B. L'inopposabilité de la doctrine administrative
confirmée par le juge fiscal
Dans l'affaire Société Arcelor France,
la société requérante demandait le plafonnement en
fonction de la valeur ajoutée de ses cotisations de taxe professionnelle
au titre de l'année 1992. Pour cette année, elle soutenait que la
valeur ajoutée devant être prise en compte était nulle, en
se fondant sur les termes d'une instruction de la Direction
générale des impôts selon lesquels en cas de changement
d'exploitant à une date autre qu'au 1er janvier, la valeur
ajoutée ajustée du nouvel établissement est
additionnée à la valeur ajoutée produite dans les
établissements déjà existants. Le Conseil d'Etat
décide que la société requérante « ne peut se
prévaloir de l'instruction administrative du 8 février 1980
dès lors que l'imposition qu'elle conteste n'a fait l'objet d'aucun
rehaussement »159.
158 L. VALLEE, « La non-opposabilité à
l'administration fiscale de sa doctrine en matière de plafonnement de la
taxe professionnelle », Revue de droit fiscal 03/08, n° 10, p.
39-40.
159 Ibid.
La solution retenue par le Conseil d'Etat dans l'arrêt
Société Arcelor France semble s'appliquer également
lorsque le contribuable adresse au comptable public une déclaration afin
de réduire sa cotisation de taxe professionnelle, par anticipation, du
montant du dégrèvement attendu du plafonnement de celle-ci en
fonction de la valeur ajoutée, au titre de l'article 1679
quinquies du CG I160.
De plus, le Conseil d'Etat a reconnu, dans l'affaire
ministre c/ SNCF, du 29 décembre 2000, que l'administration a
formellement procédé à une appréciation de la
situation de fait de l'intéressé, lorsqu'elle a statué sur
une précédente réclamation relative au plafonnement de
taxe professionnelle. Cependant, il constate que cette appréciation
n'est pas opposable à l'administration, puisque le mécanisme du
plafonnement, représentant un dégrèvement sur
réclamation, n'implique aucun rehaussement d'imposition
antérieure au sens du premier alinéa de l'article L 80 A du LPF
auquel se réfère l'article L 80 B du LPF, en cas de refus de
dégrèvement. Ainsi, le juge fiscal a refusé de faire
application de l'article L 80 B du LPF161.
Par ailleurs, lorsque le contribuable, en invoquant une
doctrine administrative, demande ultérieurement la restitution d'une
imposition qu'il a acquittée, l'inapplicabilité de l'article L.
80 A est un moyen d'ordre public162. Ainsi, elle peut être
invoquée pour la première fois devant le juge de cassation.
Aussi, lorsque le juge du fond a omis de soulever un moyen d'ordre public,
celui-ci peut être soulevé d'office par le Conseil d'Etat en
cassation163.
160 J-L. PIERRE, « La non-opposabilité à
l'administration fiscale de sa doctrine en matière de plafonnement de la
taxe professionnelle », Revue de droit fiscal 03/08, n° 10, p.
40-41.
161 J. COURTIAL, « Traitement des subventions d'exploitation
pour le calcul du plafonnement de la taxe professionnelle », BDCF 3/01,
n° 40, p. 25-27.
162 CE 31 mars 1993 n° 115511, Clinique Lafourcade,
dans J-L. PIERRE, « La non-opposabilité à l'administration
fiscale de sa doctrine en matière de plafonnement de la taxe
professionnelle », RDF 03/08, n° 10, p. 40-41.
163 CE 26 juillet 1991 n° 115494, Double V-Miss D,
dans J-L. PIERRE, « La non-opposabilité à l'administration
fiscale de sa doctrine en matière de plafonnement de la taxe
professionnelle », RDF 03/08, n° 10, p. 40-41.
Chapitre 4 : Les conséquences controversées
du plafonnement de taxe professionnelle
Ainsi que l'a démontré le rapport du 8 juillet
2004 rendu par la Commission Fouquet, aujourd'hui plus de la moitié des
cotisations de taxe professionnelle sont calculées en fonction de la
valeur ajoutée des entreprises. En pratique, celle-ci constitue donc la
principale assiette de la taxe professionnelle. En effet, avec l'accroissement
de la pression fiscale exercée par les collectivités
territoriales, le nombre d'entreprises plafonnées tend
mécaniquement à augmenter.
La valeur ajoutée a pris considérablement de
l'importance tant au niveau des entreprises qu'au niveau de l'administration.
Par conséquent, les entreprises développent une politique
d'optimisation fiscale (Section 1).
Par ailleurs, depuis 2007, le coût du plafonnement n'est
plus exclusivement pris en charge par l'Etat. Ce coût est pour partie
pris en charge par les collectivités territoriales
bénéficiaires de la taxe professionnelle. Ainsi, le plafonnement
de taxe professionnelle tend à freiner les dépenses des
collectivités territoriales (Section 2).
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