La propriété dans l'univers virtuel( Télécharger le fichier original )par Hugues Nsiangani Université de Versailles Saint-Quentin - Master 2 droit des Nouvelles Technologies de l'Information et des Télécommunications 2008 |
§2 Revendications de l'éditeur du jeuTout d'abord, l'éditeur du jeu met à disposition des joueurs son monde virtuel et il en garde pleinement la propriété (A). Nous envisagerons ensuite un démembrement du droit de propriété de l'éditeur (B). A. Il est le propriétaire du monde virtuel (du logiciel), gère ce monde, ainsi que toutes activités se déroulant au sein de jeu Dans son étude nommée «Pitfalls of Virtual Property» (les pièges de la propriété virtuelle), Dr. Bartle a comparé le monde virtuel au jeu de société monopoly93. L'éditeur est propriétaire du monopoly, et invite des joueurs à participer à une partie. Un joueur achète « rue La Fayette » ; il devient propriétaire de cette rue certes mais uniquement dans le cadre du jeu. Dr. Bartle envisage ensuite le cas d'un joueur qui souhaiterait acquérir une autre rue, mais faute de moyens, il décide de mettre en jeu de vrais billets. Par conséquent, dans le cadre du jeu monopoly, le joueur est propriétaire de la rue qu'il a acheté avec de la monnaie « réelle ». Par contre, à la fin de la partie, il ne pourra revendiquer aucun droit de propriété sur la rue, qui n'est qu'une place dans le jeu. En payant avec de la vraie monnaie, le joueur achète un service, mais pas la propriété d'un des éléments du monopoly. Le jeu de société reste la propriété de l'hôte de maison. 91 « The `assets' of one player could mean nothing to others as they are by nature just data created by game providers » < http://news.cnet.co.uk/gamesgear/0,39029682,391 89904,00.htm> 92 « The armour and swords in games should be deemed as private property, as players have to spend money and time for them » ibid. 93 Dr. Richard A. Bartle, « Pitfalls of virtual property », The Temis Group, avril 2004, < http://www.themis-group.com/uploads/Pitfalls%20of%20Virtual%20Property.pdf> En appliquant cet exemple aux univers virtuels, cela prend tout son sens. En effet, les éditeurs revendiquent la propriété de la totalité des éléments du jeu. Le joueur ne dispose que le droit d'utiliser le monde mis à sa disposition. Il ne détient aucun élément du jeu. L'introduction de la monnaie ne changerait en rien la propriété de l'objet. L'éditeur conforte sa revendication par l'existence de la CLUF (contrat d'utilisateur final) qui met en garde les joueurs. En agréant aux termes du jeu, les joueurs renoncent à leur droit et à une quelconque revendication de droit de propriété ou d'auteur. Les objets virtuels sont ainsi des lignes de codes se trouvant dans le serveur appartenant à l'éditeur. D'où, l'éditeur est le seul propriétaire. De plus, L'éditeur a effectué de nombreux investissements pour mettre en place le monde virtuel (création du jeu, maintenance du serveur, promotion du jeu...). Son retour sur investissement ne doit pas être remis en cause par les joueurs qui souhaiteraient s'approprier les objets virtuels. B. Le joueur ne détiendrait qu'un droit d'usufruit... ? Il existe certains droits qui procurent à leurs titulaires la jouissance d'une chose sans leur en conférer la totale propriété. En ce sens, il est possible d'avoir sur les biens « un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre». L'article 543 du code civil donne la possibilité de démembrer le droit de propriété. La jouissance peut avoir pour cause soit un droit personnel soit un droit réel94. Ainsi le droit d'usufruit est un droit réel de la jouissance sur la chose d'autrui « conférant à leur titulaire des prérogatives étendues sur un bien et privant le propriétaire d'une grande partie de son utilité ». Aux termes de l'article 578 du code civil, « l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance ». L'usufruit est un droit viager. Le propriétaire privé de son bien est appelé le nu-propriétaire. Le droit réel confère à son titulaire une maîtrise directe sur la chose sans l'intervention d'un tiers. L'usufruitier a les mêmes droits que le propriétaire mais il ne peut pas disposer de la chose. Ainsi, l'usufruitier ne disposerait que de l'usus et du fructus et le nu-propriétaire de l'abusus. Il convient de préciser que l'usufruit peut porter sur des biens incorporels95. Le joueur ne détient qu'un droit d'usufruit qui est un démembrement du droit de propriété. Le joueur n'a pas une pleine propriété sur les objets virtuels. En effet, s'il cesse de payer son abonnement, il ne peut plus avoir accès au monde virtuel et par conséquent à ses objets virtuels. Le joueur ne possèderait pas tous les attributs d'un véritable propriétaire. Il ne peut qu'utiliser l'objet virtuel, et revendre ses droits d'accès96. Le joueur aurait ainsi l'obligation de jouir du bien en bon père de famille, d'en conserver la substance et de ne pas en changer la destination. Il pourrait vendre le bien ou bien le transmettre. Il ne peut le détruire sinon il devra rendre des comptes au nu-propriétaire. 94 Traité de droit civil, Les Biens, Jean-louis Bergel, Marc Brushi, Sylvie Cimamonti, LGDJ, 2000 95 Usufruit de valeurs mobilières et de parts sociales, V. : Com. 31 mars 2004 : Bull. civ. IV, n°70 ; D.2004. AJ. 1167, obs. A. Lienhard 96 V. < www.legalbiznext.com/droit/vol-virtuel-condamnation-relle?var_recherche=jeux+vidéo> Cependant le droit d'usufruit est d'origine légale, peut être crée par titre ou par prescription acquisitive. Il semble difficile d'appliquer le droit d'usufruit dans le cadre des jeux en ligne. |
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