B) Les acteurs de la reconversion du vignoble
En effet, les acteurs de la reconversion du vignoble oasien
vers un vin de qualité sont, pour la plupart, des étrangers qui
ont été attirés par les prix des terrains viticoles et par
les opportunités que leur offrait le marché argentin.
1) Des acteurs issus de la mondialisation du vin et de son
goût
En provenance du Chili52, des États-Unis,
d'Italie, d'Espagne, des Pays-Bas et de France, ces acteurs sont issus de la
mondialisation du vin et de son goût. Vingt ans après la
reconversion du vignoble vers un vin de qualité, des chercheurs
s'interrogent pour savoir si ces acteurs sont les héritiers des
immigrants européens des XIXème et XXème siècles ou
bien des nouveaux acteurs aux capitaux étrangers. En outre, il s'agit de
déterminer si la reconversion du vignoble constitue
51 Pour MONTAN A, E. (2003) les montants investis dans
la vitiviniculture mendocine entre 1995 et 2000 auraient été de
l'ordre de 450 millions de dollars.
52 La présence d'investisseurs chiliens
à Mendoza illustre le dynamisme du secteur vitivinicole dans ce pays
qui, depuis les années 1990 et sa « restructuration »
(PAEGELOW, M., TORO BALBONTIN, D.E., 2008), s'est lancé à la
« conquête du monde » (SCHIRMER, R., 2005).
plutôt un rupture ou une continuité dans
l'histoire vitivinicole de la province. Pour RICHARDJORBA R.A. (2006), «
tout n'est pas capital » et le pari de la qualité n'aurait
pu être tenu sans « l'existence de bases solides ». La
« réorientation » vers la qualité s'inscrit
donc dans un « processus de maturation » du vignoble :
« alors que semble se profiler une nouvelle division internationale du
travail, la réorientation du vignoble correspondrait à une
renaissance de l'"ancien"à l'échelle internationale avec un
rôle plus important joué par le capital étranger ; quant au
"nouveau", qui apparaît à l'échelle locale et
régionale, il peut être considéré comme une seconde
modernisation [la première ayant fait suite à la
première crise de surproduction dans les années 1920] ayant
pour but de s'adapter aux tendances du présent ». Á
l'inverse, pour MONTAÑA, E. (2007), la reconversion du vignoble vers la
qualité constitue l'acte de naissance d'une « nouvelle
vitiviniculture » dont les acteurs ont peu en commun avec les
immigrants européens des XIXème et XXème siècles :
« Bien qu'ils se rapprochent, par leurs origines, des immigrants du
début du siècle, ils s'en détachent de par leur condition
de "non-pauvres", condition qu'ils mettent en valeur en rappelant que leur
arrivée à Mendoza est un choix avant d'être une issue de
secours ». Ainsi, les acteurs de la reconversion du vignoble vers la
qualité sont des « capitaux étrangers », au
mieux des « nouveaux immigrants » qui « profitent
des valeurs qu'ils ont apporté avec eux : la sécurité de
disposer d'un capital économique constitué avant d'avoir investi
dans la province, la technologie que leur procure ces ressources
financières, les savoirs-techniques ainsi que les positions
gagnées sur les marchés internationaux ». Rupture ou
continuité : au lecteur de se faire un avis en poursuivant la lecture du
mémoire. Maintenant posés les termes du débat autour de la
reconversion du vignoble, il est désormais temps de construire une
typologie de ces acteurs issus de la mondialisation du vin et de son goût
pour qui l'ouverture de la province aux capitaux étrangers fut une
opportunité à saisir : celle de profiter d'une législation
peu contraignante pour commencer une nouvelle vie, de diversifier sa production
en se positionnant sur le marché des « Vins du Nouveau Monde
», de tirer profit des faibles coûts de production pour
réduire son coût de revient ou encore celle
d'apporter sa caution à la reconversion du vignoble
vers un vin de qualité. Il s'agit donc, à partir des entretiens
réalisés avec ces acteurs, de retrouver les opportunités
qui les ont conduits à investir dans la province pour en déduire
leurs stratégies d'investissement d'une part, et le degré de
volatilité de leurs investissements d'autre part. Trois acteurs ont
ainsi été identifiés : les vignerons, les entrepreneurs du
vin et les « flying winemakers » (NOSSITER, J., 2004) ou,
plus modestement, les oenologues. Qu'ils disposent toujours ou non des
propriétés dans leur pays d'origine, les vignerons sont ceux dont
le rapport à l'activité vitivinicole s'inscrit dans un
héritage familial et se présente comme leur principale source de
revenus. Contrairement aux vignerons, les entrepreneurs du vin n'ont pas
toujours la vigne dans le sang, et, quand ils l'ont, elle n'est pas leur
principale source de revenus loin s'en faut, mais ceci ne les empêche pas
de posséder les propriétés les plus prestigieuses dans
leur pays d'origine. En dernier lieu, les « flying winemakers
» (NOSSITER, J., 2004), ces oenologues qui, dès le début de
la reconversion du vignoble vers la qualité, ont fait valoir la
légitimité de leur discipline pour s'en imposer comme les «
chefs d'orchestre ».
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