7.1. Modes de gouvernance
La littérature reflète la tension à
laquelle les entreprises sont confrontées: « make-or-buy »
(e.g. Fine & Whitney 2003). Faire ou faire-faire sont deux
stratégies justifiables même si la tendance est orientée
vers la combinaison des deux.
Approche « make »
L'approche make consiste à développer
les technologies en interne pour disposer de plus de ressources en favorisant
l'apprentissage par l'expérience (learning by doing) et pour être
à l'abri des tentatives d'expropriation (Perrons & Platts 2005).
En termes de stratégie, cette approche est
généralement justifiée par les disponibilités de
capacités, la volonté de contrôler le développement
et l'utilisation de la technologie, et par l'objectif de renouveler ses
capacités. La volonté de protéger ses technologies
propriétaires est une autre raison décisive en matière
d'innovation technologique. (Schilling & Thérin 2006).
Selon la théorie du coût transactionnel (TCT)
(Williamson 1991), il y a deux options extrêmes qui s'offrent à
l'entreprise : le marché ou la hiérarchie. Le mode
marché correspond à une situation d'échange
où les deux parties régulent leur relation grâce aux prix
et aux quantités. L'historique de la relation n'est pas significatif.
Les offres sont standards. Les acteurs sont mus par un opportunisme
prononcé dans les transactions. On est dans une logique purement
contractuelle (Grant & Baden-Fuller 2004). Dans le mode
hiérarchie, les sociétés se font concurrence et
recherchent à marquer leurs différences de performance. On est
dans la logique dominant-dépendant. Les formes peuvent être
matérialisées par des acquisitions ou des prises de participation
dominantes (Ritter 2007).
Approche « buy »
Entre ces deux extrêmes (marché et
hiérarchie), il existe une multitude de formes de collaborations
interentreprises (formes hybrides de (Williamson 1991)). L'identification de
ces formes se fait selon plusieurs perspectives. Chiesa et Manzini (1998)
proposent le niveau d'intégration des ressources et des activités
comme critère pour distinguer les formes organisationnelles mises en
place. Cela correspond à l'ampleur d'internalisation des ressources et
des activités du partenaire. Les deux modèles polaires sont
l'acquisition (ou fusion) où la totalité des ressources sont
intégrées et l'outsourcing où celles-ci sont exclues de
toute mutualisation.
En revanche, si l'on prend le degré de formalisation
comme critère, les alliances stratégiques peuvent s'opérer
en allant de la relation informelle dans un réseau à la
co-entreprise. Poppo & Zenger (2002) ont défendu la
complémentarité entre les mécanismes de gouvernance
contractuelle et relationnelle. Les praticiens ont tendance à maintenir
un cadre formel mais empreint par des considérations relationnelles. Les
aléas des échanges impliquent des contrats complexes induisant
des coûts importants de transaction avec peu de garantie. De ce fait, ces
échanges complexes orientent vers davantage de gouvernance
relationnelle. Celle-ci permet de compléter le contrat formel par des
éléments extracontractuels et des moyens relationnels (Mahnke
& Özcan 2006).
Dutta et Weiss (1997) introduisent une autre dimension tout
aussi intéressante pour catégoriser les formes de partenariat :
le niveau de transfert des compétences technologiques tacites. A cet
égard, la co-entreprise est la forme partenariale la plus aboutie
où des capacités distinctes sont mises en commun sous
l'égide d'une gouvernance partagée (Dutta & Weiss 1997). Le
transfert de compétences tacites y est fortement facilité (Kogut
1988). En revanche, les alliances dites R&D sont une configuration
où le transfert de compétences tacites est dosé avec un
risque d'expropriation. La troisième forme est le partenariat de licence
correspondant à la cession de droits d'usage au partenaire et
n'impliquant pas beaucoup d'échange de compétences tacites. Dans
les partenariats marketing, le partenaire prend en charge la
commercialisation ou la distribution des produits/technologies de son
vis-à-vis. Dans un tel cas, le produit ou la technologie est
déjà réalisés. De ce fait, il est seulement
question d'échanger des informations technologiques moins critiques mais
pouvant être diffusées à destination des concurrents.
Hagedoorn et Duysters (2002) ont vérifié que les
sociétés opérant dans les secteurs hightech s'orientent
plus vers le choix de la forme des alliances technologiques.
Chacun de ces modes de gouvernance présente un risque
d'expropriation lié à son potentiel de transfert. A part le mode
de développement solitaire, les autres modes (en particulier les
alliances stratégiques et le outsourcing) impliquent tous un potentiel
d'expropriation.(cf. Tableau 1).
|
Potentiel d'expropriation
|
Développement interne seul
|
Non
|
Alliances stratégiques
|
Parfois
|
Coentreprises
|
Oui
|
Achat de licence
|
Parfois
|
Vente de licence
|
Parfois
|
Outsourcing
|
Oui
|
Organisations de recherche collective
|
Oui
|
|
Tableau 1. Modes et Potentiel
d'expropriation. Adapté de Schilling et
Thérin (2006, p 262)
Plus précisément, Jordan (2004, p 74)
suggère que les risques d'expropriation s'amplifient lorsque
l'entreprise :
o Dispose de choix très limité de partenaires en
particulier lorsque cela est dû à des impératifs
étatiques,
o Conclut une alliance dont l'objet est de partager des
compétences clés avec des partenaires,
o S'allie avec un partenaire avide d'apprendre et disposant
d'une capacité d'absorption,
o S'allie avec un partenaire qui est un concurrent sur le
même marché ou un marché lié au sien,
o Coopère avec un partenaire qui a les ressources
nécessaires pour tirer rapidement profit des compétences
acquises et donc représenter une menace concurrentielle.
Nous venons de présenter les structures de gouvernance
possibles et leur lien avec le transfert de compétences. Toujours par
rapport à l'élément de gouvernance de notre modèle
nous aborderons, les trois types de gouvernance (contractuelle, relationnelle
et modulaire) qui peuvent être mis en oeuvre.
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