La théorie du patrimoine à l'épreuve de la fiducie( Télécharger le fichier original )par Thomas Naudin Université de Caen - Master 2 Recherche en Droit Privé 2007 |
II. - Un dédoublement de propriété57. - L'institution du trust que connait le droit anglo-saxon repose sur un dédoublement du droit de propriété entre le trustee et le cestui que trust. Ce dernier, que l'on peut comparer au bénéficiaire du contrat de fiducie, est titulaire d'un droit réel sur les biens du trust, et non pas d'un simple droit de créance. D'une manière théorique, l'opération de la fiducia suppose un transfert de propriété du constituant au fiduciaire, les biens de la fiducie formant un patrimoine d'affectation dont est titulaire ce dernier. Le bénéficiaire tout comme le constituant ne sont dès lors titulaires que d'un simple droit de créance né du contrat. Néanmoins la loi adoptée par le parlement en février 2007 est loin d'être aussi limpide que l'est la théorie la fiducie telle qu'elle est en vigueur dans certains Etats étrangers75(*). Tout d'abord la nature du transfert opéré par le contrat de fiducie des articles 2011 et suivants du Code civil n'a rien d'évident (A). Ensuite nous verrons que l'opération semble procéder à un démembrement conventionnel du droit de propriété dont est originairement titulaire le constituant (B). A. - Le transfert opéré par la fiducie58. - L'intention des parlementaires a vraisemblablement été de faire de la fiducie un contrat translatif de propriété. La proposition initialement déposée par Philippe Marini comportait un article 2062 du Code civil selon lequel le fiduciaire était « titulaire ou propriétaire fiduciaire des droits transférés ». On peut à ce titre regretter que la loi définitivement votée n'intègre pas de disposition similaire. La loi en effet se contente de faire référence à de nombreuses reprises à un « transfert » opéré par le contrat de fiducie, sans néanmoins l'expliciter. 59. - Il semblerait qu'il faille déduire de ce « transfert » le caractère translatif de propriété du contrat de fiducie. Pour un auteur, l'indice du transfert de propriété serait à déceler dans la localisation choisie par le législateur pour insérer les dispositions civiles de la loi du 19 février 2007. Ainsi, localisée au sein du livre III intitulé « des différentes manières dont on acquiert la propriété », la fiducie, en se référant à un « transfert », viserait en fait un transfert de propriété. Le raisonnement n'est pas satisfaisant à notre sens, ne serait-ce que du fait de l'éclectisme des textes contenus dans le livre III. Ce dernier renferme certes le droit des successions ou le droit de la vente, c'est-à-dire d'une certaine façon des modes d'acquisition de droits de propriété, mais on y trouve également la législation concernant le contrat de louage ou encore le droit de la responsabilité civile délictuelle. De plus, la fiducie occupe désormais les articles 2011 et suivants du Code civil, c'est-à-dire l'emplacement laissé vacant par le droit des sûretés depuis l'ordonnance de mars 2006. Or, le droit des sûretés, qui est un droit qui touche au crédit, et qui s'il peut contribuer dans les faits à acquérir la propriété, n'a pas pour vocation première d'en effectuer le transfert. 60. - Un contrat est translatif de droit lorsqu'il procède au « déplacement d'un droit d'un patrimoine à un autre »76(*). Or la fiducie telle qu'envisagée dans la loi du 19 février 2007 opère le transfert d'un droit (réel ou personnel, voire même une sûreté) du patrimoine du constituant au patrimoine d'affectation. Néanmoins un certain nombre de difficultés apparaissent concernant la nature du droit transféré. La propriété dont est investi le fiduciaire n'est pas identique à celle dont se défait le fiduciant par le jeu de cet effet translatif. D'un point de vue fiscal comme civil, le transfert de propriété fiduciaire se distingue du droit commun par ses caractères (1) et par ses effets (2). 1. - Les caractères du transfert de propriété61. - Le transfert de propriété opéré par le contrat de fiducie se différencie nettement du transfert de propriété classique, tel qu'il existe dans la vente ou la donation. Le transfert est tout d'abord temporaire (a). Il porte de plus sur un droit qui est limité quant à son étendue (b). * 75 V. Rev. Juridique et politique Indépendance et coopération 1990, n° 2, Actes du 3ème colloque de Luxembourg, mai 1989 : « la fiducie ou du trust dans les droits occidentaux francophones », Edenia 1990, où l'on constate que les approches peuvent être très différenciées sur cette question. * 76 Définition de translatif dans le Lexique des termes juridiques, Dalloz. |
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