2) Un espace de projets : la naissance d'une « marge
»
Quoi qu'il en soit, le projet de faire du piedmont le «
nouveau coeur de la vitiviniculture mondiale »
(entretien avec Cristian) se poursuit et des acteurs issus de la mondialisation
du vin et de son goût continuent d'affluer dans la province pour profiter
de la niche économique découverte par les acteurs de la
reconversion du vignoble dans les années 1990.
a) Un désert qui s'arrache à prix d'or
Dès lors, la conquête du piedmont continue et les
terres piémontaises s'arrachent à prix d'or : « En 1997,
un hectare de terre sur le piedmont valait 1 300 dollars. C'était
déjà cher. L'année précédente ça en
valait seulement 300. L'année suivante 3 000. Et aujourd'hui, si tu veux
en acheter un, il te faudra en débourser pas moins de 15 000 »
(Entretien n°15). Pas moins
58 Cç Annexe XVI
de 15 000 dollars, donc, pour un hectare de désert sur
le piedmont (cf. Photographie 18), soit autant, sinon plus, qu'un qu'hectare de
vignes avec droit d'irrigation dans la vallée. Car, une fois le terrain
acheté, il faut encore le défricher, le terrasser et y creuser
des perforations (cf. Photographies 19 et 20). La spéculation sur les
terres piémontaises rend le marché foncier hautement
sélectif. Ce marché, en plein essor, semble avoir de beaux jours
devant lui au vu de la grande quantité de terres encore disponible sur
le piedmont59.
Photographie 18 : Photo d'un hectare de désert
Photographie 19 : Photo des travaux de
sur le piedmont, prise depuis la R.P.N°89 le terrassement
d'une parcelle située sur le
13/03/2009 vers 11h (source : auteur) piedmont, prise le
05/03/2009 vers 13h30
(source : auteur)
Photographie 20 : Photo d'une foreuse creusant Photographie 21 :
Photo d'un nouveau vignoble
une perforation sur une parcelle du piedmont, aux pieds des
glaciers, prise le 14/03/2009 vers
prise le 14/03/2009 vers 12h (source : auteur) 12h (source :
auteur)
59Cf. Carte 16
Avec la poursuite de la conquête du piedmont par des
acteurs toujours plus conquérants et dont les stratégies
d'irrigation leur permettent d'entretenir un « rapport pionnier à
l'espace », la frontière agricole ne cesse de reculer de sorte que
les nouveaux vignobles se rapprochent des réserves d'eau que constituent
les glaciers (cf. Photographie 21).
b) Le projet de golf-bodega à Tupungato
S'il est difficile de dire si ces acteurs sont parvenus
à faire du piedmont le « nouveau coeur de la vitiviniculture
mondiale » (Entretien n°8), il est en revanche plus aisé
d'affirmer qu'en l'investissant matériellement et conceptuellement, ils
l'ont de fait territorialisé et en ont fait une « marge » au
sens où l'entendent FALIÈS, C., VELUT, S. (2008) : « un
espace de liberté où les acteurs privés peuvent projeter
leurs intentions et leurs stratégies, leurs désirs et leurs
espoirs suivant des critères variés et pas nécessairement
compatibles (rentabilité de la production, conservation d'une
identité rurale, création d'une utopie, loisirs etc.)
». Le piedmont est, en effet, devenu un centre économique dans une
périphérie géographique, une exception territoriale et un
espace de projets. Le dernier en date est la construction d'un golf-bodega
à Tupungato, le long de la R.P.N°89.
Photographie 22 : Photo du golf-bodega de Tupungato,
prise le 17/03/2009 vers 16h (source : auteur)
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Photographie 23 : Photo des vignes du golfbodega de
Tupungato, prise le 17/03/2009 vers 16h (source : auteur)
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Le complexe, qui s'étend sur plusieurs centaines
d'hectares (cf. Photographie 22) sera entièrement irrigué avec
l'eau souterraine pompée à l'aide d'une douzaine de perforations.
Il est même prévu d'y construire des habitations au milieu des
vignes (cf. Photographie 23) dont les heureux propriétaires pourront
élaborer leur vin, l'embouteiller et le faire étiqueter à
la leur nom à la bodega du golf. Associer la vigne avec un
sport réputé noble tel que le golf est, une fois encore, un moyen
de promouvoir la qualité du vin produit par la bodega, mais
c'est aussi un moyen de garantir l'homogénéité sociale de
cet espace en triant sur le volet les futurs habitants.
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