DEUXIÈME PARTIE :
PRINCIPES ET ACTEURS DE LA GESTION
DE L'EAU DANS LE SYSTÈME
D'IRRIGATION TRADITIONNEL
Dans l'Oasis de Valle de Uco, les cultures sont
irriguées avec l'eau des cours qui descendent de la Cordillère
(l'eau superficielle) et l'eau présente dans le sol (l'eau souterraine)
qui constituent une seule et même ressource : l'eau de fonte
nivo-glaciaire des cours d'eau andins. Une seule ressource, donc, mais qui a
donné lieu à deux accès : un accès traditionnel qui
s'inscrit dans un système d'irrigation hérité et un
accès moderne s'inscrivant dans les logiques de la mondialisation. C'est
l'accès traditionnel qui fait l'objet de cette seconde partie dans
laquelle sont présentés les modalités de la gestion de
l'eau (I) ainsi que les acteurs qui y participent (II).
I- Les grands principes d'une gestion par l'offre
Le système d'irrigation dans l'Oasis de Valle de Uco,
et plus généralement dans la province de Mendoza, est un
système hérité des Indiens Huarpes. Ces derniers, avec ou
sans l'aide des Incas, développèrent un système
d'irrigation qui consistait à dériver les eaux des cours d'eau
andins en mettant à profit la pente du cône de déjection
afin d'irriguer leurs cultures27 par inondation (PONTE, J.R,
2006).
Ainsi, lorsque les Espagnols arrivèrent dans la
province vers 1551 et fondèrent Mendoza en 1561, ils découvrirent
environ 15 000 hectares de terres irriguées grâce à ce
système (PINTO, M., s.d.). Le premier contact entre les Espagnols et les
populations du Nouveau Monde fut pacifique, mais très vite
l'installation de la domination hispanique se traduisit par un processus
d'exportation de la main d'oeuvre indienne vers le Chili. Les Espagnols
s'approprièrent les oasis irriguées et se mirent à
cultiver des céréales et des fourrages pour nourrir le
bétail destiné à l'exportation (MONTAÑA, E., 2007).
Néanmoins, ils conservèrent le système d'irrigation mis en
place par les Indiens Huarpes et s'efforcèrent de construire de nouveaux
canaux d'irrigation (acequias) afin d'étendre la superficie
cultivée : au XVIIIème siècle 83 canaux secondaires sont
alimentés par les eaux des ríos Mendoza et
Tunuyán (ARAUJO E.D., BERTRANOU A., 2004).
Le système d'irrigation connût également
une importante extension entre la fin du XIXème et le début du
XXème siècle grâce à l'action de l'État qui,
pour garantir l'accès à la terre aux immigrants, augmenta de
manière significative les superficies irriguées (BUNEL, J.,
PRÉVÔT-SCHAPIRA, M-F., 1994).
Le système d'irrigation de l'Oasis de Valle de Uco
repose aujourd'hui sur un vaste réseau de canaux d'irrigation qui
irrigue quelques 41 601 hectares (DGI, 2006) grâce à l'eau de
fonte nivo-glaciaire des cours d'eau andins dont les débits,
non-régulés, dépendent des précipitations neigeuses
qui alimentent les glaciers de la Cordillère en saison hivernale : la
gestion de l'eau dans
27 D'après PONTE, J.R. (2006), maïs,
pommes de terre, fèves et courges, constituaient alors la base de leur
alimentation.
le système d'irrigation est donc une gestion de la
ressource basée sur l'offre. Encore faut-il souligner que ce
système d'irrigation est un héritage de celui initié par
les Indiens Huarpes. La codification du système d'irrigation
pré-colombien par la Ley de Agua (1884) et son
institutionnalisation par la Constitution Provinciale de 1894 peuvent, avec le
recul, être considérées comme autant de tentatives du
gouvernement mendocin pour rompre avec un passé indien « qui ne
passe pas » et légitimer son pouvoir sur la ressource : la gestion
communautaire des Indiens Huarpes est alors remplacée par une gestion
administrative et étatique. Seulement, les lois édictées
en haut, ne sont pas toujours suivies des effets en bas. Car, selon RUF, Th.,
(2000), « les règles locales actuelles de la gestion collective
de l'eau restent très marquées par les règles
passées ».
A) Une gestion de la ressource basée sur l'offre
Parce que l'Oasis de Valle de Uco ne dispose pas de barrage de
retenue permettant la redistribution temporelle de la ressource en eau, la
gestion de cette dernière dans le système d'irrigation
traditionnel est fondamentalement une gestion basée sur l'offre en eau
de fonte nivoglaciaire. Or, l'offre en eau de fonte nivo-glaciaire
dépend des précipitations neigeuses qui tombent sur la
Cordillère des Andes pendant la saison hivernale et alimentent les
glaciers.
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