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Le projet de loi sur les partis politiques au Maroc

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par Hassan Bentaleb
Université Montpellier 1 - Master recherche en science politique 2005
  

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Conclusion :

Ainsi le projet de loi a imposé aux formations politiques la tenue annuelle de leur comptabilité, et la soumission de celle-ci au contrôle d'un expert. Le texte précis que les fonds des formations politiques doivent provenir des droits d'adhésion des militants, des dons et subventions ainsi que des revenus liés à l'organisation d'activités culturelles et sociales en plus de l'aide de l'Etat. Les partis politiques sont, par ailleurs, interdits de recevoir des aides financières - directes ou indirectes - des collectivités locales, des institutions publiques et des sociétés où l'Etat dispose d'une participation au capital. Les partis politiques sont également interdits de recevoir des subventions ou aides de quelque forme que ce soit provenant d'un pays étranger, d'une personne morale soumise à une loi étrangère ou d'une personne n'ayant pas la nationalité marocaine. L'Etat participe, par ailleurs, au financement des campagnes électorales des partis politiques et leur accorde une aide annuelle pour subvenir à leur gestion. Le montant de la subvention devrait être fixé en proportion avec le poids de chaque parti au sein des deux chambres du Parlement. La subvention étatique est, cependant, liée à la tenue des assises nationales des partis politiques. Ainsi, en vertu de la loi, toute formation qui n'aura pas tenu son congrès dans un délai de 4 ans se verra privée de l'aide annuelle de l'Etat.

Pourtant, l'effet escompté n'a pas eu lieu malgré l'enthousiasme que devait provoquer le principe de transparence mobilisé par le projet de texte de loi. Les partis politiques suggèrent le principe d'une aide financière, indépendamment des dotations électorales ou des subventions accordées aux journaux. Un financement permanent abrogera (ou du moins atténuera) la règle du «brouillard et de la débrouillardise» qui a longtemps prévalu. Le but, selon le Rassemblement national des indépendants (RNI), est d'éviter que des groupes d'intérêts monopolisent le champ politique.
Mais sur quelle base effectuer ce financement public? La plupart des partis parlent du critère de la représentativité. Les expériences étrangères montrent que c'est la proportionnalité qui est la règle, et elle est calculée sur les voix ou sur les sièges obtenus. Donc, exit les partis qui boycottent les élections et qui n'ont aucun élu. Il reste que la transparence de ce financement ne peut se baser uniquement sur l'activité électorale. Le contribuable est dans le droit de connaître ce que pèse chaque parti, c'est-à-dire le nombre d'adhérents, surtout ceux qui payent leurs cotisations. A ce niveau, il risque d'y avoir «de belles surprises». Car jusqu'à maintenant, les partis revendiquent des chiffres plus au moins «fantaisistes». Il n'existe pas encore de statistiques globales émanant d'un organisme indépendant.


Naturellement, le critère de la représentativité n'arrange pas tout le monde. Selon Omar Zidi du Groupe socialiste unifié (GSU), le financement public doit se faire sur la base de «programmes» comme c'est le cas pour certains ONG. «C'est de cette façon que les partis seront des acteurs de changement», soutient-il. A financement public permanent, contrôle efficient. Presque tous les partis se disent prêts à faire vérifier leurs comptes (le projet de loi les oblige à tenir une comptabilité). Ils demandent cependant un contrôle impartial, que seul le système judiciaire pourrait garantir. Ni le ministère de l'Intérieur, ni même le Parlement ne devraient assumer cette fonction, souligne-t-on. Le premier serait en même temps «juge et partie». Le second est exposé aux risques d'influence partisane.

Conclusion

Sept décennies après l'apparition du premier noyau embryonnaire d'une organisation politique nationale, dans les années 30, le Maroc opte pour une loi, qui, au-delà de garantir le libre exercice de l'action politique, compte y mettre de l'ordre. Un projet jugé nécessaire par l'Etat.

Si le dahir du 15 novembre 1958, réglementant le droit d'association, a institué le droit, il n'a pas pour autant détailler toutes les exigences d'une vie partisane saine et efficace. Si on connaissait la fonction des partis, leur définition précise nous échappe, même si la Constitution de 1962 a confié aux partis politiques un rôle «d'organisation et de représentation des citoyens» ; il n'en demeure pas moins que la notion de parti est restée, depuis lors, une notion vague. Il fallait donc commencer par l'évidence. «Le parti politique -stipule le premier article de l'avant-projet- est la convention par laquelle des personnes physiques mettent en place une organisation permanente et à but non lucratif (...) en vue de participer, par des voies, à la gestion des affaires publiques». Ensuite, vient le rôle des partis. Reprenant les dispositions constitutionnellement établies sur l'organisation citoyenne et la représentativité nationale, l'article 3 y ajoute «la formation des élites capables d'assumer des responsabilités publiques et à l'animation du champ politique». Désormais, il ne suffit plus d'avoir des affinités partagées et des opinions communes, couplées à un volontarisme «instantané» pour former un parti. «La constitution des partis politiques ne peut se justifier -selon le projet de loi- uniquement par la volonté de quelques personnes, mais doit correspondre principalement à un besoin social et territorial en profondeur». Pour ce faire, plus de 13 articles fixent les modalités, les dispositions et autres conditions. D'où «une déclaration signée par 1000 membres fondateurs répartis en fonction de leur résidence effective, dans au moins la moitié des régions du Royaume pour que le congrès constitutif du parti soit valablement réuni».

Un parti, c'est aussi et surtout un programme. Longuement décriés, sinon pour leur manque de visibilité, du moins pour leurs programmes identiques, la plupart des partis n'auront plus le droit de se dérober à cet impératif. La création d'un parti appelle à la présentation d'un programme. En clair, et selon l'article 20, les membres fondateurs doivent déposer, entre autres, cinq exemplaires des projets de programme. En plus, l'article 21 stipule que : «tout parti politique doit avoir un programme et des statuts écrits». Elaborer une feuille de route pour résorber les problèmes des pays requiert le concours de toutes les composantes du parti.

Or, une certaine hémorragie organisationnelle, devenue presque endémique, empêche la majorité de nos partis de l'apport d'une partie de ses élites. Montré de l'index, le fonctionnement interne n'est pas toujours au diapason de ce postulat. Marquée par une onde de choc -quasi permanente- la vie interne a toujours été sujette à des remous, parfois sismiques, à des scissions continues. D'où le remède : démocratie interne. Cheval de bataille pour des militants mal à l'aise ou en mal de majorité, d'une part, et question perpétuellement ajournée, à raison ou à tort, la démocratie se taille la part du lion dans la nouvelle loi. Les partis sont ainsi: «appelés à être organisés et administrés sur des bases et des principes démocratiques donnant vocation à tous les membres de participer effectivement à différents organes». Tout y est : mode d'organisation interne, droits et devoirs des adhérents, tenue des congrès. Le projet dresse, sans l'expliciter, un bilan négatif à ce propos.

En témoigne surtout l'accent porté sur la représentativité interne : «c'est également sur des bases et des principes démocratiques -lit-on dans la note de présentation- que les statuts fixent le mode de choix et d'accréditation des candidats aux différentes consultations électorales». Un constat sans appel qui ne ménage personne : il faut réformer les outils de la réforme que sont les partis.

Une transparence en appelle une autre: le financement. Aléatoire ou occulte, l'argent de la politique est une autre zone d'ombre dans la vie interne. Nerf de la démocratie, il n'est pas toujours utilisé à bon escient, ni obtenu dans la transparence. D'où la mise sur pied de mécanismes de contrôle des justificatifs de dépenses au titre de l'aide accordée par l'Etat. En contrepartie, les partis auront d'autres possibilités de financement par l'Etat.

En cas de non-respect de ladite loi, des sanctions allant jusqu'à la dissolution, sont prévues dans l'esprit du respect même des exigences de l'Etat de droit. Les dispositions de l'article 4-entre autres- sont, à cet effet, très claires : «Est nulle et de nul effet toute constitution de parti politique ayant pour but de porter atteinte à la religion islamique, à la forme monarchique de l'Etat ou à l'intégrité territoriale du Royaume ou qui, de manière générale est fondée sur une cause ou en vue d'un objectif contraire aux dispositions de la constitution ou fondée sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou régionale».

Jusqu'à l'écriture de ces lignes, ce projet de loi relatif aux partis politiques n'a pas encore atterri au Parlement. Mais entre temps, il est passé au Conseil de Gouvernement, et l'Etat a pris en considération certaines critiques des partis politiques. Et du coup, le nouveau projet de loi a remodelé ou supprimé plusieurs dispositions, concernant les conditions de constitution, de financement et de suspension.

Ainsi, le nouveau projet a fixé le nombre de fondateurs à 300 au lieu de 1000. Il en va de même pour le nombre de congressistes, ramené à 500, au lieu de 1500 requis dans l'avant-projet initial. Le pouvoir de dissoudre ou suspendre un parti est donné à la justice, au lieu du ministère de l'Intérieur. Autre surprise de taille sera l'interdiction de la transhumance des députés entre les groupes parlementaires.

Concernant le financement de l'action politique, l'éligibilité à l'aide publique se fera en fonction de la représentativité des partis à l'échelle nationale et locale. Pour les petits partis qui n'atteindraient pas le pourcentage de voix requis pour être éligibles, ils auraient la possibilité de nouer des alliances afin que la somme de leurs voix atteigne le seuil d'éligibilité. Ils pourraient ensuite se partager la subvention étatique. Toujours à propos du financement, l'article 38 de l'avant-projet, stipulant qu'une commission présidée par un juge de la Cour des comptes et composée d'un juge de la Cour suprême, d'un représentant de l'Intérieur et d'un inspecteur des finances examinerait les dépenses que les partis engageraient au titre de la contribution de l'Etat dans le financement des campagnes électorales, a été modifiée et simplifiée. Seule la Cour des comptes pourra contrôler les dépenses faites par les partis lors des élections.

Maintenant, reste à savoir, quelle issue trouvera ce projet de loi ? . Pour les optimistes, il y aura un vote favorable. Le texte malgré ses défauts, est une avancée dans le processus de réhabiliter le champ politique marocain. Pour le camp des pessimistes, ce projet de loi doit être rejeté, car c'est une loi liberticide, qui maintien la mainmise de l'Etat, et favorise l'ingérence de l'Etat dans les affaires des partis politiques.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo