I. Une dissociation du module ToMM chez
les enfants normaux
La théorie de l'esprit est définie comme la
capacité d'un individu à attribuer des états mentaux
(comme la pensée, les croyances, les sentiments et les désirs...)
aux autres et à soi-même. Elle est nécessaire pour
comprendre, expliquer, prédire et, à l'occasion, manipuler le
comportement des autres. Baron-Cohen (1995) propose un modèle cognitif
de la théorie de l'esprit constitué de quatre composantes
distinctes. Le quatrième mécanisme, ToMM, permet d'inférer
l'ensemble des états mentaux à partir du comportement,
c'est-à-dire utiliser une théorie de l'esprit. Il se met en
place entre trois et quatre ans. Pour l'étudier, deux tâches sont
fréquemment utilisées : les tâches de fausses
croyances et les tâches de tromperie. Ces deux tâches imposent une
position différente de l'enfant. Dans les tâches de fausses
croyances, l'enfant est spectateur, il n'a pas de rôle à
jouer dans la situation. Le changement est indépendant de lui. Au
contraire, dans les tâches de tromperie, le sujet est acteur. Les
réponses qu'il donne vont influer sur le comportement des personnages de
l'histoire. Ces tâches demandent donc à l'enfant d'être soit
en position de spectateur, soit en position d'acteur.
Selon Yirmiya et al. (1996), la position d'acteur serait une
position plus complexe que celle de spectateur, car cette position implique une
compréhension des états mentaux de l'autre mais aussi une
manipulation de ceux-ci. Cela induit que la position d'acteur devrait se
développer plus tard. Sur un plan plus théorique, cette
dissociation revient à spécifier le modèle cognitif du
développement de la théorie de l'esprit de Baron-Cohen (1995). En
effet, s'il advient une différenciation en fonction de l'âge dans
l'acquisition de ces pôles, cela sous-entendrait une dissociation du
module ToMM. Celui-ci pourrait en fait être composé de deux sous
modules, un sous module ToMM spectateur et un sous module ToMM acteur,
organisé de manière hiérarchique. Cela serait d'autant
plus avéré s'il existe un lien de dépendance entre les
deux, notamment si l'on observe que la position d'acteur ne peut
apparaître si la position de spectateur n'est pas en partie
maîtrisée.
Grâce à notre précédente recherche
(Papin, 2006) nous avons pu préciser le développement de la
capacité de théorie de l'esprit chez le jeune enfant. Notre
étude montre qu'en fait, à 3 ans nous assistons aux
prémices de cette capacité. Par contre, vers quatre ans, on
observe une nette amélioration des résultats aux deux types de
tâches. Une véritable capacité de théorie de
l'esprit est présente. A cet âge, on observe un réel
début d'aptitude à comprendre les états mentaux des autres
et ce jusqu'à une parfaite maîtrise après huit ans pour ces
deux tâches. Par ailleurs, nous avons pu validées
l'hypothèse de Yirmiya et al., (1996) d'un développement en deux
temps de cette capacité et donc ainsi de valider notre hypothèse
quant à la spécification du module ToMM (Papin, 2006),
c'est-à-dire une dissociation de ce module en deux sous modules :
un sous module ToMM spectateur (ToMM-S) et un sous module ToMM acteur
(ToMM-A). C'est deux sous modules seraient positionnés de manière
hiérarchique : ToMM-A postérieur et dépendant de
ToMM- S. De plus, le passage de ToMM-S à ToMM-A nécessiterait
l'existence d'un seuil d'activation.
Le développement de la capacité de
théorie de l'esprit chez les enfants autistes est retardé dans le
temps. Cependant, nous supposions un profil de développement similaire
à celui des enfants normaux mais se réalisant de manière
plus tardive.
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