2.1.2.3. Le
compromis : le substitut
2.1.2.3.1. Alcoolisme et la hantise du
manque
Plus haut, nous avons démontré les patients
alcooliques sont confrontés à la « hantise du
manque » (De Mijolla A. et Shentoub S.A., 1973). L'objet alcool
permettrait alors de remédier à cette problématique du
vide : il remplace ce qui fait défaut, il rempli ce qui n'est plus.
Cependant, la remédiation ne semble pas appropriée puisqu'elle
est considérée comme inadéquate. Il faudrait en effet,
afin de pouvoir parler de processus normal, faire le deuil et accepter la perte
pour dépasser l'angoisse y étant liée. De Mijolla A. et
Shentoub S.A. (1973) parlent de raisonnement biaisé. Cependant, cette
réponse n'est pas adaptée. En effet, avec l'objet alcool, les
patients se lanceraient dans la quête d'une réassurance. Ils
voudraient pouvoir constater leur pouvoir de maîtrise sur cet objet. De
Mijolla A. et Shentoub S.A. (1973) parlent « de triomphe maniaque
sur un objet-prétexte ». Bailly D. (2004) explique que
l'angoisse persistante serait le résultat de la non élaboration
du conflit l'ayant sous-tendu ; comme nous le verrons plus loin.
2.1.2.3.2. Alcool et fausse croyance
L'alcool viendrait donner la croyance du pouvoir sur le
« défaut fondamental dans l'amour
primaire » (Descombey JP, 2005, pp. 40/44). Parce que l'alcool
viendrait remplacer cet Autre manquant, alors il « est question
de modifier par soi-même le ressenti de son corps propre, d'y combler un
vide, d'y apporter une harmonie toujours à reconstituer ; c'est un
auto-érotisme » (Descombey JP, 2005, pp. 40/44). Ainsi,
l'alcoolique chercherait à remédier par lui-même à
son mal être interne en ingérant un objet extérieur, comme
un pansement, non plus gastrique, mais narcissique. L'auteur poursuit (2005,
pp. 44/46) en parlant de « développement (...)
tributaire », fixé à une
dépendance » qui « exclue (...) la
symbolisation » entraînant un
« court-circuit de l'élaboration psychique, de la
fantasmatisation, des affects ». Ainsi, ce qui doit être
élaboré, le manque, ne l'est pas puisque l'objet extérieur
ne permet pas le travail de deuil. Il substituerait, comblerait, laisserait
dans l'illusion d'une fusion avec Autrui, mais ne viendrait en aucun cas
résoudre cette lourde tâche de séparation et
d'individuation. L'alcoolique trouverait donc le moyen de se détourner
de cette phase importante du développement psycho-affectif, qui est
celle de la séparation/individuation. De ce fait, cette substitution ne
semble pas être une réponse adaptée ni même
constructive dans la mesure où l'alcool deviendrait « un
objet de besoin plus que de désir ». Dans ce sens,
l'alcool répondrait immédiatement au sentiment de détresse
psychique et/ou physique ressenti. Il ne permettrait pas de
« laisser faire l'expérience du manque » et
chercherait à « empêcher la genèse du
désir ». Donc, le travail de tolérance de la
frustration et de la capacité à rester seul serait
court-circuitée, n'amenant pas l'alcoolo dépendant à cette
maturité affective nécessaire pour s'assumer en tant
qu'être à part entière et indépendant affectivement.
En effet, De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1973) expliquent
« que ce n'est plus en « quelqu'un » qu'est
placée une partie du symbole, mais en « quelque
chose », l'alcool, ce qui est bien différent ».
Bailly D. (2004, p. 121) insiste sur le caractère biaisé du
raisonnement de l'angoissé : « L'angoisse de
séparation est définie comme une anxiété excessive
concernant la séparation (...). Il s'agit donc d'une
interprétation erronée de l'environnement et
l'anxiété ne se réfère pas à une menace
objective de séparation ».
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