La théorie du patrimoine à l'épreuve de la fiducie( Télécharger le fichier original )par Thomas Naudin Université de Caen - Master 2 Recherche en Droit Privé 2007 |
c. - La fiducie-gestion53. - La fiducie est également un instrument de gestion patrimoniale. La fiducie-gestion descend de la fiducia cum amico romaine. Selon ce mécanisme, le constituant transfère des biens au fiduciaire, à charge pour celui-ci de les gérer et de les transférer à l'échéance de la convention soit au constituant soit à un tiers71(*). Des instruments fonctionnant d'une manière similaire existent déjà dans le droit français. On peut citer le prêt de titres72(*) ou encore la pension d'instruments financiers73(*), ainsi que les conventions de portage. 54. - La fiducie envisagée comme un instrument de gestion vient compléter ces dispositifs. Elle permet aussi d'organiser sous l'empire du droit français des montages financiers complexes souvent réalisés à l'heure actuelle par le biais de trusts. Il devient possible de monter des opérations de defeasance consistant à transférer un actif grevé d'un passif à une structure dédiée ayant la charge d'en assurer la gestion et l'apurement, voire même la transmission. De même, des opérations de titrisation, utilisées pour financer des entreprises, pourraient être montées en utilisant la fiducie. Enfin, elle pourrait faciliter la gestion d'actifs de certaines sociétés, lesquelles pourraient se décharger de cette charge en la confiant à un fiduciaire moyennant rémunération. 55. - La loi permet de plus une opération à mi-chemin entre gestion et sûreté en permettant au fiduciaire d'assumer la fonction d'« agent des sûretés ». Cette fonction est très répandue dans le cadre de financements syndiqués. Dans cette opération un débiteur a plusieurs créanciers détenant chacun une quote-part de la créance de remboursement. Selon les usages bancaires internationaux, l'« agent des sûretés » se voit confiée la mission de prendre, de gérer et éventuellement de réaliser les sûretés au profit de ces différents créanciers. Le droit français n'offrait pas antérieurement les instruments permettant d'organiser cette institution, qui avait donc recours au trust anglo-saxon74(*). Comblant les lacunes juridiques, l'article 16 de la loi du 19 février 2007 a ajouté un article 2328-1 du Code civil selon lequel « toute sûreté réelle peut être inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation ». 56. - La loi du 19 février 2007 sur la fiducie constitue un infléchissement notable de la théorie de l'unité du patrimoine. Elle introduit en effet la notion novatrice de patrimoine d'affectation dans le système juridique français, en le faisant reposer sur une authentique division patrimoniale ayant à la fois une réalité juridique et une utilité pratique. La volonté du législateur de faire de la fiducie un instrument capable de concurrencer efficacement le trust anglo-saxon semble avoir été atteinte. Néanmoins, le législateur avait également manifesté son ferme attachement à faire de la fiducie un outil distinct du trust. Sur ce dernier point, la question doit être débattue d'une manière plus approfondie. En effet, si a priori rien ne permet d'affirmer que la fiducie opère un dédoublement du droit de propriété (comme c'est le cas du trust), l'analyse des mécanismes mis en oeuvre par la loi nous autorise à penser que la fiducie française penche davantage vers le droit anglo-saxon que vers le droit romain. * 71 Dans ce cas le tiers doit fournir une « contrepartie réelle » au constituant. Supra, n° 48. * 72 Art. L. 432-6 à L. 432-11 du Code monétaire et financier. * 73 Art. L. 432-12 à L. 432-19 du Code monétaire et financier. * 74 L'« agent des sûretés » y devient le security trustee. |
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