La propriété dans l'univers virtuel( Télécharger le fichier original )par Hugues Nsiangani Université de Versailles Saint-Quentin - Master 2 droit des Nouvelles Technologies de l'Information et des Télécommunications 2008 |
TITRE IILA TITULARITÉ DES DROITS DANS LES MONDESVIRTUELS : LES JEUX EN LIGNEDeux intérêts contradictoires sont en balance : ceux des joueurs et ceux de l'éditeur du jeu. Ces intérêts portent à la fois sur le droit d'auteur et le droit de propriété sur les biens virtuels (chapitre I). De nombreux éléments tendent vers la reconnaissance d'une propriété virtuelle. Néanmoins cette reconnaissance ne se fera pas sans difficulté (chapitre II) CHAPITRE IANTINOMIE ENTRE DROIT DE PROPRIÉTÉ ET DROIT DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLEDeux propriétés coexistent dans les univers persistants : l'une virtuelle et l'autre intellectuelle. Un illustre exemple est donné par le professeur Fairfield sur la propriété d'un livre ou d'un CD. Le propriétaire du livre ne détient aucun droit de propriété sur le contenu du livre puisque l'auteur du livre conserve ses droits d'auteur sur ce qu'il a rédigé ; l'acheteur détient uniquement le support physique (le livre) 87. La reconnaissance d'un droit de propriété virtuelle sur les objets numériques ne remet pas en cause la reconnaissance d'un droit d'auteur sur ces mêmes objets. Le joueur à travers son avatar pourrait être propriétaire « virtuellement » de l'objet virtuel (Section 1), pour autant cela ne signifie pas qu'il est créateur. L'objet numérique pourra changer de propriétaire, le créateur reste le même (Section 2). Section 1 Le droit de propriété dans les univers persistants : la détermination du « propriétaire »Nous constatons des intérêts divergents entre le joueur qui s'estime propriétaire de l'objet virtuel (§1) et l'éditeur qui proclame être légitiment propriétaire des biens numériques présents dans son univers virtuel (§2). 87 Joshua Fairfield, « Virtual property », Boston Universtiy Law Review, vol 85, p. 1096 < http://ssrn.com/abstract=807966> §1 Les Revendications du joueurLes arguments généralement mis en avant par les joueurs pour protéger leurs possessions numériques sont le temps de jeu et l'argent qu'ils ont consacré pour acquérir la propriété virtuelle (A). L'achat d'objet est le moyen le plus rapide pour acquérir une propriété virtuelle puisque la difficulté des niveaux incite à l'activité marchande (B).
Les objets numériques représentent de véritables biens pour les joueurs. Le vide juridique sur la qualification des objets virtuels laisse les joueurs démunis contre un quelconque recours en revendication de propriété. 88 V. le Reportage de Carine Jaggi, « Or virtuel : des chinois à la mine », publiée le 1e mars 2007 < http://www.youtube.com/watch?v=_bqCrycipAA> 89 J. Locke, The Second Treatise of Government, in P. Laslett (éd.), Two Treatises of Government, 2e éd., Cambridge, Cambridge University Press, 1988. V. notamm. la fiche de John Locke sur Wikipédia < http://fr.wikipédia.org/wikipédia/John_Locke> 90 Christopher Geiger, « Droit d'auteur et droit du public à l'information », préface de Michel Vivant, collection droit des affaires, Litec, 2004, p. 23 La perméabilité entre le monde virtuel et le monde réel est conséquente. L'engouement pour les MMOG est tel que, dans certains pays, les joueurs sont prêts à tout pour conserver leurs possessions. Citons l'histoire d'un joueur chinois, Zhu, qui a été poignardé mortellement par son ami. Ce dernier, Quiu Chengwei avait prêté à Zhu le « sabre du dragon » utilisé dans le populaire jeu en ligne « Legend of Mir 3 », qui l'a ensuite revendu pour 7,200 yuans (670 euros). Le meurtrier a été condamné à mort91. Pour certains juristes chinois, comme Wong Zongya, professeur de droit à l'université de Beijing92, ces biens numériques devraient être appréhendés par le droit de propriété car « les joueurs ont dépensé de l'argent et du temps pour ces objets ». Les difficultés des niveaux des mondes virtuels incitent l'achat d'objet virtuel. En effet, les joueurs lassés d'être bloqué par un monstre à un niveau, achètent une arme capable de terrasser ce monstre. Ils peuvent ainsi progresser rapidement et accéder au niveau supérieur grâce à leur carte bleue, bien évidemment. Ayant dépensé leur argent, les joueurs considèrent qu'ils sont propriétaires des objets achetés et revendiquent par conséquent un droit de propriété. |
|