Les rapports juridiques entre les droits interne et communautaire dans le contentieux des contrats de la commande publiquepar Steeve BATOT Université Robert Schuman Strasbourg 3 - Master 2 "droit public fondamental" 2008 |
§ 2. Les pouvoirs du juge des référés précontractuelsC'est incontestablement sur l'attribution des larges pouvoirs aux juges des référés précontractuels que la réception des exigences communautaires fut la plus délicate pour le droit français. En effet, la reconnaissance de tels pouvoirs au juge des référés dans les secteurs « classiques » s'est effectuée par le biais d'une intégration douloureuse (A). En revanche, la transposition de la directive relative aux secteurs « exclus » s'est avérée plus prudente et laborieuse de la part du législateur national (B). A. Les pouvoirs du juge des référés secteurs « de base » : une transposition douloureuseLa directive « recours » relative aux secteurs « classiques » impose au droit interne l'attribution de pouvoirs considérables aux instances nationales. Elle prévoit en particulier que ces dernières soient en mesure d'accorder aux entreprises lésées des dommages et intérêts, mais surtout d'annuler les décisions illégales, de prendre des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ainsi que de suspendre la procédure d'attribution en cause ou toute décision prise par les pouvoirs adjudicateurs69(*). En réponse à ce texte, l'article L 551-1 CJA offre au Président du Tribunal Administratif la faculté d'« ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte », ainsi que, cela va de soi, d'annuler les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat méconnaissant les obligations de publicité ou de mise en concurrence. Cette disposition ne doit évidemment pas être lue dans le contexte actuel, mais au moment de son édiction par le législateur français. En 1992, le droit interne ne portait pour l'essentiel guère d'intérêt à l'exécution des décisions rendues par les juridictions administratives. Le législateur de 1980 a pourtant incité le juge administratif à l'emploi de mesures, telles que l'astreinte, destinées à contraindre les personnes publiques à l'exécution des décisions de justice. Le Conseil d'Etat, en revanche, n'y prêtait pas d'attention et refusait de mettre en pratique ces mesures d'exécution. Le droit communautaire a donc pleinement contribué au développement des mesures d'exécution dans le droit processuel des contrats, alors qu'il fallut attendre la seconde moitié des années quatre-vingt-dix pour que le procédé de l'injonction soit mis en oeuvre dans l'ensemble du contentieux administratif. Ces techniques d'exécution destinées à contraindre l'administration sont aujourd'hui largement connues du droit processuel interne. De fait, le contraste des pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels dans les secteurs « classiques » avec ceux attribués aux juges des différents contentieux est moins intense. Il parût donc plus évident au législateur, lors de la réforme des procédures d'urgence, de reconnaître au juge la faculté, dès qu'il est saisi, d'enjoindre à la personne publique de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximale de vingt jours. On le voit, même si le contentieux administratif a comblé son retard par rapport aux spécificités du droit processuel des contrats publics imposées par le droit communautaire, la transposition de la directive « recours » fut particulièrement douloureuse. Le juge des référés s'est trouvé muni de pouvoirs méconnus du juge du principal. Cette intégration fut d'autant plus délicate que trois années plus tard, le législateur national devait intervenir une nouvelle fois en vue de transposer la directive « recours » relative aux secteurs « exclus ». Il ne tient aucunement du hasard si cette transposition fut des plus laborieuses. * 69 Directive 89/665, art. 2 § 1. |
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