II. Apport du fonctionnement
autistique
1. Retour à la
problématique
En 1995, Frith, Leslie & Baron-Cohen ont émis
l'hypothèse que trois symptômes de l'autisme (les anomalies du
développement social, du développement de la communication et du
jeu symbolique) résultent d'un déficit du développement de
la lecture des états mentaux, c'est-à-dire d'un déficit du
développement de la théorie de l'esprit. Les enfants atteints
d'autisme acquerraient cette capacité à un âge plus tardif
que les enfants normaux sans pour autant arriver à un niveau de
compréhension équivalent à celui d'adultes normaux. Nous
supposions observer un profil de développement de cette capacité
chez des enfants atteints d'autisme, proche dans la forme de celui des enfants
normaux mais dévié dans le temps. Le rôle de spectateur
serait maîtrisé avant celui d'acteur mais vers l'âge de
huit-neuf ans et non de trois-quatre ans (Baron-Cohen, 1992 ; Sodian et
Frith, 1992 ; Baron-Cohen, Frith et Leslie, 1985), puis à partir
d'un certain niveau de compréhension des états mentaux, l'enfant
commencerait à pouvoir les manipuler.
Ce travail avait pour objectif général de
spécifier le développement précoce de la théorie de
l'esprit chez les enfants autistes. Nous souhaitions confirmer dans un premier
temps leur retard de développement pour cette aptitude. De plus nous
souhaitions vérifier une amélioration de cette aptitude non pas
en fonction de l'âge, mais en fonction du stade de pensée, le
développement de la théorie de l'esprit étant en
étroite relation avec celui de la pensée logique (Bradmetz,
1999). Enfin, nous souhaitions authentifier une dissociation du module ToMM,
présente chez les enfants normaux, en deux sous modules : ToMM
spectateur et ToMM acteur, se développant de manière
chronologique.
2. L'âge, une variable peu fiable
L'hypothèse quant à un retard de
développement concernant le développement de la théorie de
l'esprit chez les enfants avec autisme ne peut être posée avec
certitude. Les enfants normaux sont, dès sept ans, tous performants aux
deux tâches. Or sur les 15 sujets de notre étude, seuls 3 enfants
les réussissent parfaitement. Ceci va dans le sens de notre
hypothèse. Cependant, si on analyse les résultats tâche par
tâche, il n'en est pas de même. En effet, sur les deux tâches
utilisées, les enfants autistes ne sont déficitaires d'un point
de vue statistique qu'à la seule épreuve de fausses croyances.
Seuls 4 enfants sont performants aux quatre items de cette tâche. Par
contre, ils ne sont pas considérés comme défaillants
à l'épreuve de tromperie comparativement aux enfants
contrôles. Ceci est à nuancer. Bien que 9 enfants sur 15
réussissent correctement cette épreuve, 6 échouent dont 2
totalement. Ce constat montre
l'hétérogénéité de la pathologie autistique.
Ainsi, bien que statistiquement les chiffres ne permettent pas de statuer sur
cette hypothèse, nous pouvons considérer qu'il existe globalement
un retard du développement de cette capacité chez les enfants
autistes. L'âge ne semble pas par ailleurs être un facteur de
progression de cette aptitude chez ces enfants.
Cependant, est-il judicieux, étant donné le
« patchwork » de profils existant dans la pathologie
autistique, de se référer à l'âge des sujets ?
Il nous a semblé nécessaire, au vu de précédents
résultats (Papin, 2006), de ne pas seulement statuer sur le
développement de la théorie de l'esprit chez ces enfants sur
cette seule variable. Afin d'analyser plus finement les résultats, une
autre variable semblait plus pertinente : le stade de développement
de la pensée logique de l'enfant. Cette variable permet de niveler
l'hétérogénéité des sujets sur le plan
développemental, mais également d'être plus fiable que
l'âge chronologique.
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