C) L'économie de l'eau et l'économie d'eau :
faire payer pour moins gaspiller ?
L'eau étant considérée comme un bien
public, l'usager ne l'achète pas, il ne fait que payer l'usage qu'il en
fait. Le prix à payer pour utiliser l'eau est appelé
canon et diffère selon les usages de l'eau. Malgré la
multiplication des usages ces dix dernières années, l'usage
agricole demeure le plus répandu et sert de base tarifaire : les prix
des usages industriels, urbains et récréatifs sont indexés
sur celui de l'irrigation. Le prix de l'irrigation (canon de riego)
est calculé en fonction des coûts induits par le service
d'approvisionnement en eau. Or, les acteurs qui interviennent dans la
prestation de ce service sont nombreux. Le prix de l'irrigation est alors
réparti entre ces acteurs selon l'échelle spatiale à
laquelle ils sont intervenus.
Tableau 4 : Répartition du canon de riego entre
les acteurs intervenant dans la prestation du service d'approvisionnement en
eau (source : site internet du DGI, 21/07/2009)
Montant à Payer
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Pour une parcelle d'un hectare dans chaque
bassin- versant
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Maintenance (en peso)
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DGI (en peso)
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« Association d'usagers » (en peso)
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Total (en $/ha/an)
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Siège du DGI
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Subdélégation, barrages et
réseau télémétrique
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R. Mendoza
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4,51
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10,79
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4,96
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23,40
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43,66
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R. Tunuyán Inferior
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4,51
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9,13
|
4,96
|
10,78
|
29,38
|
R. Tunuyán Superior
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4,51
|
11,42
|
4,96
|
16,57
|
37,46
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R. Diamante
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4,51
|
9,91
|
4,96
|
4,80
|
24,18
|
R. Atuel
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4,51
|
9,96
|
4,96
|
7,85
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27,28
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R. Malargue
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4,51
|
16,50
|
4,96
|
9,00
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34,97
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R.Tupungato
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4,51
|
10,67
|
4,96
|
16,57
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36,71
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Comme le montre la figure ci-dessus, environ la moitié
du prix de l'irrigation revient au DGI où elle se répartit entre
le siège (Sede Central) à Mendoza et les
subdélégations dans les bassins-versants. L'autre moitié
va au l'« association d'usagers » qui, dans le cas où elle est
fédérée, doit en reverser une partie à la «
fédération d'associations d'usagers ». A noter que le prix
de l'irrigation facturé par l' « association d'usagers » est
plus variable, d'un bassin-versant à l'autre, que celui facturé
par le DGI. Cette variabilité s'explique par le « droit de
regard » (Entretien n°2) qu'exercent les usagers sur les comptes
des « associations d'usagers » et la
possibilité qui s'offre à eux de discuter les
dépenses lors des assemblées annuelles. De plus, le budget de l'
« association d'usagers » reposant sur les usagers, si jamais ces
derniers optent pour une réduction maximale des charges, leur capital
hydraulique n'est plus amorti. De même, le prix de l'irrigation est
facturé à l'hectare et non par litre, principe d'inhérence
oblige. L'usager peut alors consommer toute l'eau de son « tour »,
n'en consommer qu'une partie, ou ne pas la consommer du tout, il payera
toujours le même prix l'irrigation : celui du service
d'approvisionnement. Ainsi, en séparant le service de la consommation,
cette économie de l'eau ne favorise pas l'économie d'eau et
inciterait même, selon certains auteurs , au « gaspillage » :
« il serait plus judicieux qu'elle [l'eau] fût
payée par l'utilisateur, qui cesserait alors de la gaspiller »
(GOUROU, P., 1976).
Faire payer l'eau, en plus du service d'approvisionnement,
pour ne plus la « gaspiller » est-elle une solution envisageable ?
Pour attribuer à l'eau une valeur marchande qui serait basée sur
la consommation, il est indispensable de passer d'une gestion par l'offre
à une « gestion par la demande sociale » (RUF, Th.,
2000). Au-delà même de la construction d'un barrage en amont de
l'oasis, il s'agirait « d'intégrer la notion de
communautés d'irrigants, établir des conventions nouvelles,
entrer dans une économie de contrats et de conventions,
reconnaître des instances de régulation et d'arbitrage, certaines
relevant de l'autorité de l'État avec sa légitimité
démocratique, d'autres relevant des collectivités rurales
dûment représentatives de la société »
(Ibid). Dans ce type de gestion, l'irriguant serait un usager autant
qu'un consommateur qui payerait la prestation d'un service et la rareté
d'une ressource contribuant ainsi à la recapitalisation du
système d'irrigation.
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