Les repas se caractérisent par une structure, des
modalités de combinaison des aliments, des formes de socialisation...
propres à une société donnée.33
Les différentes prises alimentaires se combinent entre
elles selon des rythmes journaliers (les journées alimentaires),
hebdomadaires, saisonniers...On différencie deux formes principales de
structure de repas. La forme synchronique se caractérise par la
mise à disposition d'une série de plats simultanément.
Dans les repas synchroniques, tous les aliments arrivent sur la table en
même temps, même si leur combinaison peut varier : c'est le cas des
repas chinois, vietnamiens ou, plus près de nous, du plato-combinado
espagnol. Dans la forme diachronique, les différents plats sont
présentés aux mangeurs successivement, selon un ordre socialement
défini. C'est le repas français avec l'enchaînement
entrée/plat garni/fromage/dessert qui constitue l'idéal-type de
cette forme. Certains repas s'organisent autour d'un aliment central permanent,
pré sent systématiquement tous les jours (core food), autour
duquel une série d'aliments secondaires ou d'accompagnement changent
régulièrement. Le repas asiatique avec la présence
incontournable du riz fait partie de cette catégorie, le repas
français avec la présence du pain comme accompagnement figure
également à la marge de cette catégorie. Dans d'autres
types de repas, les aliments changent en permanence.
Les journées alimentaires sont extrêmement
diverses comme nous le montrent notamment Flandrin et Cobbi dans Tables d
'hier, tables d 'ailleurs34. Dans certaines cultures, on ne
mange qu'une fois par jour, tandis que dans d'autres le nombre de repas
journaliers est de deux, ou encore trois, quatre, cinq repas... Dans l'univers
asiatique, au Viêt Nam par exemple, les prises alimentaires
socialisées comme les repas alternent avec une série de prises de
grignotage, désignées là-bas par l'expression «
manger pour s'amuser ». Cette variabilité culturelle se double
d'une variabilité historique.
Le modèle alimentaire français est
généralement défini comme un ensemble de trois repas par
jour, des repas structurés et rien entre les repas.
Le chapitre V de l'ouvrage Manger aujourd'hui. Attitudes,
normes et pratiques35 atteste l'existence de cultures
régionales très différentes en France.
Des travaux déjà anciens sur les paniers des
ménagères, réalisés par Nicolas Herpin36
dans le cadre de l'INSEE, avaient mis en évidence des écarts
importants entre un panier standard, composé à partir de la
moyenne nationale des consommations, et les paniers des différentes
régions françaises. Les résultats de l'enquête
menée par J-P Poulain démontrent la persistance de ces cultures
régionales. Ainsi, le nord de la France est plus sensible au
modèle énergétique et le sud au modèle
nutritionnel.
Une question relative aux aliments essentiels à une
bonne alimentation atteste de grandes différences, tant au niveau de la
hiérarchisation symbolique des groupes d'aliments que de l'importance de
leur valorisation. Celles-ci ne sauraient se réduire ni aux
particularismes des cuisines régionales, ni à de strictes
logiques d'approvisionnement ou de disponibilité ; elles traduisent
selon l'auteur l'existence de véritables sous-cultures alimentaires
régionales.
33 Notons, dès à présent que toutes les
prises alimentaires ne doivent pas être considérées comme
des repas. Le degré d'institutionnalisation des prises alimentaires
permet de distinguer les repas principaux (déjeuner, dîner), qui
sont fortement encadrés par un appareil normatif, les petits repas
(goûter, casse-croûte, apéritif...), moins
institutionnalisés, et les prises dites « libres » comme le
grignotage.
34 Flandrin, Jean-Louis et Cobbi, Jane, Tables d'hier,
tables d'ailleurs, Paris: Odile Jacob, Science Humaines 1999.
35J-P Poulain, Manger aujourd'hui. Attitudes,
normes et pratiques, Privat, Toulouse, 2001, 236 pages
36 N Herpin., « Alimentation et régionalisme »,
Données sociales, INSEE, 1984, 340-341.
Ces données montrent que, parallèlement aux
différenciations sociales classiques comme l'âge, le sexe, le
niveau d'éducation ou les catégories sociales, l'appartenance
régionale constitue bien, en France, un déterminant des
représentations alimentaires.