I.2.3.1. Niveau d'instruction de la femme
Plusieurs études ont porté une attention
particulière sur la relation entre l'instruction de la femme et
l'état nutritionnel des enfants. Les quelques unes se sont basées
beaucoup plus sur l'aspect économique. Environ 960 millions d'adultes
sont analphabètes dans le monde, dont deux tiers sont des femmes : plus
de 130 millions d'enfants ne sont pas scolarisés dont 70% sont des
filles (Lassonde, 1996). En Afrique tropicale, l'éducation
enseignée dans les écoles n'avait pas pour but d'atteindre un
objectif de santé pour tous. Dans ce cas de figure deux grands courants
se dégagent : l'un considère l'instruction comme un indicateur du
niveau économique qui ne peut donc agir sur la santé des enfants
qu'à travers les variables économiques ; l'autre considère
l'instruction comme une variable socio-culturelle qui joue sur la survie des
enfants à travers le comportement de la femme. Ici, l'instruction est un
facteur de valorisation du capital humain. C'est un bon indicateur du niveau
socio-économique (Van Der Pool, 1985).
3 TABUTIN D., `'Transition et théories de
mortalité'' in La sociologie de populations. Sous la Direction
de H. Gérard et de V. Piché, Editions Universités
Francophones, AUPELF, UREF, 1995, p.272.
D'autres analyses sur la mortalité infantile et
juvénile, sont celles qui considèrent le niveau d'instruction
comme une variable déterminante du mode de vie du ménage.
L'instruction vue le plus souvent en Afrique comme une mode de vie occidentale,
a été plusieurs fois considérée par certains
auteurs comme favorable à un faible taux de malnutrition. Ceci laisse
à croire que, les stratégies souvent utilisées en Afrique
pour garantir un bon état nutritionnel, sont pour la plupart celles
venues de l'Europe et contraire à la culture africaine. Mosley fait
remarquer que : « le système curatif occidental étant
étranger à la culture locale, les moyens modernes disponibles
restent peu utilisés sauf par les clients instru its et souvent
occidentalisés. En conséquence, le décalage entre la
mortalité des familles éduquées à l 'occidentale et
celle des familles traditionnelles va croissant, et ce d'autant plus que la
médicine occidentale offre non seulement des techniques
préventives et thérapeutiques très efficaces, mais aussi
la conception scientifique de la causalité des maladies ».
(Mosley, 1985 cités par Dackam, 1990). Dans certains travaux,
l'instruction de la femme a été considérée
également comme un indicateur du niveau de compréhension des
soins de santé, de l'hygiène alimentaire et la capacité
d'utiliser les services de santé existants.
Cependant, la mesure de l'instruction n'est pas toujours la
même dans toutes les études. Dans certaines études, les
auteurs se réfèrent au nombre d'années passées
à l'école, d'autres au diplôme le plus élevé
(Dackam, 1990). Tous ces indicateurs montrent qu'il existe une relation entre
l'instruction de la femme et l'état nutritionnel des enfants. Les
pratiques alimentaires des femmes camerounaises pour faire face à la
nutrition des enfants sont en rapport avec le niveau d'instruction de la femme.
Plus les mères ont un niveau d'étude secondaire, plus elles ont
la chance de faire un sevrage normal par rapport à celles qui ont un
niveau d'étude bas (Moloua, 1995).
L'éducation des mères saisie à travers le
niveau d'instruction est un facteur prépondérant dans
l'explication de la santé des enfants en général. Car, une
simple réduction de l'analphabétisme féminin
entraîne nécessairement une amélioration sensible de
l'état nutritionnel des enfants. L'effet bénéfique de
l'instruction de la femme sur la santé des enfants n'est plus à
en douter. En Thaïlande, l'état nutritionnel des enfants s'est
amélioré depuis 20 ans grâce à l'augmentation du
niveau d'alphabétisme des femmes
(Rakotondrabe, 2004).
L'instruction est une composante essentielle qui
détermine la position de la femme dans la société. Les
avantages que cela apporte du point de vue économique à la femme,
c'est que avec leurs diplômes, elles ont la chance de trouver une
activité économique quelconque, comme le dit cet adage :
«les papiers des blancs ne pourrissent jamais
»4. Autrement dit, avec son diplôme,
tôt où tard elle trouvera un emploi. Cette activité
économique va lui permettre d'avoir un revenu qui lui permet de veiller
au bien-être des enfants et de la famille, d'avoir des ressources
matérielles et financières pour augmenter le niveau de vie du
ménage. La femme instruite a une forte proportion à
acquérir des moyens d'informations modernes à travers les
journaux, les radios et les télévisions... Puisque le plus
souvent c'est à travers ces médias que sont
véhiculés les informations sur les pratiques médicales.
L'un des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD), en ce qui concerne l'éducation, est de
promouvoir l'enseignement primaire pour tous les enfants dans tous les pays
d'ici à 2015 ; les progrès réalisés vers
l'égalité entre les sexes et l'autonomisation des femmes
devraient être attestés par l'élimination des
disparités entre les sexes dans les enseignements primaires et
secondaires d'ici à 2015. A moins de 8 ans de cette
échéance, les résultats du recensement
réalisé en 2003 indiquent que la Centrafrique est l'un des pays
qui sont loin d'être en voie de tenir cet engagement. Des
différentes études menées, il ressort que depuis deux
décennies, la pauvreté s'est installée durablement en
Centrafrique (Rapport d'analyse du 3èmeRGPH, 2003). Plusieurs
facteurs, entre autres les difficultés économiques, les
différentes crises militaro-politiques, les grèves des
enseignants, la dégradation des conditions de vie des ménages,
n'ont pas permis d'atteindre les objectifs fixés. C'est ainsi que les
niveaux des indicateurs d'éducation de la population centrafricaine sont
tous faibles, plus particulièrement chez les femmes. Le tableau 1.1
ci-dessous montre l'évolution du taux net de scolarisation au primaire
et taux brut de scolarisation au secondaire. Ce qui montre que, effectivement
la majorité des femmes centrafricaines est analphabète. Le faible
niveau d'instruction de la femme a des conséquences sur le
bien-être de la famille.
4 Un adage d'une des ethnies centrafricaines (les
Yakomas).
Tableau 1.1 : Evolution du taux net de
scolarisation au primaire et taux brut de scolarisation au secondaire en
Centrafrique
Indicateurs
|
Homme (%)
|
Femme (%)
|
Ensemble (%)
|
Taux net de scolarisation (TNS) au primaire
|
|
|
|
RGPH 1988
|
44,3
|
36,9
|
40,7
|
MICS 2000
|
46,5
|
42,9
|
42,9
|
RGPH 2003
|
54,3
|
41,1
|
47,8
|
Taux brut de scolarisation (TBS) au secondaire
|
26,5
|
15,7
|
21,0
|
Source : La RCA en chiffres. Résultat du RGPH,
décembre 2003. Bureau Central du Recensement.
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