TROISIÈME PARTIE :
LE TOURNANT DES ANNÉES 90
ET LE DÉVELOPPEMENT D'UNE
« HYDRAULIQUE INDIVIDUELLE »
L'investissement de certains acteurs dans un «
capital hydraulique propre » (RUF, Th., 2004) ainsi que
l'émergence d'une « hydraulique individuelle »
(Ibid) ont donné lieu à un nouvel accès à
l'eau. Contrairement à l'accès traditionnel, fondé sur la
proximité physique du cours d'eau et s'inscrivant dans un système
d'irrigation hérité, ce nouvel accès à l'eau est le
produit des logiques de la mondialisation : celle d'ouverture aux capitaux
étrangers et celle de diffusion des technologies. C'est, en effet, la
combinaison de ces deux logiques qui a permis de « reconvertir » le
vignoble de l'Oasis de Valle de Uco vers un vin de qualité. Dès
lors, il s'agira dans cette troisième et dernière partie de
présenter la reconversion du vignoble oasien en essayant de
déterminer dans quelle mesure la combinaison de ces logiques a
contribué à l'apparition de nouvelles stratégies
d'irrigation (I), puis d'en analyser les conséquences
socio-économiques (II).
I- La reconversion du vignoble oasien et l'apparition
de nouvelles stratégies d'irrigation
A partir du milieu des années 1970, la vitiviniculture
mendocine connût une grave crise de surproduction par suite d'une baisse
de la consommation, jusqu'alors seul exutoire de la production. Les entreprises
régionales entrèrent en crise ainsi que tous les garde-fous mis
en place par l'État provincial lors de la première crise de
surproduction dans les années 1920. De plus, ce dernier ne put jouer son
rôle de « promoteur » (RICHARD-JORBA, R.A., 2006) du
fait de la « décentralisation compétitive »
instaurée par l'État fédéral et qui contraignait
« les provinces à abandonner peu à peu un certain nombre
d'activités qui ne paraissaient plus essentielles et à laisser le
marché organiser le déploiement spatial de l'économie
» (VELUT, S., 2002). A partir de ce moment « l'orientation vers
la qualité, si longtemps préconisée, mais jamais mise
véritablement en application parce qu'elle était finalement moins
rémunératrice que la production de masse » (BUSTOS R.,
TULET J.-C., 2005)., devint une des seules alternatives pour sortir de la
crise.
Afin de financer la reconversion du vignoble mendocin vers un
vin de qualité, l'État provincial entreprit d'ouvrir la province
aux capitaux étrangers. L'arrivée d'acteurs aux nouvelles
stratégies d'irrigation permit de tenir le pari de la qualité,
mais engendra un nouveau type d'accès à l'eau qui,
détaché des contraintes de la gravité, fut le moyen pour
ces acteurs de mettre en valeur des espaces situés en
périphérie de l'oasis, sur le piedmont, avec l'intention d'en
faire le « nouveau coeur de la vitiviniculture mondiale »
(Entretien n°8). Rêve ou réalité, il n'est reste pas
moins que ce nouvel accès à l'eau, engendré par les
logiques de la mondialisation, constitue le moteur de la recomposition spatiale
de l'oasis dont il tend à dualiser l'espace et qui pourrait permettre de
distinguer les « gagnants » des « perdants
» (CHALEARD J.-L., MESCLIER E., 2006) de la reconversion du vignoble
oasien.
A) Un double contexte favorable à la venue
d'investissements vitivinicoles
L'arrivée des acteurs de la reconversion du vignoble
est la conséquence d'un double contexte : le « menemisme »,
favorisant l'investissement en Argentine, et le « bordonisme » qui
favorise l'investissement à Mendoza.
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