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Des glaciers au vignoble : gestion de l'eau et stratégies d'irrigation dans les "terroirs" vitivinicoles de l'oasis de Valle de Uco (Mendoza, Argentine)

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par Joris Robillard
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 1  2008
  

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2) Le contexte mendocin : le « bordonisme » et la construction d'un projet provincial où le territoire devient ressource

Face à la crise de la vitiviniculture, Mendoza dû se résoudre à appliquer des politiques d'ajustement avant celle décrétée au niveau national. Arrivé au pouvoir en 1987, le gouverneur José Bordón47 s'entoura d'universitaires, d'économistes et de sociologues proches de la fundación mediterr·nea48, « une association d'entrepreneurs qui avait pour vocation de réfléchir aux problèmes économiques et de chercher à influencer les politiques publiques » (VELUT, S., 2002). L'équipe de Bordón instaura une politique d'ajustement fiscal et de privatisation des entreprises provinciales déficitaires : la bodega49 GIOL, provincialisée en 1954 pour protéger les petits producteurs en leur achetant leur récolte à un prix garanti, fut privatisée en 1988 alors qu'elle contrôlait 16 % du marché et rassemblait la récolte de plus de 4 000 producteurs (PREVÔT-SCHAPIRA M.-F., BUNEL J., 1994). Persuadée que la solution à la crise passait par l'exportation, l'équipe entreprit également d'ouvrir la province aux capitaux étrangers pour financer la reconversion du vignoble vers un vin de qualité. Dès lors, fut mis en place un véritable « marketing territorial » pour vanter les immenses étendues de terres de la province auprès des investisseurs (cf. carte ci-dessous).

47 Professeur de Sociologie à la UNCuyo, il est choisi pour représenter le parti justicialiste de Mendoza à la Chambre des députés (1983-1987) avant d'être élu gouverneur de la province en (1987-1991).

48 Fondée en 1977, l'association se dote d'une organisation fédérale, décentralisée et très enracinée localement. Á partir de Córdoba, elle a essaimé dans les autres provinces. La première succursale est celle de Mendoza créée en 1982.

49 « Établissement où s'élabore le vin à partir du raisin acheté ou produit par le propriétaire de la bodega » (PREVÔT-SCHAPIRA M.-F., BUNEL J., 1994). Se reporter au glossaire pour une définition plus précise.

Carte 13 : « Mendoza, des terres pour croître », carte extraite de l'annuaire des exportateurs de Mendoza, édité par le gouvernement de la province, 1993 (source : PREVÔTSCHAPIRA M.-F., BUNEL J., 1994)

Cependant, comme tout territoire qui s'ouvre à la mondialisation et qui craint pour son identité, ce « marketing territorial » s'accompagna de discours emprunts de localisme50. Ainsi, le « discours de l'adversité » (PREVÔT-SCHAPIRA M.-F., BUNEL J., 1994) faisait de l'identité mendocine le produit des conditions historiques et naturelles de la conquête d'un territoire perçu comme particulièrement difficile : les mendocins y étaient présentés comme de bons éléments humains et des gens courageux, jamais vaincus, toujours prêts à recommencer pour faire face à l'adversité du milieu. De même, le « discours de l'opposition au centre » (Ibid), en opposant deux Argentines que tout sépare à l'aide de binômes spatiaux temporels (Argentine

50 Local corporatism chez les anglo-saxons, « désigne les formes spécifiques d'intégration des organisations socioprofessionnelles au processus de conduite de politiques publiques à l'échelon provincial et les formes de concertation et de compromis entre les différents acteurs locaux face au gouvernement central » (PREVÔTSCHAPIRA M.-F., BUNEL J., 1997).

sèche/Argentine humide, Argentine de la vieille oligarchie/Argentine des pionniers, Argentine de l'élevage/Argentine de l'agriculture) contribuait à la fabrique d'un « nous » mendocin : celui des pionniers et des travailleurs qui luttent contre le désert, créent des oasis fertiles et produisent des richesses à partir d'un désert. En « réinventant la tradition », ces discours n'avaient d'autre finalité que de s'appuyer sur le localisme pour construire une image séduisante de la province qui la distingue des entités voisines dans un territoire national de plus en plus fragmenté.

Ce « marketing territorial » fut payant puisque de nombreux investisseurs investirent dans la province : en 2003, le total cumulé de vingt d'entre eux s'élevait à 145 millions de dollars (BUSTOS R., TULET J.-C., 2005). D'autres sources proposent des montants nettement plus élevés51, de l'ordre de ceux qui auraient déjà été investis au Chili mais où l'essentiel des investissements demeure d'origine nationale.

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