4) La difficulté à faire décrire des
pratiques
L'une des difficultés majeures de nos entretiens a
été pour nos enquêtés de se remémorer les
produits achetés pour venir en France, les plats réalisés
dans la semaine, leur occurrence depuis leur arrivée en France...il
fallait sans cesse revenir à la charge pour que les
enquêtés poursuivent leur description des produits
achetés.
Nous leur demandions de se remémorer et de nous
décrire leurs pratique de façon précise : les
quantités, les manières de couper un légume, l'ordre de
mélange des aliments. Il était toujours difficile d'obtenir la
description des techniques employées du fait de la non maitrise de la
langue.
Langue et cuisine
G Desmons et A O'Mahoney104 étudient les
habitudes alimentaires de la population anglophone du sud-ouest de la France
s'interrogent sur le lien qu'il existe entre langue et cuisine.
Depuis une vingtaine d'années, un grand nombre
d'anglophones ont acheté des résidences permanentes en France ou
des résidences secondaires. On remarque que des rayons
spécifiques sont apparus dans ces régions dans les
supermarchés et sur les marchés pour répondre aux demandes
des clients anglophones, qui gardent un certain nombre de liens alimentaires
avec leur pays.
La population de l'enquête est constituée
d'anglais vivant et travaillant à plein temps en France. Les
expatriés temporaires n'ont pas été contactés.
Le premier constat établi est qu'il existe une forte
influence de la langue française sur l'anglais employé en
cuisine. En effet, le BBC Glossary of Food terms propose 551 termes, dont 125
français (soit 22,5%). Des termes français tels que beurre
lié, daube, fondue, julienne, meringue, papillote, vinaigrette ont
été tout simplement importés tels quels dans le
vocabulaire culinaire anglais.
Ainsi, il semble heuristique d'analyser l'influence de la
langue française sur la langue anglaise pour la cuisine. Ces chercheurs
mettent en exergue deux questions qui nous intéressent également
: les anglophones du Sud-Ouest de la France cuisinent-ils dans leur langue
maternelle ? Les recettes de cuisine peuvent-elles être traduites ?
Cette étude sur les liens existant entre langue et
cuisine permet d'expliquer d'une autre manière que la seule
difficulté à parler la langue française la
difficulté des personnes interrogées à expliquer leurs
pratiques culinaires. En effet, pour les termes employés dans les
actions de la cuisine, il peut ne pas exister de traduction du vocabulaire. On
se doute que pour un cuisinier chinois, les termes importants seront ceux
liés à la cuisson vapeur qui concerne de très nombreuses
spécialités, parmi lesquelles on trouve les raviolis, les
rouleaux de printemps, les boulettes de riz, les galettes de légumes...
pour laquelle le français ne dispose qu'un terme approximatif «
cuire à la vapeur ». De même pour désigner certains
aliments, les termes traduits n'existent pas ou du moins ne sont connus ni de
l'enquêté ni du sociologue parce que les aliments ne sont pas
connus dans les deux pays.
Trois méthodes différentes ont été
utilisées pour réaliser cette enquête : des entretiens ont
été réalisés avec huit enquêtés, des
observations régulières de pratiques culinaires et alimentaires
ont été réalisées, un épluchage des
chroniques de blogs d'expatriés a été menée,
l'attention étant concentrée sur les chroniques culinaires.
Le chapitre suivant est le premier chapitre
véritablement consacré à l'analyse. Il s'agit ici de
savoir comment l'étudiant peut préparer son séjour
à l'étranger. La dimension alimentaire du séjour peut-elle
être préparée ? Selon quelles modalités ?
104 G Desmons et A O'Mahoney, « Nourriture, langage,
culture. Les anglophones du Sud-Ouest de la France en voie de mutation
culinaire », Faire la cuisine. Analyses pluridisciplinaires d'un
nouvel espace de modern ité. Les Cahiers de l'OCHA, n° 11,
2006
|