I.5 Historique des
mouvements sociaux de l'indépendance à 1990
Le 27 avril 1960 fut proclamée l'indépendance du
Togo. Le Comité de l'Unité Togolaise (CUT) avait le pouvoir.
Toutefois, l'arrivée du CUT au pouvoir correspond à une
période de tension sociale que la seule euphorie de la victoire ne
justifie pas. Des heurts et des échauffourées violents, parfois
sanglants, opposant les partisans du CUT et du PTP sont constamment
rapportés dans la presse. Par exemple, à Lomé le 12 mai
1958, à l'occasion du procès intenté par deux candidats
battus du CUT et leurs adversaires élus du PTP, on compte plusieurs
blessés. Le 16 juin de la même année, à 15 km de
Lomé, un incident opposant les deux formations fait un mort et une
soixantaine de blessés. (Le monde, 18 juin 1958). Tout au long de cette
période qui va de 1960 à 1963, fréquents sont les
incendies de maisons, les brimades, les cas de violence
caractérisée, les chasses aux sorcières entraînant
mort d'hommes.
En 1961, le CUT devenu Parti de l'Unité Togolaise (PUT)
fait de S. OLYMPIO, le président à vie du Togo au cours de son
congrès annuel (TOULABOR, op.cit. : 22).
Le 13 janvier 1962, le gouvernement dissout toutes les
associations constituées au Togo, les responsables étant
accusés de fomenter un coup d'Etat. Le Togo connaît de fait un
régime à parti unique. C'est dans ce contexte qu'intervint le 13
janvier 1963, un coup d'Etat militaire qui met fin à la Première
République.
Ce coup d'Etat a conduit à la constitution d'un
régime civil reposant sur le bicéphalisme. Ce nouveau
régime n'allait que de crises en crises.
En effet, le 21 novembre 1966, à la suite d'une grave
crise entre le Président GRUNITZKY et son vice MEATCHI, le PUT, en
association avec le camp de MEATCHI dont une partie de la hiérarchie
militaire, convia la population dans les rues. Les manifestants
réclamaient le départ de GRUNITZKY, de nouvelles élections
mais aussi la traduction en justice des auteurs du coup d'Etat du 13 janvier
1963. Sur ce dernier point, le mouvement fut sévèrement
réprimé.
Un nouveau coup d'Etat orchestré le 13 janvier 1967
mit, aux commandes de l'Etat, un régime militaire dirigé d'abord
par le Colonel Kléber DADJO, puis par Etienne Eyadéma.
Le 13 mai 1968, la confédération syndicale,
Union Nationale des Travailleurs du Togo (UNTT) lançait un mouvement de
grève qui était le tout premier auquel le nouveau régime
du général Eyadéma était confronté. En
effet, à la suite de l'arrestation et de l'expulsion du nouveau
président de l'UNTT issu du sixième congrès statutaire du
10 au 12 mai 1968, les dirigeants syndicalistes lancèrent une
grève générale à partir du 13 mai. Cette
grève fut totalement suivie par les enseignants des
établissements officiels et les employés de banque. Ce n'est
qu'après la libération et le rétablissement dans ses
fonctions du syndicaliste arrêté que la grève prit fin le
25 mai 1968.
Malgré les tentatives de contrôle de l'action
syndicale par l'Etat dans les années suivantes, la base de l'UNTT n'a
cessé de rester remuante. Aussi recense-t-on au long de l'année
1972, de nombreux mouvements de grève dans les sociétés
d'Etat comme les chemins de fer du Togo, le port autonome de Lomé, la
féculerie de Ganavé, la CTMB.
Tout ceci conduisit le 04 décembre 1972, à la
dissolution de tous les syndicats existant dans le pays. En janvier 1973 fut
créée la centrale syndicale unique : la
Confédération Nationale des Travailleurs du Togo (CNTT).
Cependant, le problème de la contestation
ouvrière ne fut pas pour autant résolu. Des grèves
organisées en dehors des structures officielles sont recensées.
En témoignent la grève des dockers de Lomé en 1978 pour
protester contre les salaires et les conditions difficiles de travail, celle
des chauffeurs de taxi en mai 1980 contre la baisse de leur pouvoir d'achat
consécutive à un fort relèvement du prix de l'essence et
au blocage des tarifs de la prise en charge décidés par les
autorités publiques. La protestation la plus spectaculaire dans ce
contexte fut le hold-up organisé en 1975 par les ouvriers de la CTMB
à la suite de la nationalisation de la société avec comme
conséquences, la diminution du salaire plafond des ouvriers de 17000
FCFA à 12000 FCFA, la remise en cause de tous les acquis sociaux et
salariaux, le retard dans les payements.
Ces revendications ouvrières allaient de pair avec
celles du monde universitaire.
Le 15 novembre 1968, les étudiants de la section
littéraire du Centre d'Enseignement Supérieur (CES), embryon de
la future Université de Lomé se mettaient en grève pour
protester contre le non paiement des bourses d'études et des primes
d'équipement. Ils obtiennent satisfaction quatre mois plus tard. Le 13
mai 1969, les étudiants du CES de Lomé cessèrent les cours
en guise de solidarité avec leurs camarades du CES de Porto-Novo en
grève depuis le 09 mai pour protester contre une décision du
gouvernement dahoméen de construire la cité universitaire dans
l'enceinte du Lycée Béhanzin.
En avril 1975, habilement abritée derrière le
slogan du parti unique « RPT, haut lieu de dialogue »,
l'Association des Etudiants de l'Université de Lomé, dans une
lettre ouverte, mettait le chef de l'Etat devant ses responsabilités au
sujet de l'implantation à l'université de cellules de la JRPT
à laquelle elle était farouchement opposée.
En avril 1977, des tracts soulignant la nature « pro
impérialiste », « anti-populaire » et
« régionaliste » du régime du
général Eyadéma circulent à Lomé. Le
Président est traité de « valet de
l'impérialisme international notamment français », et
les tracts s'interrogent sur sa « capacité »
à gouverner vraiment le pays dans « l'intérêt
général ». Le pouvoir réagit vivement en
procédant à d'innombrables perquisitions et arrestations. Ainsi,
le 18 avril 1977, une trentaine de personnes soupçonnées sont
arrêtées dont 12 professeurs du Syndicat National de
l'Enseignement Technique Secondaire et Supérieur (SNETSS) et 4
étudiants voltaïques.
Il faut dire que jusqu'en 1977, le SNETSS a réussi
à garder son autonomie par rapport à la CNTT que le chef de
l'Etat a voulu imposer à l'ensemble des travailleurs.
Il est enfin indispensable de souligner que de 1960 à
1990, une forme de protestation occulte est remarquable chez les Togolais.
C'est le cas des prénoms qui dénoncent les différents
actes du régime. Cet aspect a été déjà
abordé dans la revue de la littérature.
|