La modification du contrat de travail en droit congolais( Télécharger le fichier original )par Serge DIENA DIAKIESE Université protestante du Congo - Licence en droit économique et social 2004 |
Sous-section 1 : L'usage et les engagements unilatérauxL'usage s'entend de la pratique professionnelle ancienne et constante, qui, dans l'esprit de ceux qui l'observent, correspond à une obligation232(*). L'engagement unilatéral manifeste la volonté unilatérale de s'engager et non de contracter233(*). La suppression d'usage et d'engagement unilatéral entraîne-t-elle modification du contrat de travail ? Ce qui a été donné d'une main peut-il être repris de l'autre ? En ce qui concerne l'usage et sa dénonciation, l'employeur doit satisfaire trois conditions : l'employeur est contraint d'informer les représentants du personnel, le salarié concerné et de respecter un délai de prévenance suffisant. Précisons que c'est à l'employeur de supporter la charge de la preuve de la dénonciation. La jurisprudence, qui a longtemps tergiverser sur le sort de l'usage, l'incorporait d'abord au contrat de travail234(*) avant de rendre opposable la dénonciation de l'usage au salarié235(*). L'usage est par nature supplétif de volonté des parties ; une convention collective peut donc a priori mettre fin à l'usage. Le contrat de travail ayant une norme plus avantageuse que celle de l'usage l'emportera. dans la situation inverse, la question est posée ; l'usage supplée la volonté des parties, ce qui ferait du contrat contenant une disposition moins avantageuse la loi des contrats. Cependant, la Cour de cassation a eu l'occasion de décider que « le contrat de travail ne pouvait imposer un délai de préavis en cas de démission plus long que celui résultant des usages »236(*). L'usage n'est pas incorporé au contrat de travail : lorsque les trois conditions sont remplies, la dénonciation s'impose au salarié, la jurisprudence Raquin et Trappiez de 1987 ne trouve donc pas à s'appliquer. Selon M. Morand237(*), l'arrêt rendu le 19 mai 1998 qui retenait que « la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié même de manière minime sans son accord » sous-entendait qu'il existait une rémunération non contractuelle qui pouvait faire l'objet de modification sans son accord tel que l'usage, l'accord atypique, engagement unilatéral. Un arrêt rendu le 13 février 1996 avait érigé en principe que la dénonciation d'un usage ou d'un engagement unilatéral (accord atypique) n'avait pas pour conséquence de modifier le contrat de travail238(*). Le 10 février 1998, la chambre sociale de la Cour de cassation affirma que « l'avantage résultant d'un simple usage n'étant pas incorporé au contrat de travail(...), l'employeur avait le droit de mettre fin à l'usage en le dénonçant régulièrement »239(*). La jurisprudence de la Cour de cassation semblait donc établie et pourtant le 20 octobre 1998240(*), la Haute juridiction a précisé le régime applicable à la dénonciation de l'usage ; notamment lorsque celui-ci fixe la rémunération. La chambre sociale, dans cet arrêt, a retenu que « la rémunération (...) résultait en principe du contrat de travail sous réserve(...) des avantages résultant des accords collectifs, usages d `entreprise ou des engagements unilatéraux de l'employeur ;(...)que dans le cas où la rémunération du salarié résulterait exclusivement de l'usage ou de l'engagement unilatéral de l'employeur, la dénonciation régulière de cet usage ou de l'engagement unilatéral ne permet pas à l'employeur de fixer unilatéralement le salaire ; que celui-ci doit résulter d'un accord contractuel(...) ». Ainsi, lorsque la rémunération résulte exclusivement des usages ou engagements unilatéraux, l'employeur doit, contrairement à l'usage qui se contente d'apporter un complément de salaire où la dénonciation régulière opère de plein droit, recueillir l'accord du salarié. L'usage et l'engagement unilatéral, dans ce cas précis, perdent en quelque sorte leur caractère unilatéral pour venir s'intégrer au contrat de travail. Il en est de même de l'accord collectif dénoncé non remplacé241(*). En revanche, comme le soutient à juste titre Mme Hautefort242(*), lorsqu'en présence d'une rémunération contractuelle, l'employeur qui y a ajouté, par un engagement unilatéral ou par respect d'un usage, un élément supplémentaire, est toujours libre de le dénoncer. En somme, cet arrêt ne bouleverse pas le régime de dénonciation des usages, mais le précise en retenant son caractère essentiel s'il est la seule source concourant à la fixation des salaires. Quel que soit la source de la rémunération, le salaire, étant un élément essentiel, par nature, du contrat de travail, ne saurait être modifié unilatéralement ; la charge de la rupture du contrat de travail sera supportée par l'employeur. Si l'usage prévoit un supplément de salaire dont le montant est fixé par le contrat de travail, la Haute juridiction consent à une modification ou une suppression de ce supplément. En revanche, si ce salaire est uniquement fixé par l'usage, ce dernier « se fond dans le contrat de travail »243(*), l'employeur est alors contraint de recueillir l'accord du salarié avant de revenir sur cet usage. En somme, comme le soulignait le professeur Dockès, le principe de non incorporation de l'engagement unilatéral cède face à l'exigence d'ordre public d'une détermination du salaire244(*). Après avoir étudier les rapports entre l'usage, les engagements unilatéraux et le contrat de travail, faisons de même avec les conventions et accords collectifs. * 232 Lexique de termes juridiques, Dalloz, 9ème éd., 1993, p. 536. * 233 E. Dockès : La détermination de l'objet des obligations nées du contrat de travail - Dr. Social 1997, n° 2, p. 151. * 234 Cass. Soc. - 25 février 1986 - Dr. Social 1986, p. 905. ; voir : P. Langlois : Le sort des avantages résultant d'un usage dénoncé - Dr. Social 1999, n° 2, p. 125. * 235 Cass. Soc. - 25 février 1988 - D. 1988, Som. Com. 320, obs. A. Lyon-caen. * 236 Cass. Soc. - 16 juin 1988 - J.C.P. 1988, éd. E, II, 15356, n° 3., obs. P.H. Antonmattei. * 237 M. Morand : Salaire et temps de travail - T.P.S. août-septembre 98, p. 6. * 238 Cass. soc. - 13 février 1996 - B.C., V, n°53 ; J.C.P. 96, éd. E., II, 898, note G. Vachet. * 239 Cass. soc. - 10 février 1998 - J.C.P. G. 98, IV, 1725. * 240 Cass. soc. - 20 octobre 1998 - J.S.L. n°24/98, p. 8. ; Déjà auparavant la Cour de cassation avait précisé que « la disparition d'un usage, d'une prime ne pouvait intervenir contra le volonté des salariés » - Cass. Soc. - 27 janvier 1993 - Jurisp.-soc. U.I.M.M., n° 562, p. 214. * 241 Voir supra, p. 50. * 242 M. Hautefort : Salaire, usage et modification du contrat de travail - J.S.L. n°24/98, p. 6 et suivantes. * 243 M. Hautefort : Citoyen libre !- J.S.L. 1998, n° 24. * 244 E. Dockès, préc., p. 151. |
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