1) L'offre en eau de fonte nivo-glaciaire : une offre
considérée comme suffisante mais dont la répartition
temporelle n'est pas toujours en adéquation avec les besoins hydriques
des cultures
Tous les usagers rencontrés au cours de l'enquête
de terrain connaissent le fonctionnement hydrique de l'oasis. Ils savent
exactement d'où provient l'eau qui leur sert à irriguer leur
parcelle : « De la Cordillère, évidemment ! S'il ne
neige pas, tu n'as pas d'eau : c'est aussisimple que cela
» (Entretien n°1) ; « S'il neige beaucoup sur la
Cordillère, nous avons suffisamment d'eau ; s'il neige peu, nous
manquons d'eau » (Entretien n°3) ; « Plus il fait
chaud,
plus les glaciers fondent et plus il y a d'eau »
(Entretien n°5). Les usagers ont également conscience du
réchauffement climatique actuel et de la menace qu'il fait peser sur les
réserves en eau de la province : « Les glaciers fondent
à cause de la chaleur » (Entretien n°5) ; « Les
réserves d'eau, qui sont stockées dans les glaciers,
diminuent » (Entretien n°1) ; « Chaque année, il
tombe de moins en mois de neige sur la Cordillère. Or, d'après le
DGI, les réserves en eau des glaciers sont à peine suffisantes
pour nous permettre d'irriguer deux années sans qu'il tombe le moindre
flocon. Nous en avons déjà passé une. Si jamais il ne
neige pas l'année prochaine...nous allons sûrement manquer
d'eau » (Entretien n°14). Cependant, ils affirment ne pas avoir
noté une diminution de l'eau apportée par les cours d'eau et
semblent d'avantage préoccupés par la qualité de cette
dernière que par sa quantité : « Jusqu'à
maintenant, nous n'avons pas eu à déplorer des problèmes
de contamination. Mais, si jamais l'industrie minière s'installe en
amont, je crains le pire... » (Entretien n°3) ; «
Pourquoi faire venir l'industrie minière ici : elle te
détruit l'eau en la contaminant alors que toi tu en a besoin pour
irriguer. Et tout ça au bénéfice de qui ? De quatre ou
cinq, pas plus » (Entretien n°1)28.
Tous, sans exception, s'accordent pour dire qu'ils «
dépendent de la nature », autrement dit du cycle de l'eau : depuis
le stockage des précipitations hivernales dans les glaciers de la
Cordillère, jusqu'à leur libération par la fusion
glaciaire en été. Montrant le rapport entre les quantités
de neige précipitées sur la Cordillère et les Coefficients
Mensuels de Débits (CMD) du Río Tunuyán, les
figures ci-dessous semblent leur donner raison : les années où
les quantités de neige précipitées sont importantes
donnent lieu à des débits estivaux plus élevés que
ceux des années où les quantités de neige
précipitées sont moindres. Quant à l'accentuation du pic
des hautes eaux 2001-2002, il s'explique avant tout par
l'évènement ENSO de 2001.
28 En novembre dernier, la présidente Cristina
Kirchner posa son veto à une loi approuvée par le Parlement et
qui prévoyait de protéger les glaciers andins contre les
activités extractives. Depuis lors, les manifestations se multiplient
pour réclamer le retrait du décret présidentiel.
Figure 14 : Accumulation neigeuse à la station
nivométrique de Palomares (2 900 mètres
d'altitude), dans le bassin du Río
Tunuyán entre 2000 et 2003 (source : élaboration
propre d'après le Boletín de
Información Hidronivometeorológica publié par le
DGI
le 23/10/2008)
Figure 15 : Coefficients Mensuels de Débits du
Río Tunuyán à Valle de Uco entre 2000 et 2003
(source : élaboration propre d'après les données de
Estadística Hidrológica 2004, 24/04/09)
Les usagers sont donc dépendants de l'offre en eau de
fonte nivo-glaciaire stockée par les glaciers, mais aussi de sa
répartition temporelle : « L'inconvénient c'est que
l'eau ne nous arrive qu'en été avec la fonte des glaces. En
outre, nous ne disposons pas du débit adéquat quand on en aurait
le plus besoin : tout dépend de la fonte estivale » (Entretien
n°14). Car, si dans le régime glaciaire la période des
hautes eaux correspond effectivement à la saison
végétative, il arrive qu'en dehors de celle-ci certaines cultures
dont l'ail, principale culture hivernale qui se récolte entre les mois
d'octobre et de novembre, manquent d'eau : « Le problème c'est
que l'eau n'arrive
en quantité suffisante qu'à partir du mois
de novembre tandis que l'ail commence à demander une irrigation
régulière dès la fin du mois d'août »
(Entretien n°3). Ainsi, parce que les cultures n'ont pas les mêmes
besoins hydriques, le changement de régime hydrologique des cours d'eau
et l'avancée de la période des hautes eaux profiterait
essentiellement aux cultures hivernales dont la récolte s'effectue au
début de la saison estivale. Cela dit, la répartition temporelle
de la ressource affecte surtout les producteurs qui utilisent l'eau de petits
cours d'eau : « La majorité des ruisseaux du piedmont
connaissent des difficultés. Car l'eau commence à manquer
dès le mois d'avril, voir la fin du mois de mars, pour ne revenir en
quantité suffisante qu'à partir de la minovembre. Cela
fait donc entre 6 et 7 mois pendant lesquels les cultures ne sont pas
irriguées » (Entretien n°14). A l'inverse, les
usagers qui utilisent l'eau des cours d'eau plus importants sont moins
exposés au problème de la répartition temporelle de la
ressource. Il en est ainsi de ceux irriguant leurs cultures avec les eaux du
Río Tunuyán dont la taille du bassin-versant lui permet
d'être alimenté par les eaux de fonte nivo-glaciaires d'une
multitude de glaciers et de collecter les eaux de ruissellement issues des
précipitations hivernales. Cependant, il semblerait que le volume
apporté par les cours d'eau au printemps parvienne tout juste à
combler les besoins hydriques des cultures qui sortent de leur repos hivernal
et ce, y compris pour le Río Tunuyán (Entretiens
n°9 et 12).
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