2) Stocker les eaux du Río Tunuyán : le
projet de barrage de retenue Los Blancos
Un projet de barrage en amont de l'oasis, le projet Los
Blancos qui date du début des années 1970, serait sur le point de
voir le jour, la province en étant rendu à sélectionner
l'entreprise chargée de sa construction (Los Andes,
04/02/2009). Le futur barrage, qui se situera à une quarantaine de
kilomètres de la ville de La Consulta, possédera une retenue
à vocation hydroélectrique de 85 Hm3 grâce à
laquelle il devrait réguler le débit du Río
Tunuyán et ainsi remédier au problème de la
répartition temporelle de la ressource. Néanmoins, la
construction du barrage devra nécessairement s'accompagner d'un
programme d'imperméabilisation des canaux
qui constitue le réseau d'irrigation. Le barrage
risque, en effet, de retenir les sédiments contenus dans l'eau de fonte
nivo-glaciaire et ainsi favoriser son infiltration qui
bénéficierait à ceux qui disposent d'une perforation pour
capter l'eau souterraine. En attendant la construction d'un tel barrage, les
eaux du Río Tunuyán sont seulement
dérivées par un barrage de dérivation, celui de Valle de
Uco.
3) Dériver les eaux du Río Tunuyán :
le barrage de dérivation Valle de Uco, un exemple des rapports entre
irrigation et pouvoir
Le barrage de Valle de Uco est le barrage de dérivation
le plus important que compte l'oasis, et pour cause : il dérive 17 % des
eaux du Río Tunuyán soit 153 hm3 chaque année.
Comme le montre la carte ci-dessous, le barrage structure l'essentiel du
réseau d'irrigation. D'après CHAMBOULEYRON, J.L. (2002), les eaux
qu'il dérive irrigueraient pas moins de 17 400 hectares de terres, soit
1/3 de la superficie cultivée de l'oasis en 1999. Ceci expliquerait que
le réseau d'irrigation soit plus développé dans les
départements de Tunuyán et San Carlos que dans le
département de Tupungato qui n'est traversé que par un cours
d'eau majeur, le Río Las Tunas, dont le débit est, du
reste, inférieur à celui des principaux cours d'eau de
l'oasis29. Car, l'eau s'écoulant par gravité dans les
canaux, l'irrigation est avant tout une pratique de proximité. Ainsi, le
réseau d'irrigation s'est d'abord développé là
où l'offre en eau superficielle était suffisante pour garantir un
accès équitable à la ressource. Là où elle
ne l'était pas, comme dans la majeure partie du département de
Tupungato, il a fallu recourir à l'eau souterraine et creuser des
perforations. Il en est de même sur le piedmont où l'offre en eau
des petits cours d'eau n'est pas suffisante pour y développer le
réseau d'irrigation. Toutefois, certains usagers se sont
organisés pour dériver, sans la moindre infrastructure, l'eau de
ces petits cours et irriguer leurs cultures. Ce sont ces usagers qui sont les
plus exposés au problème de la répartition temporelle de
la ressource étant donné que
29 Cf. Carte 9
le volume d'eau apporté par ces petits cours d'eau ne
parvient à combler les besoins hydriques des cultures qu'entre le mois
d'avril et le mois de novembre (Entretien n°14).
Carte 11 : Réseau d'irrigation de l'Oasis de Valle de Uco
(source : élaboration propre d'après le fond de carte «
BASEUCO » de l'INA et la carte « Red de riego »
réalisée par le SIPH)
Comme le rappelle la stèle sur le terre-plein central
du camping de Valle de Uco, le barrage fut construit entre 1940 et 1941 et
inauguré en 1942. La stèle mentionne, en effet, les noms des
Gouverneurs et Vice-gouverneurs de l'époque, mais sans indiquer le nom
de l'ingénieur qui a supervisé les travaux de construction du
barrage. De même l'ordre dans lequel apparaissent les noms peut
surprendre : sont d'abord cités les noms des Gouverneurs et
Vice-gouverneurs, et
ensuite seulement le nom du Superintendant qui est pourtant
à la tête du DGI, organe principal de la gestion de la ressource
en eau dans la province.
Photographie 1 : Photo du Río Tunuyán
prise en amont du barrage de Valle de Uco, le 20/02/2009 vers 13h30 (source :
auteur)
Photographie 2 : Photo du barrage de Photographie 3 : Photo d'une
stèle
Valle de Uco prise le 22/02/2009 vers dans le camping du barrage
de Valle
13h30 (source : auteur) de Uco prise de 22/02/2009 vers
13h30 (source : auteur)
Plus qu'un simple monument, cette stèle se
présente donc comme une démonstration de pouvoir : celle d'une
société en lutte permanente contre le désert et qui
assimile les ouvrages de contrôle des ressources hydriques et celles
d'extension du réseau d'irrigation à des victoires lui permettant
de réaffirmer son identité collective (MONTANA, E., 2003). Or,
comme il l'a été démontré
précédemment, l'irrigation est une pratique de proximité :
les eaux du Río Tunuyán sont dérivées par
le barrage Valle de Uco, s'écoulent dans des canaux jusqu'aux espaces
à irriguer, puis sont récupérées par d'autres
canaux, les desagües, une fois l'irrigation effectuée. Ce
faisant, l'accès à la ressource dans le système
d'irrigation traditionnel où l'eau s'écoule par gravité
repose essentiellement sur la proximité du cours d'eau. Ainsi, la
question est désormais de savoir jusqu'à quelle distance
l'accès à la ressource peut-il être équitable dans
un système d'irrigation gravitaire basé sur la proximité
physique du cours d'eau.
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