Section 2. La certification de la conformité aux
Conventions Internationales sur la
pollution en mer : la Convention
MARPOL
La volonté de protéger le milieu marin de la
pollution résultant du transport maritime est récente. En 1954
est adoptée la première convention internationale relative
à la pollution en mer. Il
58 P . BOISSON, La sûreté des navires et la
prévention des actes de terrorisme dans le domaine maritime,
D.M.F., 2003, p. 732.
59 P. POLERE, Sûreté maritime : Bilan et
perspectives du Code ISPS, D.M.F., 2006, p. 282.
60 Arrêté du 25 juin 2004 relatif à la
reconnaissance des organismes de sûreté maritime et portant
création d'une commission consultative de reconnaissance, JO
n° 179 du 4 août 2004.
61 Idem.
62 Ibid.
63 S. ROBERT, L'Erika : responsabilités pour un
désastre écologique, PEDONE, 2003, p. 166.
s'agit de la Convention pour la prévention de la
pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures (dite OIL POL). Puis, les
grandes catastrophes écologiques résultant du naufrage de
nombreux navires ont conduit, dans un souci de protection de la mer, à
des engagements nationaux et internationaux dans les années 1970 sous
forme de déclarations et conventions. Ainsi, la protection de
l'environnement marin est devenue une des « valeurs fondamentales
»64 du droit maritime. Sous l'égide de l'O.M.I. est
adoptée en 1973 la Convention internationale pour la prévention
de la pollution par les navires65. Cette convention a
été modifiée par un Protocole de 1978, d'où son
appellation courante de MARPOL (Maritime Pollution) 73/78. Il s'agit à
l'heure actuelle d'un des régimes les plus « complets et
précis »66 avec actuellement 6 annexes, toutes en
vigueur, qui concernent :
- la pollution par les hydrocarbures (Annexe I)
- la pollution par les substances liquides nocives (Annexe II)
- la pollution par les substances nuisibles transportées
en colis (Annexe III)
- la pollution par les eaux usées des navires (Annexe
IV)
- la pollution par les ordures des navires (Annexe V)
- la pollution de l'atmosphère par les navires (Annexe
VI)
§ 1. Les diverses visites prévues par la
convention
L'alinéa 3c de la règle 4 du chapitre 5 indique
que tout Etat du pavillon désignant des inspecteurs ou des organismes
reconnus pour effectuer des visites et des inspections, doit les habiliter
à pouvoir exiger qu'un navire subisse des réparations et à
effectuer des visites et des inspections si les autorités de l' Etat du
port le lui demandent.
La Convention MARPOL prévoit différentes visites
préalables à la délivrance du certificat. Une
visite initiale qui comprend une visite de la structure, des
équipements et des installations, aménagements et
matériaux. Une visite de renouvellement avec des
vérifications semblables à celles qui sont prévues pour la
visite initiale. Cette visite a lieu à des intervalles fixés par
l'administration de l'Etat du pavillon et ne doit pas dépasser 5 ans.
Une visite supplémentaire, générale ou
partielle doit être effectuée, à la suite d'une
réparation ayant fait suite à une directive d'une
société de classification, ou à chaque fois que le navire
subit des réparations ou rénovations
64 M. RIMABOSCHI, op. cit., p. 228.
65 La Convention MARPOL a été ratifiée par
la France le 25 septembre 1981, J. O., 2 octobre 1981.
66 P. FATTAL, Pollutions des côtes par les
hydrocarbures, PUR, 2008, p. 52.
importantes. Enfin une visite annuelle est
effectuée 3 mois avant ou après chaque date d'anniversaire du
certificat. Toutes ces visites sont très semblables à celles
prévues par la Convention SOLAS.
Il existe également des visites renforcées pour
certains navires. Ces visites à bord des vraquiers et des
pétroliers sont plus complètes. Un programme de visite est
élaboré sur la base de renseignements concernant le navire. Les
inspecteurs de l'Etat du pavillon ou d'une société de
classification travaillent avec des données relatives aux
caractéristiques du navire, les plans généraux de sa
structure et de ses citernes ainsi que leur utilisation, la nature du
revêtement de protection de ces citernes67. Pour chaque visite
statutaire, un nombre d'éléments supplémentaires à
contrôler est ainsi ajouté.
§ 2. La délivrance des certificats de
conformité
Comme pour les Conventions S.O.L.A.S. et I.C.L.L., la
Convention MARPOL prévoit dans son annexe I, chapitre 5 à la
règle 10 que le certificat est délivré , soit par l' Etat
du pavillon, soit par un organisme dûment autorisé par elle.
Les règles de délivrance, de conditions de
validité et de prorogation des certificats MARPOL sont similaires
à celles prévues par la Convention S.O.L.A.S.. Il s'agit ici d'un
certificat international de prévention de la pollution par les
hydrocarbures délivré après une visite initiale
ou une visite de renouvellement. La durée de validité de ce
certificat est fixée par l'Etat du pavillon mais ne peut excéder
cinq ans. Mais, si à la fin de la durée de validité du
certificat, le navire ne se trouve pas dans un port de l'Etat du pavillon, le
certificat peut être prorogé pour permettre au navire d'achever
son voyage. Mais il faut que cette mesure apparaisse opportune et raisonnable
(règle 8) et la prorogation ne peut pas excéder cinq mois. Une
fois arrivé dans un port de l' Etat du pavillon, le navire ne peut pas
quitter le port sans avoir obtenu un nouveau certificat.
La délivrance de ces certificats est assurée par
les mêmes personnes qui effectuent les visites, soit un agent de
l'administration de l'Etat du pavillon, soit un expert auprès d'une
société de classification agrée.
67 M. FERRER, op. cit. p. 322.
Les sociétés de classification procèdent
donc aux visites prévues par les différentes conventions et
délivrent les certificats de conformité. Ce travail statutaire
leur est confié car ces organismes disposent d'une reconnaissance
historique, d'une compétence technique unanimement admise68
mais également d'un réseau de centres et d'experts situés
dans tous les grands ports du monde.
Bien qu'associées au sein de l'I.A.C. S., les
sociétés de classification n'en sont pas moins concurrentes et
les certificats de conformité délivrés par le Bureau
Veritas n'étaient pas reconnus par les autres sociétés et
vice-versa. Un navire était donc visité par une seule
société de classification et les certificats émanaient
également d'une seule société. Les membres de l'I.A.C.S.
estimaient que cela permettait une sorte d'unité du contentieux. En
effet, en cas de contestation faisant suite à un naufrage par exemple,
une seule société de classification avait certifié le
navire et endossait donc seule la responsabilité en cas de
condamnation.
Mais cette situation a changé avec l'adoption, le mardi
10 mars 2009, du paquet Erika 369. Les sociétés de
classification devront désormais adopter le principe de reconnaissance
mutuelle des certificats du navire.
Les sociétés de classification ont donc
désormais l'obligation d'accepter et de couvrir par leur propre
certificat des équipements certifiés par d'autres organismes sur
lesquels elles n'ont aucune possibilité d'intervention ni aucun moyen de
contrôle. L' Institut Français de la Mer70 (I.F.M.)
considère71 que cette obligation « porte gravement
atteinte à la cohérence du dispositif en place qui a fait ses
preuves, même s'il est perfectible ». Cette disposition du Paquet
Erika 3 aurait été introduite « à la hâte, sans
concertation et sans étude d'impact » et elle constituerait une
« menace sérieuse » pour la sécurité maritime.
Cette obligation de reconnaissance mutuelle des certificats va entraîner
une « dilution des responsabilités ». En effet, la
société de classification n'aura plus une connaissance
complète du navire et de ses équipements. L'I.F.M.
considère que les sociétés de classification devront
désormais travailler « en aveugle » et se contenter d'accepter
des certificats émis par d'autres. Cette obligation de reconnaissance
est « d'autant plus incompréhensible
68 LE MARIN, adaptation des sociétés de
classification aux évolutions des navires, vendredi 17 octobre.
2008., p. 4.
69 LE MARIN, Le paquet Erika 3 enfin adopté,
vendredi 13 mars 2009, p. 4.
70 L'Institut Français de la Mer (IFM) est une association
de Loi 1901 qui a pour objectif de sensibiliser les Français au
rôle fondamental de la mer dans tous les domaines et d'oeuvrer par tous
moyens au développement des activités maritimes de la France.
71 V. Institut français de la mer, Communiqué de
presse du 11 décembre 2007, La reconnaissance mutuelle des
certificats de classification des équipements, une menace pour la
sécurité maritime.
qu'elle est contraire à l'exigence constante et
justifiée de la Commission Européenne que les
sociétés de classification aient recours exclusivement à
leur propre personnel pour effectuer toutes les inspections et
vérifications entrant dans leur champ de responsabilité
».
Le Secrétaire Général de l'Organisation
maritime internationale le reconnaît lui-même, toutes les
réglementations du monde ne vont pas empêcher les accidents de se
produire. Le système juridique a une grande part à jouer mais,
dans une grande majorité des cas, c'est l'élément humain
qui est la source de l'accident72. Mais les sociétés
de classification ne sont pas qualifiées pour assumer un contrôle
opérationnel. Ainsi, aucune société n'examine si les
membres de l'équipage du navire ont une langue commune de communication
ou s'ils sont capables de travailler en équipe. Or, comme nous
l'indiquions précédemment, les statistiques montrent que l'erreur
humaine est à l'origine d'environ 80% des sinistres enregistrés.
Comme le remarque Monsieur Athanassiou, « les problèmes commencent
là où cessent les compétences classiques des
sociétés de classification, lesquelles s'avèrent,
même contre leur gré, impuissantes à pourvoir l'aspect
public de la sécurité maritime »73.
72 W. O'NEIL, Raising the world maritime standars,
MARITIME POLICY ANS MANAGEMENT, 2004, n°1, p. 86.
73 G. ATHANASSIOU, Aspects juridiques de la concurrence maritime,
PEDONE, 1996, p. 434.
31 Chapitre 2. La particularité du
régime juridique de la délégation aux
sociétés de classification
Cet exercice de l'obligation de contrôle des navires
arborant le pavillon de l'Etat, basé sur la coopération
étroite avec le secteur privé, permet ainsi aux autorités
nationales de remplir leurs obligations internationales en suivant la meilleure
pratique professionnelle et ce « sans bourse délier
»74.
Pour éviter que cette action des sociétés
de classification en faveur de la sécurité maritime ne soit une
démarche simplement cosmétique, il a fallu de plus en plus
s'assurer de la rigueur des contrôles qu'elles exercent.
Les techniques juridiques utilisées pour les
premières délégations étaient assez rudimentaires :
il s'agissait le plus souvent d'un simple acte administratif autorisant
l'organisme habilité à effectuer les visites prévues par
une convention et à délivrer les certificats de conformité
correspondants. Puis dans le sillage du Liberia75, de nombreux Etats
mirent en place des accords d'agrément pour régir les rapports
juridiques avec les sociétés de classification
délégataire, organiser un système de coopération et
permettre l'échange des informations en matière de contrôle
de la sécurité des navires76.
Un contrôle extérieur à l'Etat
délégataire est peu à peu apparu. L'aptitude à
exercer ces fonctions statutaires est régie par une procédure
d'agrément qui reconnaît la capacité à agir au nom
et pour le compte de l'Etat du pavillon. L'O.M.I. et l'Union Européenne
ont fixé des directives encadrant cette délégation. Cette
position des instances internationales n'est pas surprenante car les acteurs
majeurs du transport maritime admettent que les sociétés de
classification doivent être majoritairement reconnues. Cette exigence est
d'autant plus nécessaire que plus de 50 sociétés de
classification sont actuellement dénombrées dans le
monde77. Pour pouvoir recevoir une délégation d'un
Etat membre de l'Union européenne, une société de
classification doit préalablement satisfaire aux exigences posées
par le droit international et par le droit communautaire (section 1). L'Etat du
pavillon ne pourra déléguer ses compétences qu'aux
sociétés qui satisferont aux critères posés par
le
74 G. ATHANASSIOU, op. cit., p. 432.
75 L'administration maritime du Liberia fut la première en
1978 à développer des accords d'agrément avec les grandes
sociétés de classification.
76 P. BOISSON, Etats du pavillon / sociétés de
classification, op. cit., p. 43.
77 A. BELLAYER-ROILLE, Le transport maritime et les
politiques de sécurité de l'Union européenne, op.
cit., p. 104.
droit international ou le cas échéant, par le
droit communautaire. Cette nécessaire reconnaissance préalable
est la première singularité du régime juridique de la
délégation de compétence aux sociétés de
classification.
Le régime juridique de cette délégation
à des sociétés de classification « reconnues »
est spécifique à chaque Etat délégant. Au regard du
droit français, cette délégation est originale car les
activités de contrôle de l'Etat sont rarement
déléguées. Sont reconnus par la France le Bureau Veritas,
le Det Norsk Veritas, le Germanischer Lloyd, le Lloyd Register, et l'American
Bureau of Shipping. C'est l'armateur du navire sous pavillon français
qui choisit parmi ces sociétés reconnues celle qui inspectera son
navire. Cette procédure complexe renforce la singularité de la
délégation de compétence aux sociétés de
classification en droit français.(section 2)
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