la presse
d'information, deux moyens qui donnent de piètres
résultats180.
Au surplus, les actionnaires vivent rarement du seul revenu de
leurs titres et ont, en conséquence, une activité professionnelle
qui ne leur laisse généralement pas le temps suffisant pour
assister aux assemblées, d'autant plus que ces réunions se
tiennent d'habitude à des endroits éloignés, ce qui
accroît les frais de déplacement. « De surcroît,
l'accès à une assemblée est subordonné à la
présentation d'une carte d'entrée. Son obtention, aisée
pour les propriétaires de titres nominatifs qui n'ont qu'à faire
la demande auprès de la société, ne l'est pas pour les
titulaires de titres au porteur qui sont assujettis à une
procédure plus lourde : ils doivent, en effet, joindre à leur
demande une attestation émanant d'un organisme bancaire certifiant
qu'ils ont bien des titres en dépôt, attestation qui
entraîne la perception d'une redevance proportionnelle au nombre
d'actions »181.
Il convient, enfin, de souligner que les assemblées ont
lieu habituellement aux mois de mai-juin, parfois le même jour et
à la même heure, ce qui oblige la plupart des actionnaires
à un choix et contribue à augmenter
l'absentéisme182. En outre, dans les sociétés
qui réunissent de nombreux actionnaires, notamment les
sociétés cotées, les assemblées apparaissent comme
des organes lourds, difficiles à manier183. Mais ces raisons
d'ordre matériel n'expliquent pas à elles seules
l'absentéisme des actionnaires, d'autres raisons de nature psychologique
peuvent s'y greffer.
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