Section 1. La nécessaire reconnaissance
préalable des sociétés de classification
Sur délégation des Etats, les
sociétés de classification effectuent les visites et
délivrent au nom des Etats les titres attestant la conformité du
navire aux règlements officiels. Cette activité de certification
est encadrée à deux niveaux différents. A travers ses
résolutions, l'O.M.I. a établi des directives destinées
aux Etats désirant habiliter des « organismes reconnus ». Il
s'agit principalement de règles de procédure pour la
délégation et de règles minimales que les
sociétés doivent respecter.
L'Union Européenne, instituée par le
Traité de Maastricht du 7 février 1992, constitue un niveau de
contrôle supplémentaire pour ce travail statutaire. L'accident du
Braer78 a été traduit par la Commission
Européenne en une importante communication intitulée « Pour
une Politique commune de la sécurité maritime79
». La procédure d'agrément européen mise en place par
la directive 94/5 7 et adoptée le 22 décembre 1994 reflète
une valeur ajoutée communautaire dans son action normative en
matière de sécurité maritime. Ces deux niveaux de
contrôle vont être étudiés successivement.
78 A la suite de l'échouement du pétrolier
Braer le 5 janvier 1993 à la pointe sud des îles
Shetland, une très importante pollution a touché les côtes
anglaises.
79 Communication de la Commission, Pour une politique commune
de la sécurité maritime, COM(93)66 final du 24
février 1993.
§ 1. Les apports du droit international sur le
régime juridique de la délégation
Le protocole de 1978 à la convention S.O.L.A.S. donne
des indications sur cette délégation dans la règle 6
paragraphes c et d. La société doit pouvoir exercer pleinement
ses compétences et ce, sans entraves. Les sociétés
délégataires doivent ainsi pouvoir exiger qu'un navire subisse
des réparations. Par ailleurs, l'administration de l'État du
pavillon doit notifier à l'O.M.I. l'objet de la délégation
ainsi que les conditions d'exercice de cette nouvelle compétence.
Deux résolutions de l'O.M.I. sont incorporées
dans la convention S.O.L.A.S. (règle I du chapitre XI) et favorisent
l'adoption de procédures et de mécanismes uniformes en
matière de délégation80.
La résolution A. 739, adoptée le 22 novembre
1993 a établi des directives à l'attention des Etats
désirant « reconnaître des sociétés de
classification ». La résolution A. 789 du 23 novembre 1995 traite
des fonctions des organismes agissant au nom de l'administration en
matière de visites et de délivrance des certificats.
. Ces directives de l'O.M.I. demandent aux Etats
délégants de respecter plusieurs exigences81.
L'administration de l'État du pavillon doit
vérifier que l'organisme dispose de moyens techniques, de gestion et de
recherche suffisants pour s'exécuter de manière efficace dans la
réalisation des tâches qui lui sont confiées.
L'État doit établir avec l'organisme un accord
officiel relatif aux principaux aspects de la délégation. Cet
accord doit être fait par écrit. Ces principaux aspects de la
délégation sont détaillés dans un appendice de la
résolution A. 739 qui fixe les éléments que doit comporter
un accord officiel écrit entre l'administration délégant
et l'organisme délégataire. Cet accord doit faire
apparaître les compétences déléguées
(visites, délivrance des certificats...), le fondement juridique de la
délégation, la procédure de notification à
l'administration des problèmes rencontrés sur les navires, la
rémunération, les règles de confidentialité, le
mode de règlement des différents et le contrôle de
l'administration sur l'exercice de ces compétences par le
délégataire.
80 P. BOISSON, Etats du pavillon / sociétés de
classification, op. cit. p. 44.
81 Ces obligations de l'Etat du pavillon ont été
recensées par Monsieur Boisson in. Etats du pavillon /
société de classification, op. cit. p. 43
L'État doit donner à son partenaire des
instructions précises concernant les mesures qu'il doit prendre lorsque
le navire est considéré comme inapte à prendre la mer.
Le déléguant doit mettre à la disposition du
délégataire tous les instruments de la législation
nationale lui permettant d'accomplir sa mission.
A côté de ces obligations de coopération
visant l'effectivité du travail statutaire des sociétés de
classification, les deux résolutions traitent du contrôle que l'
Etat doit exercer sur ces organismes. L'administration doit établir un
schéma permettant de vérifier la qualité du travail
effectué par la société de classification.
Des procédures de communication doivent être
établies entre les deux partenaires. Cette communication est notamment
nécessaire pour que la société de classification demande
à l'administration de bloquer un navire à la suite d'une
visite.
L'État du pavillon doit être en mesure
d'effectuer de lui-même des visites supplémentaires du navire.
Mais cette obligation se heurte sans aucun doute au manque de moyen ou
peut-être même à la réticence des administrations
nationales de certains États dit de complaisance.
Le système de qualité de la
société doit être certifié par un corps d'auditeurs
indépendant et accepté par l'État du pavillon. La
société doit appliquer un système d'assurance
qualité conforme aux normes ISO 9000.
. Les deux résolutions de l' OMI font également
peser des obligations sur l'organisme
reconnu.
L'organisme reconnu par l'administration doit démontrer
que sa taille, sa structure et son expérience sont en adéquation
avec les fonctions qui peuvent lui être déléguées.
Le premier appendice de la résolution A. 739 indique ainsi que
l'organisme reconnu doit justifier d'une expérience étendue dans
l'évaluation de la conception, de la construction et de
l'équipement des navires.
L'organisme reconnu doit publier et tenir à jour des
règlements de classification82.
Le délégataire doit respecter des principes de
déontologie. L'I.A.C.S. a ainsi adopté un code d'éthique
qui fixe les règles de bonne conduite que doivent respecter ses membres
afin de préserver leur réputation d'intégrité et
d'indépendance83.
La question se pose de la valeur à donner à ces
résolutions de l'O.M.I.. Quelle est leur juridicité? L'O.M.I.
n'est pas habilitée à imposer des sanctions aux États
parties qui n'appliquent pas les exigences de la Convention ou n'obligent pas
les navires qui battent leur pavillon à les respecter.
Le niveau d'action communautaire permet d'éviter un
« abus de mou »84. En effet, les Etats membres de l'Union
Européenne devront intégrer les directives dans leur ordre
interne. Une directive lie tout État membre destinataire quant au
résultat à atteindre, tout en lui laissant la compétence
quant à la forme et aux moyens.
§ 2. La procédure d'agrément
européen, écho d'une régionalisation de la
sécurité maritime
La généralisation de la délégation
est source d'ambiguïté sur le statut des sociétés de
classification. Ce transfert de compétence peut se révéler
gênant car elles « se retrouvent fréquemment à la fois
juge et partie »85. Elles sont rémunérées
par les armateurs qui font appel à elles.
En déléguant le contrôle de ses navires
à de multiples sociétés de classification, l'État
du pavillon complaisant, « [...]surtout s'il n'exerce aucun contrôle
sur elles, favorise indirectement l'immatriculation des navires sous son
registre en permettant que l'armateur fasse appel à des organismes de
contrôle peu sérieux »86.
Il est nécessaire de souligner, dans ce domaine de la
délégation du contrôle des navires, une intervention
salutaire du droit communautaire. A défaut de rétablir la «
responsabilité pleine et entière du pavillon »87,
les institutions communautaires encadrent cette pratique. Le Traité
de
doivent se référer les navires pour être
sûrs.
83 P. BOISSON, Politiques et Droit de la
Sécurité Maritime, EDITIONS DU BUREAU VERITAS, 1998, p.
137.
84 M. REMOND-GOUILLOUD, Du droit de détruire,
PUF, 1989, 1ère édition, p. 36 à propos du droit de
l'environnement qui souffre de l'inflation de fausses sources comme les
déclarations de principe, les chartes ou proclamations.
85 M. REMOND-GOUILLOUD, Droit maritime, PEDONE, 1988, p.
194
86 L. KHODJET EL KHIL, op. cit. p.237.
87 D. DA SILVA, op. cit. p. 261.
Maastricht du 7 février 1992, instituant l'Union
européenne va consacrer la compétence de la Communauté en
matière de sécurité maritime. L'article 75 c du
Traité dispose que « ... le Conseil, statuant conformément
à la procédure visée à l'article 189 C et
après consultation du Comité économique et social,
établit les mesures permettant d'améliorer la
sécurité des transports ». Auparavant, les normes
étaient impulsées au niveau international avant d'être
reprises au niveau communautaire. Aujourd'hui, le mouvement n'est plus si
déséquilibré et l'Union Européenne agit de sa
propre initiative en matière de sécurité maritime qui est
devenue « un des axes prioritaires de la politique européenne
»88
Concernant la délégation aux
sociétés de classification, il est raisonnable de parler d'une
valeur ajoutée communautaire. Ce acteur ne reste pas inactif et il
s'agit de jure comme de facto d'un niveau de contrôle
supplémentaire et d'un formidable outil pour introduire des exigences
harmonisées sur ce travail de certification des sociétés
de classification. Le Conseil de l'Union européenne a adopté le
22 novembre 1994 la directive 94/5 7 « établissant des
règles et normes communes concernant les organismes habilités
à effectuer l'inspection et la visite des navires et les
activités pertinentes des administrations maritimes »89
. Elle fixe les différents principes de la procédure
d'agrément comme sa demande, sa suspension et sa suppression. Le
naufrage du pétrolier Erika a souligné les insuffisances
de cette procédure, aussi le Conseil européen de Nice des 4, 5 et
6 décembre 2000 a-t-il débouché sur la Directive 2001/1
0590 qui modifie la précédente et renforce les
pouvoirs et le contrôle de la Commission sur les sociétés
de classification.
Principe de l'agrément :
l'article 3 de la directive 94/57/CE impose que « lorsqu'un État
membre habilite un organisme à effectuer en tout ou partie des
inspections et les visites afférentes aux certificats [...], il ne
confie ces visites qu'à des organismes agréés ». Il
apparaît clairement que la délégation par les États
membres, du contrôle des navires et de leur certification, ne peut
être faite qu'à des organismes agrées. D'autres part,
l'article 14-1 indique que chaque État membre doit s'assurer que les
navires battant son pavillon sont construits et entretenus selon les
règlements de classification des sociétés
agréées.
88 P. BOISSON, La politique européenne de la
sécurité maritime, source d'efficacité?, in. L'Union
Européenne et la mer, dir. A. CUDENNEC et G. GUEGUEN HALLOUET, PEDONE,
2007, p. 329.
89 Directive 94/57/CE, du Conseil établissant les
règles et normes communes concernant les organismes habilités
à effectuer l'inspection et la visite des navires et les
activités pertinentes des administrations maritimes, J.O.C.E, L 3
19/20.
90 Directive 2001/105/CE, du Parlement européen et du
Conseil du 19 décembre 2001 modifiant la directive 94/57/CE du Conseil
établissant des règles et des normes communes concernant les
organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des
navires et les activités pertinentes des administrations maritimes,
J.O.C.E., L 19 du 22 janvier 2002.
Critères d'agrément :
des critères minimaux sont établis par la directive afin de
garantir la fiabilité du travail statutaire des sociétés
de classification. La législation française distingue entre les
critères généraux et les critères particuliers.
Les critères généraux doivent être
remplis, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.
Sur le plan quantitatif :
- Pour pouvoir être agréé comme «
organisme reconnu », une société de classification doit
classer au moins 1000 navires océaniques de plus de 100 tjb
représentant au moins 5 millions de tjb au total.
- D'autre part, la société doit employer un
nombre d'inspecteurs proportionnel au nombre des navires classés. Parmi
ces inspecteurs, 100 au moins doivent travailler de manière exclusive
pour la société.
Ces critères quantitatifs ont pour but de refuser
l'agrément communautaire aux sociétés de classification de
faible importance qui opèrent en Europe91.
Sur le plan qualitatif :
- L'organisme agréé doit avoir une
expérience étendue dans le domaine de l'évaluation de la
conception et de la construction des navires.
- Il doit publier et mettre à jour
régulièrement ses règlements.
- Le registre des navires classés par la
société doit être publié tous les ans. Par ailleurs,
la proposition prévoit la réforme du système de sanctions
à l'égard des sociétés défaillantes, avec
l'introduction de sanctions financières. Le système actuel ne
connaît que la suspension ou le retrait de l'agrément. Des
sanctions plus graduelles seront plus efficaces.
- L'organisme ne doit pas être sous d'autres acteurs de
l'industrie maritime. L'annexe de la directive relatif aux critères
minimaux précise que les recettes de la société ne doivent
pas dépendre de manière significative d'une seule entreprise
commerciale. Il existe en effet un lien financier entre ces
sociétés privées et leurs clients armateurs, lequel
suscite des interrogations92 en terme de crédibilité
et d'impartialité.
91 P. BOISSON, Etats du pavillon / société de
classification, op. cit., p. 47.
92 Voir notamment ; A. BELLAYER-ROILLE, Une
responsabilisation accrue des acteurs de la sécurité maritime
européenne, in. PLANETE OCEANE, EDITIONS CHOISEUL, 2008, p. 176.
A côté de ces critères généraux
sont établis des critères particuliers qui reprennent les normes
minimales fixées par la résolution A. 739 de l' O.M.I..
- L'organisme doit disposer d'un personnel proportionné
aux tâches à effectuer et aux navires
classés.
- Il doit être régi par un code de
déontologie et garantir la confidentialité des informations
fournies à l'administration.
- L'organisme doit suivre une politique élaborée
sur « des objectifs et des indicateurs de performance en matière de
sécurité et de prévention de la pollution »93
- Le système de qualité de l'organisme doit
être certifié par un corps indépendant de
vérificateurs reconnu par l'administration de l' État dans lequel
il est établi.
Procédure d'agrément :
Cette procédure est précisée dans
l'article 4 de la directive 94/57 qui oblige les États membres à
ne reconnaître que les organismes répondant aux critères de
l'agrément communautaire. C'est une procédure assez complexe de
double agrément. L'organisme doit au préalable recevoir
l'agrément de la Commission Européenne. Les États membres
vont ensuite agréer eux-mêmes les organismes parmi ceux
déjà reconnus au niveau communautaire. Ainsi, 13
sociétés sont actuellement agréées au niveau
communautaire94. Il convient de rappeler que l'État
français reconnaît 5 organismes parmi ces 13
sociétés dotées de l'agrément communautaire : le
Bureau Veritas (BV), le Det Norsk Veritas (DNV), le Germanischer Lloyd (GL), le
Lloyd Register (LR), et l'American Bureau of Shipping (ABS).
- L'organisme transmet toutes les informations relatives
à ces critères à l'État dont il sollicite
l'agrément. Les États membres qui veulent agréer pour la
première fois un organisme soumettent à la Commission une demande
d'agrément accompagnée d'informations complètes le
concernant.
- Un Comité pour la sécurité maritime et
la prévention de la pollution par les navires (C.O.S.S.)95
est chargé d'assister la Commission européenne dans son travail
d'évaluation et de contrôle des organismes. Il est composé
des représentants des États membres et présidé par
le représentant de la Commission. Avec l'aide du C.O.S.S., la Commission
procède à l'inspection des organismes faisant l'objet d'une
demande afin de vérifier qu'ils répondent bien aux
critères
93 P. BOISSON, op. cit. p. 48.
94 Liste des organismes reconnus sur la base de la Directive
94/57/CE, J.O.C.E, C 13 5/4 du 19 juin 2007.
95 Règlement 2099/2002 du Parlement européen et du
Conseil du 5 novembre 2002 portant création du Comité pour la
sécurité maritime et la prévention de la pollution par les
navires, J.O.C.E. L 324 du 29 novembre 2002.
d'agrément.
- L'État doit communiquer aux autres États membres
le nom de l'organisme qu'il agrée.
- L'article 5 de la directive dispose que les États
membres ne peuvent pas, en principe, refuser d'habiliter un organisme
agréé situé dans la Communauté à effectuer
les contrôles. Mais cette contrainte est purement théorique car
l'article poursuit en indiquant que les États ont néanmoins la
faculté de restreindre le nombre d'organismes qu'ils habilitent en
fonction de leurs besoins. Il suffit que cette limite soit justifiée par
des motifs « transparents et objectifs ».
- Pour l'agrément des organismes situés dans des
États tiers, une condition de réciprocité s'applique. Les
États membres peuvent exiger de ces pays qu'ils agréent les
organismes agréés situés dans la Communauté.
- La directive instaure également un contrôle direct
de la Commission européenne sur les organismes déjà
agréés pour éviter « toute habilitation complaisante
ou automatique »96.
- Pour ces contrôles, la Commission a à sa
disposition les fiches de performance de l'organisme en matière de
sécurité et de prévention de la pollution. Ces fiches sont
établies sur la base des statistiques produites dans le cadre du
Memorandum of Understanding (M.O.U.) de Paris97 sur le
contrôle de l'État du port. Ce Mémorandum a
été « communautarisé »98 par la
Directive 95/21/CE du Conseil du 19 juin 1995 appliquant aux navires en escale
dans les ports communautaires des normes internationales sur la
sécurité maritime, la prévention des pollutions et les
conditions de vie à bord.99 La Commission utilise les
analyses des accidents dans lesquels sont impliqués les navires
classés ou certifiés par les sociétés
agréées100.
A côté de ces fiches sur la performance des
sociétés de classification existe un autre outil permettant une
meilleure sélection des navires et donc une réduction de
l'utilisation de navires sous normes. Il s'agit du système
Equasis101 (European Quality Shipping Information System), base de
données rassemblant des informations sur plus de 70000 navires
marchands. Il croise les informations recueillies par de nombreux acteurs comme
le M.O.U., les sociétés de classification ou
96 M. FERRER, op. cit. p. 326.
97 Le mémorandum d'entente sur le contrôle de l'Etat
du port est signé le 26 janvier 1982 par les administrations des Etats
membres de la CEE et riverains de la mer. Il a pour but de mettre en oeuvre le
contrôle de l'Etat du port d'escale prévu à l'article 219
de la Convention de Montego-Bay. Il traduit la volonté de certains
États de renforcer ensemble les conditions de contrôle des navires
étrangers dans leur ports.
98 M. NDENDE et B. VENDE, La transposition par les
États de la Directive portant communautarisation du Mémorandum de
Paris, DMF, 2000, p. 308.
99 Directive 95/2 1/CE du Conseil du 19 juin 1995 appliquant
aux navires en escale dans les ports communautaires des normes internationales
sur la sécurité maritime, la prévention des pollutions et
les conditions de vie à bord, J.O.C.E. L 157/1 du 7 juillet 1995.
100M. FERRER, op. cit. p. 328.
101 Un Mémorandum d'entente sur le système Equasis
a été signé le 17 mai 2000 par 7 administrations maritimes
: Japon, Singapour, Espagne, Gardes-côtes américaines,
Royaume-Uni, France et Commission européenne.
les assureurs.
Les sociétés de classification
agréées ont entre leurs mains un pouvoir considérable sur
la chaîne de sécurité du transport maritime dans les eaux
de l'Union Européenne qui doit satisfaire aux normes internationales en
matière de prévention de la pollution. Mais elles sont
étroitement surveillée pour s'assurer qu'elles agissent avec
rigueur et en toute indépendance.
Un Règlement adopté définitivement par le
Parlement européen et le Conseil le 27 juin 2002102 a
créé l' Agence européenne de sécurité
maritime. La sécurité des transports ne peut être
assumée « ni par les administrations nationales, car il s'agit de
la gestion d'intérêt commun, ni par la Commission car il faut y
éviter l'asphyxie administrative »103. Cette agence est
donc mise en place pour aider la Commission à assurer le suivi et la
vérification de l'application « efficace et harmonieuse
»104 des règles en vigueur au sein de l'Union. Il s'agit
de renforcer le système global de sécurité maritime dans
les eaux communautaires. Pour ce faire, l' Agence européenne de
sécurité maritime agit comme le bras séculier de la
Commission. Ses missions sont nombreuses : répondre aux questions des
États membres sur l'application des normes communautaires ; aider les
États candidats à mettre en oeuvre cette même
législation relative à la sécurité maritime ;
procéder aux évaluations des sociétés de
classification par la réalisation d'audits de celles qui ont reçu
l'agrément communautaire. Ces visites et contrôles sont
menés aussi bien au siège de la Société que dans
leurs centres de sécurité locaux ou encore sur les navires que
les sociétés ont certifiés.
Obligations de l'organisme découlant de
l'agrément :
L'article 15 de la directive 94/5 7 impose aux
sociétés agréées plusieurs obligations qu'elles
doivent observer sous peine de suspension ou de retrait de
l'agrément.
- Les organismes accrédités doivent se consulter
périodiquement en vue de maintenir l'équivalence de leurs normes
techniques et de leur mise en oeuvre. Ils doivent également fournir
à la Commission Européenne des rapports périodiques sur
les grandes avancées techniques en matière de norme.
- Ils doivent communiquer les informations concernant les
navires à l'État qui leur a accordé
102 Règlement du Parlement Européen et du Conseil,
n° 1406/2002 du 27 juin 2002, J.O.C.E. L 208 du 5 août 2002.
103 L. GRARD, Sécurité et transport dans
l'Union Européenne, le recours aux agences de régulation,
EUROPE, octobre 2003, chr. p. 4.
104 P. BOISSON, La politique européenne de la
sécurité maritime, source d'efficacité?, in. L'Union
Européenne et la mer, op. cit. p. 332.
l'agrément, à la Commission européenne ainsi
qu'au système SIRENAC105.
- Ils doivent coopérer avec les administrations
chargées du contrôle par l'État du port lorsqu'un navire de
leur classe est concerné. Cette coopération doit permettre de
faciliter la correction des anomalies constatées.
- En cas de modification de la classe ou de
déclassement d'un navire, les sociétés
agréées doivent en informer l'administration de l'État du
pavillon ainsi que la Commission. La directive parle de fournir à «
l'administration ». Ce terme est utilisé comme un
générique ; on peut penser que cette information doit être
comprise comme la plus large possible.
- En cas de changement de classe et ce, pour des raisons de
sécurité, l'État du pavillon doit être
informé et la société cédante doit fournir à
la société cessionnaire toutes les informations
nécessaires. Il s'agit notamment des retards dans l'exécution des
visites ou la mise en oeuvre des recommandations, des conditions d'exploitation
ou des restrictions d'exploitation établies à l'encontre du
navire. La nouvelle société ne pourra délivrer de
certificats au navire qu'en application des recommandations de la
société d'origine. Il s'agit d'éviter la pratique du
« class shopping » qui consiste pour l'armateur à changer
d'organisme certificateur ou classificateur lorsque ce dernier envisage une
visite complète du navire106.
Le retrait et la suspension de l'agrément :
L'article 10 de la directive 94/57/CE dispose qu'un
État membre peut suspendre l'agrément accordé lorsqu'il
estime que l'organisme ne peut plus être habilité à
accomplir en son nom les tâches déléguées. Lorsqu'un
État membre suspend effectivement cet agrément, il doit en
informer sans délai la Commission et les autres États membres et
motiver cette décision. C'est la Commission qui va examiner si cette
suspension est ou non justifiée du fait de raisons mettant gravement en
danger la sécurité ou l'environnement. Le cas
échéant elle invitera l'État membre à annuler la
suspension.
L'article 9 traite du retrait de l'agrément. Il dispose
que, si les organismes ne satisfont plus aux critères
énoncés dans l'annexe de la Directive et ne répondent pas
aux fiches de performance, l'agrément est retiré.
Le retrait récent par la Commission de l'agrément
de l'Hellenic Register of Shipping illustre très bien cette
procédure et le contrôle très stricte effectué sur
ce travail statutaire des sociétés de
105 SIRENAC : Système d'information relatif aux navires
contrôlés. Cette base de donnée, instituée à
l'occasion du MOU de Paris, regroupe l'ensemble des informations issues des
inspections.
106 A. BELLAYER-ROILLE, Une responsabilisation accrue des
acteurs de la sécurité maritime européenne, op. cit.
p. 375, l'auteur souligne que « L'Erika, construit en 1975, a
changé 7 fois de nom, a battu pavillon du Liberia, du Japon et de Malte
et a été soumis au contrôle de quatre
sociétés de classification différentes. ».
classification.
Par la décision 200 1/ 890/CE107, la
Commission a accordé un agrément limité à la
société de classification Hellenic Register of Shipping
conformément à l'article 3 paragraphe 4 de la directive 94/57 du
Conseil. Cet agrément a été prorogé par la
décision 2005/623/CE108 de la Commission et est
accordé pour 3 ans.
Le 24 juillet 2008, la Commission décide de ne pas
proroger l'agrément limité accordé à la
société grecque109. A compter du 4 août 2008 le
Hellenic Register ne peut effectuer son travail de certification que pour les
navires immatriculés à Chypre, en Grèce et à Malte
qui sont les seuls États membres à avoir
délégué des compétences à cette
société110. Cette société est reconnue
par 35 États du pavillon à travers le monde111.
Plusieurs audits menés par l'administration maritime grecque et par
l'Agence européenne de sécurité maritime ont poussé
la Commission à ne pas proroger cet agrément112.
Pendant les mois qui ont suivi cette décision, la Commission
aidée de l'Agence européenne de sécurité maritime
(ou E.M.S.A pour European maritime safety agency) et de l'État grec a
mené de nombreuses investigations dans les locaux de la
société et contrôlé de nombreux navires
préalablement certifiés par la société.
Puis, au début du mois de mars 2009, la Commission
européenne a décidé d'accorder 17 mois à la
société pour se conformer aux critères qualitatifs
d'agrément et lui a interdit jusque là de classer de nouveaux
navires113. En revanche, l'Hellenic Register va pouvoir continuer
à délivrer les certificats à sa flotte actuelle. Cette
atténuation permet d'éviter à la société de
perdre toute sa flotte. Les inspecteurs de la société ne pourront
cependant pas travailler hors de Grèce et devront se remettre à
jour en Grèce. Les audits de l'administration grecque et de l'E.M.S.A.
révèlent un entraînement inadéquat des inspecteurs
ainsi que des inspections insuffisantes sur les ferrys très nombreux
sous pavillon grec. L'I.A.C.S sera chargée de superviser cette formation
des inspecteurs de la société.
107 Décision de la Commission du 13 décembre 2001
relative à l'agrément de l'Hellenic Register of Shipping,
J.O.C.E, 2001, L 329, p. 72.
108 Décision de la Commission du 3 août 2005
relative à la prorogation de l'agrément limité de
l'Hellenic Register of Shipping, J.O.C.E, 2005, L 219, p. 43.
109 Lloyd's List, jeudi 7 août 2008.
110 Fairplay International Shipping Weekly, jeudi 7 août
2008.
111 Lloyd's List, mardi 5 août 2008.
112 Tradewinds, vendredi 8 août 2008.
113 Lloyd's List, jeudi 5 mars 2008.
L'agrément communautaire est la première
condition à l'exercice de compétences statutaires par les
sociétés de classification. Celles-ci doivent ensuite recevoir
celui de l'État du pavillon du navire. Cet agrément
étatique ouvre la porte à une délégation du
contrôle de la conformité des navires aux exigences des
conventions ratifiées par l'État. La délégation
d'activité publique peut être définie comme «
l'ensemble des modalités par lesquelles l'administration publique confie
à un tiers la gestion d'une activité dont elle a la charge,
moyennant une contrepartie économique »114. Les
modalités retenues pour la délégation du contrôle
sont, comme nous allons le voir, originales.
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