3) Zones irriguées/zone non-irriguées : une
dichotomie au coeur des représentations de l'espace
Comme il l'a été dit plus haut, le milieu a
joué un rôle fondamental dans la construction de l'identité
provinciale qui s'est forgée en opposition avec le désert
(ABRAHAM, E. et alii, 2005). Celui-ci est constamment décrit
comme un milieu hostile qu'il faut combattre pour survivre. En témoigne
la lettre écrite par le gouverneur de la province à Barack Obama
pour le féliciter de sa victoire et, au passage, lui présenter
Mendoza : « "Notre province est le meilleur exemple de la lutte contre
les adversités, contre le désert et contre le manque d'eau"
» (Los Andes, 06/11/2006). Ce « discours de
l'adversité » (BUNEL, J., PRÉVÔT-SCHAPIRA,
M-F.,
1994) est également utilisé par le
Departamento General de Irrigación pour valoriser la «
culture » de l'eau (Los Andes, 19/11/2008) grâce
à laquelle « le peuple mendocin est parvenu à
transformer un désert en oasis » (Los Andes,
06/11/2008) et dont il s'estime l'héritier19.
Cependant, la partie cachée de cette identité
est qu'elle a laissé en dehors les habitants des zones
non-irriguées. Renouvelant les approches de Pour une
géographie du pouvoir (RAFFESTIN, Cl., 1980) certains
géographes argentins ont proposé une explication
séduisante de la configuration territoriale de la province dans laquelle
les zones non-irriguées sont des « espaces subordonnés
au pouvoir de l'oasis » (MONTANA, E., 2003). Selon eux, la pratique
de l'irrigation dans les zones irriguées a permis de territorialiser
l'espace, tandis que dans les zones non-irriguées l'espace en est
resté au stade de matière première. Ils en concluent que
l'irrigation s'inscrit dans le « champ du pouvoir »
(RAFFESTIN, Cl., 1980) et sépare les territoires que sont les zones
irriguées des zones non-irriguées, « véritables
espaces invisibles qui n'ont pas leur place dans l'imaginaire des mendocins, ni
font pas partie de leur identité, ni ne figurent parmi les
priorités d'une grande partie de la société locale
» (ABRAHAM, E. et alii 2005).
Le milieu de la province de Mendoza est donc
considéré comme un milieu « hostile » contre lequel il
faut « se battre ». Or la seule arme dont disposent les mendocins
pour en venir à bout est une ressource dont l'avenir paraît bien
incertain. Car, s'il faut rendre hommage aux hommes qui ont su «
transformer un désert en oasis » (Los Andes,
06/11/2008), il ne faut pas oublier pour autant que ces oasis ne sont que des
« îles vertes au milieu d'un océan désertique
» (ABRAHAM, E. et alii, 2005) et dont le développement
reste conditionné au captage des cours d'eau qui descendent de la
Cordillère. Ainsi, dans quelle mesure le réchauffement climatique
contemporain pourrait-il remettre en question la gestion de l'eau qui est
à la base du développement de ces espaces « d'interactions
homme-milieu » (LAVIE, E., 2007) ?
19 Cf. Annexe IX
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