II- L'Oasis Centre ou Valle de Uco : un espace «
d'interactions homme-milieu » privilégié menacé ?
La présente étude se concentre sur l'oasis de
centre, appelé également Valle de Uco, qui se situe à un
peu mois de 100 km de l'agglomération du Gran Mendoza (MONTAÑA,
E., 2003). Délimité à l'Ouest par la Cordillère
principale et à l'Est par la plaine, il se déploie sur les
départements de Tunuyán, Tupungato et San Carlos. Les raisons qui
président au choix de ce terrain d'études sont multiples. Cela
dit, il ne convient pas ici d'en dresser une liste in extenso. La
présentation de l'oasis devrait y pourvoir en montrant dans quelle
mesure il se présente comme un « espace d'interactions homme-milieu
» (LAVIE, E., 2007) privilégié et donc
particulièrement intéressant dans le cadre de ce mémoire.
Dès lors, cette présentation insistera sur la description du
développement agricole de l'oasis depuis le modèle agropastoral
et céréalier traditionnel jusqu'à l'actuelle agriculture
méditerranéenne irriguée de type huerta. Seront
ensuite présentées les modalités d'irrigation et le
fonctionnement hydrique de l'oasis afin d'appréhender le défi que
pose le réchauffement climatique, et l'hypothèse d'une changement
de régime hydrologique des cours d'eau, à la gestion de la
ressource en eau.
A) Une oasis présentant une large gamme de
cultures
La dérivation des eaux du Río
Tunuy«n, situé au centre de la province, a engendré le
développement de deux oasis distinctes : le Tunuy«n
Superior correspondant à l'Oasis Centre, et le Tunuy«n
Inferior qui forme une partie de l'Oasis Nord20. D'après
les études historiques, la pratique de l'irrigation dans l'Oasis Centre
remonterait au milieu du XVIIème siècle pour semer de la luzerne
(CHAMBOULEYRON, J.L., 2002).
20 Cf. Annexe X
1) Du modèle agropastoral et céréalier
à une agriculture méditerranéenne irriguée de type
huerta
Car, si de nos jours la province de Mendoza doit son insertion
dans les échanges commerciaux à son vignoble, elle la devait
à l'époque aux 20 000 têtes de bétail qu'elle
exportait chaque année vers ce qui s'appelait encore la Capitainerie
Générale du Chili (CHAMBOULEYRON, J.L., 2002).
a) La mise en place du modèle agropastoral et
céréalier
L'exportation du bétail se faisant à pied,
l'oasis de Valle de Uco fut choisi pour être le centre de gravité
de ce modèle agropastoral, économisant ainsi plusieurs
journées de marche aux troupeaux (CHAMBOULEYRON, J.L., 2002). Ce
modèle assura la prospérité de la province jusqu'à
la création du Vice-Royaume de la Plata en 1776 qui se traduisit par une
diminution des échanges avec la Capitainerie Générale du
Chili et leur réorientation vers le littoral atlantique et Nuestra
Señora Santa Maria de Buenos Aires, plus connu aujourd'hui sous le
nom de Buenos Aires (Ibid). Á cela s'ajoute le
développement de l'élevage dans la Pampa qui concurrence le
modèle agropastoral mendocin, obligé de se reconvertir dans une
agriculture céréalière. Au cours des XVIIIème et
XIXème siècles, des moulins font leur apparition sur les lits des
cours d'eau, posant les premiers jalons d'une agriculture industrielle
(PÉREZ ROMAGNOLI, E., 2007).
b) L'émergence d'une agriculture
méditerranéenne irriguée de type huerta
A partir du XIXème siècle, se développa
un nouveau modèle économique grâce à la construction
de voies de chemin de fer qui permirent l'arrivée dans la province de
plusieurs milliers d'immigrants européens21. En provenance
d'Espagne, d'Italie et de France, ces immigrants amenèrent avec eux les
principales composantes de l'agriculture méditerranéenne : la
vigne, l'olivier et les arbres fruitiers (MONTAÑA, E., 2007). Dans ce
changement de modèle
21 Ces flux migratoires, qui débutent dans les
années 1860 avec l'épidémie de phylloxera en Europe, sont
au plus fort entre la fin du XIXème et le début du XXème
siècle, puis commencent à diminuer à partir des
années 1930 (MONTAÑA, E., 2007).
productif, l'Etat joua un rôle de «
promoteur » (RICHARD-JORBA, R.A., 2006) : en même temps
qu'il encourageait la venue d'immigrants, envoyant des agents recruteurs
à l'arrivée des bateaux dans le port de Buenos Aires, il facilita
l'accès au crédit par la création d'une Banque provinciale
et développa le système d'irrigation pour mettre en valeur de
nouvelles terres (BUNEL, J., PRÉVÔT-SCHAPIRA, M-F., 1994). Ainsi,
de nombreux immigrants purent racheter les parcelles qu'ils cultivaient en tant
que salariés ou métayers. D'après RICHARDJORBA, R.A.
(2004), ceci eut pour conséquence d'accroître le nombre de petites
(moins de 5 ha) et moyennes exploitations (moins de 30 ha)22. Et,
pour définitivement entériner le changement de modèle
productif, l'État exempta d'impôts les nouvelles plantations de
vignes, d'oliviers et d'arbres fruitiers. Cette agriculture
méditerranéenne irriguée de type huerta est
aujourd'hui celle qui prévaut dans la province de Mendoza et plus
spécifiquement dans l'oasis de Valle de Uco.
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