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L'activité culinaire des étudiants étrangers

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par Frédérique Giraud
Ens-Lsh - Master 1 de Sociologie 2006
  

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a) Des plats typiques, des sensations authentiques

La plupart des personnes interrogées emploient le terme typique pour qualifier leurs pratiques culinaires, précisément pour comparer leurs pratiques culinaires en France et chez eux. Ils développent face au questionnement sociologique, mais également par rapport à leur famille et amis une rhétorique pour parler de leurs techniques et pratiques, le plat est-il typique ou non par rapport aux préparations du pays que l'on a l'habitude de faire et de manger ? Cette rhétorique leur permet d'évaluer et de comparer systématiquement leurs pratiques entre elles, en opposant un avant au pays et un maintenant en France (c'est le cas de Shumeï qui classe toutes ses pratiques selon qu'elles sont typiques ou non).

Un plat typique pourrait être défini comme un plat qui est le plus proche possible du plat créé dans le pays d'origine, réalisé souvent dans le pays, dans la cuisine quotidienne. Plus il serait reconnu par la famille de l'étudiant comme appartenant au registre alimentaire spécifique du pays. La catégorisation typique/non typique permet aussi aux étudiants de différencier leurs pratiques en France. C'est lorsque les étrangers mangent en compagnie d'amis que sont réalisés les plats les plus typiques comme nous le rappellent ces propos de Tsu Tsu Tuï. « Estce que tu as déjà invité des chinois à manger chez toi ? Euh, j 'ai chez moi non, mais souvent euh.. en week-end plusieurs chinoises va ensemble manger. Dans ce cas-là vous préparez quoi à manger ? On fait la cuisine typiquement chinoise et plus compliquée. »

En effet ces plats demandent un effort, une réflexion et une organisation supplémentaire comme le note Théodora. « Sur une semaine combien de fois tu prends un plat roumain ? Maximum quatre fois. Ça demande plus de temps pour choisir et il faut plus réfléchir »

Il faut d'abord chercher les ingrédients typiques dans les magasins, ou réfléchir aux autres produits que l'on pourrait utiliser en remplacement. Tsu Tsu Tuï remarque que « faire vraiment les plats chinois ça fait beaucoup de temps et je n 'ai pas »

Les plats simples demandant peu de préparation sont aisément reproductibles, les autres requérant plus de technique et de savoir-faire sont repoussés à des occasions particulières, notamment lorsqu'on se rencontre en groupe. Ensemble on peut s'autoriser à faire des plats plus compliqués, chacun apportant les ingrédients typiques. « parce que quand on fait la cuisine ensemble on va apporter chacun, les autres « puient » acheter des épices (dit sur un ton interrogatif), plusieurs choses et on a beaucoup de matériaux, pour faire ». Préparer ensemble permet de résoudre des problèmes d'approvisionnement plus facilement. C'est certainement ce qui explique que les étudiants chinois fas sent souvent leurs achats ensemble dans les magasins asiatiques. Etant donné le coût des produits en France relativement à la Chine, on peut supposer que en faisant les courses ensemble, les étudiants partagent les achats et répartissent le coût des produits rares et très spécifiques.

A qui s 'adresse la référence à la typicité d 'un plat ?

Si l'adjectif qualificatif typique permet à l'étudiant de comparer ses pratiques culinaires chez lui et en France, il semble logique de dire que la référence à la typicité se fasse pour l'individu même. Par l'usage de cette qualification, l'étudiant classe ses pratiques des plus proches du pays d'origine aux plus éloignées, des plus chinoises par exemple aux plus françaises. Le premier rôle de la notion de typicité est donc pour soi-même d'établir des hiérarchisations entre ses propres pratiques.

Par ailleurs, elle permet de parler de ses pratiques à ses parents et amis, de se comparer aux autres. Shumeï pense que ses pratiques culinaires sont beaucoup moins « typiques » que celles des autres chinois, le terme lui permet face au sociologue de hiérarchiser ses pratiques.

De plus, la référence à la typicité des plats fait sens lorsque l'étudiant fait goûter les plats à des français ou des personnes d'autres nationalités. Il s'agit d'informer l'autre sur ce qu'il mange et d'inscrire en négatif sa propre identité. Comme il a été écrit précédemment, on n'est pas Japonais parce que l'on mange du poisson cru avec la sauce ce soja, mais parce que tous les autres ne mangent pas comme eux. C'est la cuisine de « l'autre » qui nous conforte dans notre appartenance au groupe185.

Pour ces personnes, la volonté de présenter des plats typiques est ambiguë. Le lecteur se rappellera peut-être le cas de Giovanni qui veut faire goûter des plats typiques, mais qui accommode ses plats à ce qu'il pense être les goûts français. Peut-être l'explication réside-telle dans l'idée que chacun se fait de la perméabilité de sa culture culinaire. Pour lui, le plat typique est réservé aux Italiens, les personnes d'autres nationalités n'aimeraient sûrement pas un plat de pâtes préparé exactement comme en Italie. Giovanni offre donc des plats proches des plats italiens, mais non équivalents, des plats que des Français pourront aimer, un plat adapté à ce qu'on estime être leur goût.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld