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Des glaciers au vignoble : gestion de l'eau et stratégies d'irrigation dans les "terroirs" vitivinicoles de l'oasis de Valle de Uco (Mendoza, Argentine)

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par Joris Robillard
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 1  2008
  

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3) L'appropriation d'un bien public

Autre problème, moins répandu que les deux premiers mais symboliquement plus fort : celui de l'appropriation de la ressource en eau par certains acteurs. Malgré le caractère public de l'eau, des acteurs s'approprient la ressource et le canal par lequel elle transite en bornant leur propriété avec des clôtures en fil barbelé (cf. Photographie 11). Il s'agit généralement d'acteurs économiques importants qui irriguent leur propriété grâce à l'eau superficielle de leur « tour » et l'eau souterraine qu'ils pompent dans la nappe phréatique, peu profonde dans cette partie de

 
 
 

35 Cf. Carte 10

 

l'oasis35. Ces acteurs stockent l'eau dans un réservoir ou represa (cf. Photographie 12) qui leur permet d'irriguer en dehors des horaires d'irrigation. Des pompes (cf. Photographie 13) aspirent l'eau du réservoir, la filtrent et l'envoient vers un système de goutte à goutte (cf. Photographie 14). Comme son nom l'indique, ce système d'irrigation consiste à pulvériser l'eau, goutte par goutte, au pied des cultures afin d'en réduire les pertes par infiltration et ainsi optimiser la ressource. Or, cette optimisation de la ressource, rendue possible par les technologies modernes d'irrigation, n'est pas prise en compte dans le calcul du tour d'eau. Ces acteurs reçoivent, en effet, autant d'eau que ceux qui irriguent leurs cultures par inondation alors qu'ils en consomment moins. L'excédent d'eau dans les réservoirs est donc évacué vers le desagüe et, ce faisant, bénéficie aux canaux tertiaires les plus éloignés d'un canal secondaire au préjudice des plus proches.

Photographie 11 : Photo d'une clôture entourant une grande propriété prise le 24/02/2009 vers 11h (source : auteur)

Photographie 12 : Photo d'une represa prise le 2 4 / 0 2 /2 0 0 9 v e r s 1 1 h (source : auteur)

Photographie 13 : Photo des pompes qui alimentent le système d'irrigation prise le 24/02/2009 vers 11h (source : auteur)

Photographie 14 : Photo du système d'irrigation par goutte à goutte prise le 24/02/2009 vers 11h30 (source : auteur)

D) Une ressource, deux gestions : le poids de l'héritage huarpe

Le détour par les pratiques locales fut bénéfique puisqu'il a permis de montrer le décalage entre les règles édictées en haut et les pratiques des usagers du système d'irrigation traditionnel. Ce décalage semble refléter la coexistence de deux gestions de la ressource en eau : l'une administrative et étatique, l'autre communautaire. La première, instaurée par la Ley General de Aguas, se caractérise par la rigidité de ses modalités : l'eau y est un droit attaché à la propriété foncière et est distribuée par « tours » durant lesquels chaque usager en reçoit une quantité proportionnelle à la superficie qu'il doit irriguer. La seconde, héritée des Indiens Huarpes, se distingue par la souplesse de ses modalités : l'eau y est toujours un droit mais celui-ci n'est plus attaché à la propriété foncière et peut, par conséquent, servir à irriguer une autre terre que celle pour laquelle il a été concédé. Dans la première, l'eau est une affaire publique et donc d'État,

dans la seconde, il s'agit surtout d'une affaire de voisinage. La codification et

l'institutionnalisation du système d'irrigation pré-colombien ne semblent pas avoir eu les effets escomptés sur les pratiques des usagers qui réhabilitèrent la gestion communautaire des Indiens Huarpes pour flexibiliser les principes les plus rigides de la Ley General de Aguas. Coexistent donc deux gestions de l'eau qui se complètent plus qu'elles ne s'opposent : la gestion administrative et étatique misant sur le développement des relations verticales qui relèvent d'une organisation globale, la gestion communautaire misant sur celui des relations horizontales qui relèvent d'une organisation locale.

Dans un tel contexte, les règles de la gestion de l'eau dans l'Oasis de Valle de Uco se révèlent être des combinaisons de règles sociales locales tacites, des quotas administrés et d'échanges d'eau par le jeu de réciprocités, de dons, de compensations, d'arrangements divers et de marchés de l'eau officiels ou officieux, admis ou tolérés selon les cas. Se pose alors la question de la pertinence du cadre juridique. Il s'agit là d'une « question d'échelle géographique, une question d'interface dans le réseau hydrographique entre ce qui relève d'une organisation locale et d'une organisation globale » (RUF, Th., 2004).

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille