2.2.2.1.2. La découverte de la
différence anatomique des sexes et le fétichisme
Le stade phallique serait un stade important du
développement puisqu'il permettrait à l'enfant de faire la
différence anatomique des sexes qui repose sur le fait que les
garçons sont pourvus d'un pénis, contrairement aux filles. Afin
de s'expliquer cette différence anatomique, vont émerger des
activités fantasmatiques dans la vie psychique de l'enfant :
auparavant, la fille aurait été pourvue d'un pénis mais
elle l'aurait alors désormais perdu, et ce, par châtiment
infligé par les parents. Cette punition fantasmée
amènerait ainsi le petit garçon à se sentir lui-même
menacé par cette castration imaginaire. L'angoisse de castration
génitale naîtrait donc à ce stade, mais Bergeret J. (2004,
p. 21) veut parler aussi d'angoisse « de castration narcissique,
prégénitale, phallique, développée par
définition autour du phallus et de ce qu'il
représente ». En effet, cet attribut corporel, le
pénis, détiendrait une valeur symbolique, le phallus, dans la vie
intrapsychique de l'enfant. Cette signification particulière du phallus
permet à l'enfant de construire son identité sexuelle (tout objet
possédant un pénis est un objet animé et sexué) et
son identité narcissique (tout objet possédant un pénis
est un objet doté d'une certaine supériorité sur celui
n'en détenant pas). Ainsi, le pénis possèderait cette
valeur de toute-puissance et, en étant menacé d'une castration
génitale, le garçon se verrait en même temps menacé
d'une castration phallique (la perte de son identité sexuelle et
narcissique).
Freud S. (1927, p. 134) situe les origines du
fétichisme au stade phallique : « L'enfant
s'était refusé à prendre connaissance de la
réalité de sa perception : la femme ne possède pas de
pénis. Non, ce ne peut être vrai car si la femme est
châtrée, une menace pèse sur la possession de son propre
pénis à lui, ce contre quoi se hérisse ce morceau de
narcissisme ». Dans ce sens, le fétichiste n'aurait pas
pu, enfant, tolérer cette découverte de la différence des
sexes car celle-ci vient marquer la contestation de la non-existence, donc du
manque, de pénis chez la femme.
2.2.2.2. Le
compromis : le substitut
2.2.2.2.1. Un conflit
intra-psychique : tentative de résolution
Nous pouvons parler de réponse inadéquate en ce
point : le fétiche court-circuiterait l'adaptation à la
réalité. Freud S. (1927, p. 134) dit à ce propos que le
fétiche ne serait pas le « substitut de n'importe quel
pénis mais d'un certain pénis tout à fait particulier qui
a une grande signification pour le début de l'enfance et disparaît
ensuite. C'est-à-dire qu'il aurait dû être normalement
abandonné mais que le fétiche est justement là pour le
garantir contre la disparition ». Ceci vient donc signifier du
caractère pathologique du fétiche. La Nouvelle Revue de
Psychanalyse (1970, pp. 20/21) cite Freud S. (1927, p. 134/135) expliquant
qu'« il n'est pas juste de dire que l'enfant ayant observé
une femme a sauvé, sans la modifier, sa croyance que la femme a un
phallus. Il a conservé cette croyance mais il l'a aussi
abandonnée ; dans le conflit entre le poids de la perception non
souhaitée et la force du contre-désir ». Cela
sous-entend donc que le fétichiste aurait tenté de
résoudre cette découverte si problématique et inacceptable
pour lui via ce compromis entre l'effectif et son désir ; entre les
exigences du Moi (principe de réalité) et celles du Ça
(principe de plaisir). Dans ce sens, Freud S. (1927, p. 135) insiste sur le
fait que « l'horreur de la castration s'est érigé
un monument en créant ce substitut » et que le
fétiche « demeure le signe d'un triomphe sur la menace de
castration et une protection contre cette menace ». Le
fétiche viendrait alors créer ce pénis nécessaire
à son adepte pour lui permettre de supporter la réalité
génitale féminine, mais en même temps, il permet au
fétichiste de lui rappeler ce manque qu'il a réussi à
dépassé en le comblant.
Le fétichiste ne renierait la réalité que
partiellement, puisque par le fétiche il resterait conscient que ce
pénis chez la femme n'existe pas. Mais le fétiche vient
satisfaire le désir, celui de voir la femme pourvue de cet attribut
corporel et de ce qu'il représente. La Nouvelle Revue de Psychanalyse
(1970, p. 26) parle d'une réponse au conflit « par deux
réactions opposées, (...). D'une part, à l'aide de
mécanismes déterminés, il déroute la
réalité et ne laisse rien interdire ; d'autre part, dans le
même temps, il reconnaît le danger de la réalité,
assume, sous forme d'un symptôme morbide, l'angoisse face à cette
réalité (...). La pulsion peut conserver sa satisfaction ;
quant à la réalité, le respect dû lui a
été payé ». Ce mécanisme dont il est
question ici est appelé par Freud S. (1927) le « clivage
du Moi ». Une partie du Moi reconnaît la
réalité et l'accepte, une autre reste ancrée dans
l'illusion, le fantasme. Or, ce mécanisme ne permettrait pas une
adaptation satisfaisante à la réalité. Car en effet, le
Moi s'est ainsi déformé (il serait devenu clivé) et
déformerait la perception du monde extérieur (le déni
partiel). Cela ne pourrait, selon les spéculations psychanalytiques,
qu'engendrer des conséquences dommageables sur la structure interne de
tout individu réalisant ce type de compromis : « Le
succès a été atteint au prix d'une déchirure ans le
moi, déchirure qui ne guérira jamais plus, mais grandira avec le
temps. Les deux réactions au conflit, réactions opposées,
se maintiennent comme noyau d'un clivage du moi. (...) Cette fonction
synthétique du moi, (...) se trouve soumise à toute une
série de perturbations » (Nouvelle Revue de Psychanalyse,
1970, p. 26).
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