Paragraphe I : Le recours aux moyens à
caractère comptable et financier
Le contrôle des résultats des dirigeants sociaux
ne peut être renforcé que si l'associé dispose
d'informations précises et claires à caractère financier
et comptable sur la situation de la société. Parmi les documents
qui composent les comptes annuels et permettent de contrôler les affaires
sociales figurent un document central qu'est l'annexe des comptes
(A) et une clef de voûte du contrôle à
savoir le rapport de gestion (B).
A- L'annexe des comptes : un document central
Chaque année, la société établit
les comptes annuels à la clôture de chaque exercice. Ces comptes
annuels ou comptes sociaux donnent une image instantanée du patrimoine
social et du résultat constaté, au cours de l'exercice
écoulé, de l'activité de l'entreprise sociale (ou de
l'exécution du contrat de société). Ces comptes
comprennent le bilan140, le compte de résultat141
et une annexe. Ils forment un ensemble indissociable. Cette dernière,
c'est-à-dire, l'annexe permet aux actionnaires de mieux s'informer sur
la santé financière de l'entreprise.
L'annexe est définie comme un « document
composé d'une suite de tableaux dont l'objectif est d'expliquer le
contenu du bilan et du compte de résultat »142.
En quoi l'annexe constitue-t-elle un document central
d'information et de contrôle de l'activité sociale ?
L'annexe des comptes apporte au bilan et au compte de
résultat les compléments et commentaires par lesquels les comptes
sociaux sont réguliers et sincères et donnent une image
fidèle du patrimoine, de la situation financière et du
résultat de l'entreprise.
Elle a pour but d'éclairer la lecture du bilan et du
compte de résultat par des explications, des ventilations et des
compléments appropriés143. Ainsi, l'annexe est un
document important mis à la disposition des actionnaires car il leur
permet d'avoir d'amples informations sur la santé financière de
la société. Lorsqu'elle est établie selon les
règles comptables, elle répond au souci d'éliminer «
les pots de vin »144. EIle doit aussi permettre aux
actionnaires d'avoir une influence significative sur le jugement. Mme M. TELLER
a souligné à cet effet que « dans l'élaboration d'une
image fidèle des états financiers, l'annexe devient alors un
auxiliaire indispensable »145. Les bilans et comptes de
résultat ne peuvent remplir leur rôle que s'ils sont
accompagnés des notes annexes pertinentes, précisant et
expliquant les choix faits par les dirigeants.
Une décision rendue par la chambre criminelle de la
Cour de cassation française le 17 octobre 2007146 permet de
montrer l'importance de l'annexe des comptes. In casus, le
président d'une société d'assurance mutuelle a
été déclaré coupable de délit de
présentation des comptes annuels infidèles pour avoir soumis
à l'approbation des associés, le 22 juin 1992, les comptes de
l'exercice clos le 31 décembre 1991 qui faisaient apparaître un
résultat bénéficiaire de 240 millions de francs, faute de
constitution de provisions pour dépréciation des titres d'une
filiale. En effet, un rapport d'audit, qui constatait des pertes
considérables de la filiale et la nécessité de constituer
des provisions avait été présenté le 10 juin 1992,
date de la réunion préalable des comptes. Les risques justifiant
les provisions étant avérés, il appartenait au
président d'obtenir le report de l'assemblée si le traitement des
comptes nécessitait un délai. En outre, les
évènements significatifs susceptibles d'être intervenus
entre la date d'arrêt des comptes et celle de cette assemblée
devaient être mentionnés dans l'annexe au bilan. Or,
140 V.art. 29 et 30 de l'Acte
uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des
entreprises (AUCE).
141 V.art. 31de
l'AUDC.
142 Béatrice et
Francis GRAND GUILLOT, Mémento LMD, Comptabilité
générale, 7eme éd., Gualino éditeur, Paris 2007, p.
19.
143 Jacques MESTRE et
Christine SEBASTIEN-BLANCHARD, op.cit, n° 2028, p. 897.
144 André TUNC, ibid., n° 109, p.
160.
145 Marina TELLER, «
L'information des sociétés cotées et non cotées :
une évolution certaine, de nouveaux risques probables », RTDcom
2007, p. 20.
146 Jean Louis NAVARO, note
sous Cass. crim. 17 octobre 2007, Semaine Juridique, Entreprise et Affaires,
A.J, Tome 2, n° 2265, p. 38.
de manière délibérée, aucune des
dispositions préconisées n'avait été prise, le
dirigeant ayant refusé la présentation d'un bilan
déficitaire et exigé que les pertes soient reparties sur
plusieurs exercices, au besoin par des manipulations comptables. Le
président, ayant présenté aux actionnaires des comptes
annuels ne donnant pas une image fidèle, pour chaque exercice, de
résultats des opérations de l'exercice, de la situation
financière et du patrimoine en vue de dissimuler la véritable
situation de la société, avait été condamné
à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 200.000 euros d'amende.
L'originalité de cette décision témoigne
de l'importance des informations contenues dans l'annexe des comptes et du
souci du législateur de privilégier la description et la
communication de ces informations. Le présent arrêt s'inscrit dans
la logique suivante : le dirigeant doit informer les actionnaires par une
mention dans l'annexe des évènements significatifs intervenus
depuis la clôture de l'exercice jusqu'à la date de
l'assemblée. Les informations recueillies par l'actionnaire dans ce
document lui permettront de bien contrôler la gestion et les comptes
sociaux. Le rapport de gestion joue également ce rôle.
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