Paragraphe II : Le renforcement du contrôle
interne individuel par d'autres nouveaux moyens
Le contrôle interne individuel est renforcé par
d'autres moyens prévus par le législateur. Il s'agit d'une part
de l'astreinte (A) et, d'autre part de l'expertise de gestion
(B).
A- L'astreinte : un moyen favorisant le contrôle
L'astreinte119 est un moyen d'action mis à la
disposition de l'actionnaire confronté au refus de communication des
documents sociaux opposé par le dirigeant.
Comment l'actionnaire peut-il exercer ce droit ?
En effet, l'astreinte est exercée à
l'égard du dirigeant qui refuse de communiquer les documents sociaux
à un actionnaire qui en fait la demande. En ce cas, l'actionnaire peut
saisir le président de la juridiction compétente pour qu'il
statue à bref délai. Il s'agit du juge des
référés, c'est-à-dire, celui qui statue en cas
d'urgence. Le juge des référés peut ordonner aux
dirigeants de la société cible de communiquer les documents
à l'actionnaire. C'est ce qui ressort de l'article 528 de l'AUSCGIE qui
dispose que « si la société refuse de communiquer tout ou
partie des documents visés aux articles 525 et 526 du présent
Acte uniforme, il est statué sur ce refus, à la demande de
l'actionnaire, par le président de la juridiction compétente
statuant à bref délai. Le président de la juridiction
compétente peut ordonner à la société, sous
astreinte, de communiquer les documents à l'actionnaire dans les
conditions fixées aux articles 525 et 526 du présent Acte
uniforme ». Ainsi, la reconnaissance expresse d'un droit à
l'information au profit des actionnaires constitue l'une des innovations
importantes de la loi.
La jurisprudence française s'est exprimée en ce
sens. Dans une ordonnance rendue par le Tribunal de grande instance de Nanterre
le 15 mars 1983, un associé d'une société civile
immobilière avait demandé au gérant la communication de
deux séries de documents : une assignation reçue par la
société aux fins d'immatriculation et deux rapports d'expertise
établis au cours d'une information pénale120. N'ayant
pas obtenu satisfaction, il assigne la société et son
gérant, en référé, procédure admise en
matière d'information.
Le président du tribunal condamne la
société, sous astreinte, à donner connaissance au
demandeur de l'assignation dont la communication est réclamée.
Par ailleurs, se retranchant derrière les principes
généraux de la procédure pénale, il rejette la
demande formée aux fins de prise de connaissance des rapports de
l'expertise liés à l'instance pénale. Ce rejet des
rapports de l'expertise se justifie par le fait qu'il n'y a pas eu
d'inculpation. Cette décision, bien qu'elle soit applicable en
matière civile, est également transposable en matière
commerciale, notamment dans les sociétés anonymes.
Les juges de l'OHADA se sont aussi clairement fixés en
ce sens. Dans une ordonnance rendue le 06 février 2001, le
Tribunal de première instance de Yaoundé a souligné
qu'en cas de refus de communiquer à l'actionnaire les documents requis,
celui-ci
117 Philippe MERLE, Droit
commercial, Sociétés commerciales, 12eme éd,
Précis Dalloz, Paris, 2008, n°476, p. 571.
118 Maurice COZIAN et alii,
ibid., n° 633, p. 290.
119 Le mot astreinte vient du verbe astreindre qui
dérive du latin astringere qui signifie serrer. L'astreinte est une
condamnation pécuniaire accessoire et éventuelle,
généralement fixée a tant par jour de retard, qui s'ajoute
a la condamnation principale pour le cas oil celle-ci ne serait pas
exécutée dans le délai prescrit par le juge et tend a
obtenir du débiteur, par la menace d'une augmentation progressive de sa
dette d'argent, l'exécution en nature d'une obligation supposant son
fait personnel (peut être provisoire ou définitif). Il s'agit
d'une contrainte financière.
120 Michel JEANTIN, note sous TGI de Nanterre, 15 mars
1983, D.S 1983, p. 514.
peut saisir le juge des référés qui peut
ordonner à la société, le cas échéant, sous
astreinte, la communication de ces documents121.
L'astreinte favorise l'accès à l'information au
profit des actionnaires. Une fois l'information obtenue, elle devient un moyen
renforcé de contrôle des affaires sociales aux mains des
actionnaires. Ainsi, elle assure la protection des actionnaires minoritaires.
Encore faut-il que l'on soit en présence d'un actionnaire diligent.
L'astreinte est une injonction de faire. Au cas où elle
aboutit, son paiement ne se fait pas aux frais de la princesse. Les dirigeants
supportent les charges de celle-ci et les frais de procédure. Elle est
toujours dirigée contre les dirigeants pris en leur nom personnel et non
contre la société qu'ils représentent122. Elle
est aussi considérée comme un succédané de la
sanction pénale et très prisée par le législateur.
Mais, à côté de l'astreinte se trouve un autre
mécanisme de contrôle à savoir l'expertise de gestion.
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