c) Les limites à la connaissance de la cuisine de
l'autre
Franco La Cecla dans « Faux contact »204
défend l'idée que goûter à la cuisine de
l'autre ne permet en aucune manière, et surtout pas dans un restaurant
proposant des mets « typiques » de goûter à la vraie
cuisine du pays. Y croire est une supercherie. Goûter des cuisines
étrangères, essayer certains plats est une démarche qui
n'engage à rien « En « essayant », on prend un billet
d'aller dont le retour est payé à l'avance ». Selon lui,
c'est une curiosité superficielle qui forme la base de la jouissance
liée à la découverte de nouvelles saveurs. La cuisine est
représente l'étape initiale du contact interculturel, « le
degré zéro du goût ».
En effet, le connaisseur de cuisines étrangères
reste à l'état de collectionneur de sensations nouvelles, c'est
un « flâneur du goût » et il est rare qu'il aille
au-delà de la première impression.
Le plat préparé avec les aliments inconnus
n'entre pas dans la cuisine quotidienne, il est préparé en des
occasions particulières. Par là il reste en dehors du patrimoine
culinaire de l'individu. L'adoption de certains plats reste ponctuelle et ne se
fait pas dans un esprit de système, mais plutôt de
sélection bribe par bribe d'éléments qui ont plu et qui
sont incorporés au registre alimentaire individuel. L'individu bricole
un ensemble de références alimentaires qui le
définissent.
Comme le montre Stéphane Tabois205 si il y a
des dons d'aliments entre les populations piedsnoirs et les populations
françaises, il s'agit rarement de plats principaux mais plutôt
d'éléments incidents (des mets souvent sucrés, comme ceux
préparés pour le goûter des enfants). Les sucreries
(gâteaux, beignets, loukoums...) étaient les mets locaux les plus
fréquemment consommés et ce quelle que soit l'appartenance
sociale.
204 Cecla, Franco La. Faux contact. In: Mille et une bouches.
Cuisines et identités culturelles., Autrement, Coll.
Mutations/Mangeurs, 1995.
205 Tabois, Stéphane, "Cuisiner le passé. Souvenirs
et pratiques culinaires des exilés pieds-noirs",Diasporas, Histoire et
Sociétés, Cuisines en partage, 2005,
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