La théorie du patrimoine à l'épreuve de la fiducie( Télécharger le fichier original )par Thomas Naudin Université de Caen - Master 2 Recherche en Droit Privé 2007 |
2. - Les effets du transfert de propriété68. - La propriété fiduciaire se distingue nettement de la propriété de droit commun quant à ses caractères. D'autres différences, plus nuancées cependant, doivent être évoquées. Elles concernent les effets du transfert de propriété, et tiennent tout d'abord à l'ambivalence du droit de propriété (a) ainsi qu'à la question du transfert de risques (b). a. - L'ambivalence du droit de propriété69. - Le droit de propriété s'analyse traditionnellement en un droit réel principal auquel on attache plusieurs attributs. Ainsi, il est opposable erga omnes et confère à son titulaire droit de suite et droit de préférence85(*). La fiducie met en lumière l'ambivalence du droit de propriété qui recouvre habituellement deux réalités. Le droit de propriété représente une valeur patrimoniale et confère à son titulaire un pouvoir sur une chose. Ces deux réalités sont dissociées dans le contrat de fiducie, lequel établi le lien patrimonial entre la chose et la fiducie, mais investi le fiduciaire du pouvoir sur cette chose. De fait, comme le souligne un auteur, « la propriété fiduciaire n'est toutefois pas une véritable source de richesse contrairement à la plena in re potestas de l'article 544 du Code civil »86(*). En effet, la richesse attachée au droit de propriété découle directement de sa valeur patrimoniale. L'objet de ce droit accroît l'actif de son titulaire et donc son crédit auprès de ses créanciers, via leur droit de gage général. Mais l'affectation des éléments de la fiducie au sein d'un patrimoine distinct implique que l'actif du fiduciaire n'est en rien modifié par l'opération, tant en positif qu'en négatif. Le transfert de propriété opéré est ainsi plus complexe que dans le cas par exemple d'une vente. L'aspect patrimonial du droit de propriété - c'est-à-dire la chose objet du droit réel envisagée de façon abstraite - est transféré à la fiducie, ce qui constitue le patrimoine fiduciaire, alors que le pouvoir est dévolu par le contrat au fiduciaire, qui voit son droit délimité dans son étendue et sa durée87(*). b. - Le transfert des risques70. - Traditionnellement, la question du transfert de propriété a pour enjeu sous-jacent celle du transfert des risques, selon la règle classique res perit domino88(*). Le propriétaire supporte la charge des risques, conformément à la lettre de l'article 1138 alinéa 2 du Code civil. Mais le législateur n'a pas davantage réglementé le transfert des risques dans le cadre de la fiducie qu'il ne l'a fait concernant le transfert de propriété. La lecture du rapport de la commission du Sénat nous informe à ce sujet que l'intention des parlementaires était manifestement de laisser s'appliquer le droit commun, en faisant supporter la charge des risques par le fiduciaire, titulaire des biens transférés. C'est également la solution retenue par la doctrine89(*). Les règles devant s'appliquer ne sont pas pour autant uniforme, loin de là, ce qui est regrettable. Il convient pour cette question d'envisager les différents éléments transférés à la fiducie, en distinguant d'une part les biens et d'autre part les créances. Pour les premiers, le principe demeure la règle res perit domino et l'article 1138 alinéa 2 du Code civil, la charge des risques incombant alors au fiduciaire. Pour les secondes en revanche, il faut là encore opérer une distinction entre les créances civiles et les créances professionnelles. Les règles ayant vocation à s'appliquer sont les articles 1689 et suivants du Code civil pour les premières et les articles L. 313-23 du Code monétaire et financier pour les secondes. 71. - On aboutit ainsi à un régime fort peu cohérent issu de l'application de dispositions disparates. Dans le cas d'une fiducie composée d'éléments hétéroclites, la question du transfert des risques devra ainsi se régler au cas par cas, aboutissant à des solutions différentes selon la nature des éléments. Mais dans le silence des textes, la solution se trouve dans le contrat. Il parait en effet conseillé d'envisager dans la convention de fiducie la question du transfert des risques, lequel, comme dans la vente, peut parfaitement être dissocié du transfert de propriété. * 85 G. Cornu, Droit civil, Introduction - Les personnes - Les biens, Montchrestien, 12è éd. * 86 Ph. Dupichot, préc. * 87 V. supra, n° 58 et s. * 88 Ph. Malaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, Les contrats spéciaux, Defrénois, 2è éd., n° 253. * 89 Ph. Dupichot, préc. |
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