I.6 La contestation
de 1990 à 2004
L'année 1990 inaugure l'ère des vraies
contestations ouvertes que le régime du général
Eyadéma, installé depuis 1967 devrait affronter.
Au début de l'année 1990, le Mouvement National
des Etudiants et Stagiaires du Togo (MONESTO), intensifie des protestations
après une décision du gouvernement visant à suspendre le
versement de toute bourse nationale à ceux qui manifestent contre le
régime. Des manifestants furent arrêtés. A la suite d'une
réunion le 02 avril 1990, l'étudiant Nayonne disparut. Avocats et
professeurs fondèrent la Ligue Togolaise des Droits de l'Homme le 20
juillet 1990. Cette Ligue accuse l'Etat de procéder à des
arrestations et à des actes de torture à l'encontre des
activistes de la démocratie...
D'autres nouveaux regroupements dont l'Association Togolaise
de lutte contre la Torture (ATLT) de Jean Yaovi DEGLI et l'Association
Togolaise pour la Liberté de la Presse (ATLP) virent le jour.
Le 05 octobre 1990, eut lieu le procès de deux
étudiants DOGLO Agbelenko et LOGO Dossouvi, condamnés à
cinq ans d'emprisonnement pour fabrication et distribution de tracts
mensongers. Des jeunes, rassemblés devant le Palais de Justice,
manifestèrent contre le verdict et exigèrent la fin de la
dictature du Président Eyadéma en scandant l'hymne
« Terre de nos aïeux » interdite à
l'époque. La manifestation s'est transformée en émeutes
entraînant morts et blessés. Ce jour fut baptisé
« le vendredi noir », allusion faite aux fumées des
pneus brûlés par les manifestants.
Le 12 mars 1991, les étudiants du campus universitaire
de Lomé manifestèrent pour réclamer la reconnaissance des
associations d'étudiants, la dissolution et l'interdiction des amicales
étudiants à caractère tribal, l'interdiction formelle du
port d'armes et instruments de violence sur le campus, le respect de
l'autonomie universitaire vis-à-vis du pouvoir politique, l'attribution
des bourses d'études universitaires non sur la base de
considérations régionales mais sur les critères de
conditions socio-économiques, de mérite et d'âge...
Ce mouvement de grève fut sévèrement
réprimé et des étudiants furent arrêtés. Le
15 mars 1991, les femmes descendirent dans les rues de Lomé pour
protester contre les mauvais traitements dont furent victimes leurs enfants. Le
16 mars, le Front des Associations pour le Renouveau (FAR), dirigé par
Me AGBOYIBO, organisa un mouvement de soutien aux étudiants
malgré l'interdiction du gouvernement. Des morts et blessés
furent recensés après le face à face manifestants et
forces de l'ordre. « La Nouvelle Marche » du lundi 18 mars
1991 dressa un bilan de deux morts et des dégâts
matériels.
Tout ceci contraint le Président de la
République à rencontrer les responsables du FAR dans la
journée du 18 mars 1991. On assiste à la mise en place d'une
commission mixte paritaire qui doit trouver des solutions aux questions qui
sont l'objet des manifestations.
Le 04 avril 1991, les élèves de l'enseignement
catholique manifestent à Lomé pour soutenir leurs enseignants
dans leurs revendications salariales. Le 05 avril, deux des jeunes manifestants
essayant de faire descendre la statue en bronze du chef de l'Etat,
érigé devant la maison du RPT furent abattus par des
militaires.
Vu les agitations du monde universitaire et scolaire, le 08
avril 1991, l'Université du Bénin et tous les
établissements publics et privés d'enseignement et de formation
professionnelle furent fermés sur toute l'étendue du territoire
national. Ils ne seront ouverts que le 06 mai 1991.
Pour leur part, les chauffeurs de taxi entament le 08 avril,
une grève pour protester contre la hausse des prix du carburant. Le
lendemain, un arrêté interministériel ramena les prix de
vente de carburant à leur niveau antérieur.
Le 09 avril, fut décrété un couvre-feu
sur toute l'étendue du territoire national de 19 heures à 6
heures du matin.
Le 10 avril 1991, les manifestations atteignent Aného
et Vogan. Ce même jour, le Conseil des ministres élargi au
comité central du RPT se réunit. Un projet de loi autorise la
création et l'organisation des partis politiques.
Le 11 avril 1991, le Chef de l'Etat, dans son message à
la Nation lance le processus de création des
partis : « Togolaise, Togolais, le processus devant
nous conduire au multipartisme est désormais arrêté. Comme
convenu, l'Assemblée Nationale examinera et votera les projets de loi
portant amnistie générale et charte des partis afin que nous
puissions les promulguer le 12 avril 1991. Ainsi, à compter du 12 avril,
les partis politiques pourront se constituer et exercer leurs
activités » (Extrait du discours à la Nation,
« La Nouvelle Marche » du 12 avril 1991 : 3).
Ce 11 avril, 28 corps dont deux femmes enceintes et une,
portant un enfant au dos, furent découverts dans la lagune de Bè
à Lomé. Face à l'indignation totale, le pouvoir vote le 12
avril 1991, une amnistie générale, à la base de laquelle,
certains Togolais jusque là « persona non grata » au
Togo avaient désormais le droit d'y revenir.
Le 16 avril 1991, le Président de la République
décrète un deuil national de 24 heures en mémoire de
toutes les victimes, notamment celles dont les corps ont été
retrouvés dans la lagune de Lomé. Auparavant, le 15 avril, la
Ligue Togolaise des Droits de l'Homme lance un mot d'ordre de grève de
48 heures, bien suivi par les conducteurs de taxi. Cette grève paralysa
les activités à Lomé.
Tous ces faits ont été déterminants dans
le processus de libéralisation politique au Togo. Ainsi le 16 mai 1991,
lors d'une rencontre entre le Front de l'Opposition Réuni et le
Président de la République, la question d'une Conférence
Nationale fut soulevée. Le 25 mai, un comité préparatoire
fut mis sur place. Ce comité prépara cette conférence qui
débuta après plusieurs reports le 08 juillet 1991.
Le 10 juillet 1991, troisième jour après
l'ouverture de la conférence, l'opposant Andoch BONIN, rentré
d'exil de France fut arrêté. Les manifestations de rue
réclament sa libération. La conférence a exigé et
obtenu cette libération avant la suite des travaux. Un gouvernement de
transition fut mis en place à la fin de la conférence nationale
souveraine.
Du 23 au 24 octobre 1992, les membres du H.C.R, institution de
la transition, furent pris en otage par des militaires.
Le 16 novembre 1992, une grève générale
illimitée fut lancée pour exiger le respect de la transition. Le
25 janvier 1993, lors d'une visite de médiation des ministres allemands
et français de la coopération, les Loméens
organisèrent au jardin Fréau, une manifestation populaire en
faveur de la démocratie. Un militaire fut tué dans le quartier
Bè. Une expédition punitive des Forces Armées Togolaises
(FAT) qui fit plusieurs morts et blessés dura du 25 au 31 janvier
1993.
Ces mouvements qui viennent d'être décrits ne
sont que des exemples parmi tant d'autres mouvements connus par le Togo de 1990
à ce jour. C'est ainsi que de 1990 à 2005, il est difficile
à l'Université de Lomé, d'affronter une année
universitaire sans mouvement étudiant.
Les mouvements étudiants de l'année
universitaire 2000-2001 ont mobilisé des étudiants autour de
boycotts de cours, grèves... A travers ces manifestations, les
étudiants réclamaient arriérés de bourses et aides
scolaires. Dans son souci de résolution de la crise, le chef d'Etat
d'alors, le Président GNASSINGBE Eyadéma se rendit avec des
membres du gouvernement à l'Université de Lomé pour
appeler les étudiants à la reprise des cours. Ces derniers ne
suivirent pas cet appel. Une année blanche fut
décrétée dans la plupart des grandes facultés. Les
frais d'inscription et des oeuvres universitaires furent majorés. Les
bourses furent supprimées, les tranches d'aides furent réduites
(de 120000 F à 60000 F).
L'année universitaire 2003-2004 a aussi connu des
séries de mouvements étudiants qui ont pris une ampleur
inattendue le 30 avril 2004. En effet, ce 30 avril, les étudiants
réclamant l'amélioration des conditions de vie à travers
des manifestations sur le campus, ont réagi énergiquement
à l'intervention policière qui vise la gestion de leurs
mouvements. L'affrontement forces de l'ordre - étudiants a duré
et a connu l'intervention des gendarmes et des unités d'élite de
la garde présidentielle communément appelées
« bérets verts ». Plusieurs blessés furent
recensés parmi étudiants et forces de l'ordre. Des
étudiants furent jugés et condamnés à 18 mois de
prison ferme.
Ces deux séries de mouvements étudiants ne sont
que des exemples types de mouvements étudiants et sociaux connus par le
Togo.
Sans trop rentrer dans les détails, il est important,
pour finir avec l'historique des manifestations protestataires au Togo, de
mentionner qu'après le décès du président
Eyadéma, et la prise de pouvoir par son fils Faure installé par
l'armée au mépris des dispositions de la constitution, des
séries de manifestions protestataires ont émaillé la
scène politique togolaise.
Les différentes manifestations protestataires sont
souvent organisées par des partis politiques, associations ou
organisations de la société civile. Il urge donc de
s'intéresser à la législation en matière
d'association au Togo.
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