C) Le décalage entre la Ley General de Aguas et les
pratiques des usagers
Néanmoins, si les usagers du système
d'irrigation traditionnel sont les premiers à distinguer la loi de son
application, ce ne sont pas les derniers à s'en écarter de par
leur pratiques qui leur permettent de s'accommoder de ses principes les plus
rigides. L'approche territoriale devant « refléter les
différentes conceptions des systèmes irrigués »
(RUF, Th., 2000), il désormais temps de prendre le chemin inverse de
celui suivi jusqu'à présent et de partir des pratiques locales
pour en « déduire une gestion plus flexible et plus
adaptée à une économie agricole libérée de
sa tutelle agro-directoriale » (Ibid).
1) Le non-respect du « principe d'inhérence
»
Le « principe d'inhérence », sans doute le
plus important et le plus contesté de la Ley General de Aguas
qui postule que l'eau est indissociable de la terre, est très peu
appliqué par les usagers. Il arrive, en effet, fréquemment que
ces derniers se prêtent l'eau d'un « tour » pour combler les
besoins hydriques de leurs cultures. C'est le cas de ce producteur d'ail qui
s'en fait prêter pour irriguer en hiver : « Quand arrive l'hiver
l'eau commence à me manquer. J'utilise
donc le tour d'eau d'un de mes voisins qui me le
prête et que je lui rendrai au début de l'été car
après la récolte je n'en ai plus besoin alors que lui si
» (Entretien n°2). De même, l'usager se doit d'être
à pied d'oeuvre chaque fois que c'est son « tour » d'irriguer,
car, s'il le laisse passer le voisin n'a qu'a relever sa compuerta
pour l'utiliser : « Il faut toujours être prêt lorsque le
tour d'eau arrive et ne pas le laisser passer sinon un autre peut l'occuper. Il
y a toujours un voisin prêt à occuper ton tour d'eau »
(Entretien n°6). Mieux vaut donc être en bons termes avec ses
voisins sachant que « La distribution de l'eau est une question qui se
règle généralement entre voisins » (Entretien
n°6)...
2) Les chapardages d'eau
Le système d'irrigation traditionnel étant un
système à ciel ouvert, les chapardages d'eau sont choses communes
: « Il ne s'agit pas à proprement parlé de « vols
», mais plutôt de branches ou de pierres qui augmentent le
débit par-ci et le diminuent par-là... » (entretien
avec Mario Boni). Ces chapardages sont pourtant interdits par la Ley
General de Aguas : « Il est interdit de d'obstruer
l'écoulement de l'eau dans les canaux d'irrigation. Tout
contrevenant s'expose à une amende forfaitaire de 20 à 100
pesos34 » (source : site internet du DGI, 17/02/2009).
34 De 3,75 à 18,89 euros
Photographie 10 : Photo d'un « chapardage » d'eau sur
le canal Collovati prise le 26/03/2009 vers 9h30 (source : auteur)
Les chapardages ne sont toutefois pas dénoncés,
si bien qu'il n'existe pas de registres qui pourraient donner une idée
de leur évolution dans le temps. Ici encore, le problème se
règle entre voisins selon la Loi du Talion : « branche pour
branche, pierre pour pierre ». Quoi qu'il en soit, cette attitude de
certains usagers peut surprendre dans la mesure où tous affirment que la
quantité d'eau reçue par « tour » est «
suffisante » et que le principal problème réside
dans la répartition temporelle de la ressource.
|