L'assurance qualité des soins de santé: un défi à relever en république islamique de mauritanie( Télécharger le fichier original )par Moussa Diouldé MBOW Institut international de l'Education IRERIE de Paris - Doctorat 2006 |
Deuxième partie : Politiques et système de santéChapitre III : Etat des lieux de la politique de santé3.1 Introduction :La conférence internationale sur les soins de santé primaires, réunie à Alma Ata le 12 septembre 1978, a souligné la nécessité d'une action urgente de tous les gouvernements, de tous les personnels de secteurs de santé et du développement, ainsi que de la communauté mondiale pour protéger et promouvoir la santé de tous les peuples du monde. Elle a déclenché un mouvement sans précédent dans l'histoire de la santé publique. En novembre 1986, s'est tenue à Ottawa la première conférence internationale pour la promotion de la santé, dont l'issue a été sanctionnée par la charte dite d'Ottawa. Au 37e Comité Régional de l'OMS en 1987, les ministres africains de la santé ont pris l'engagement de mettre en oeuvre «l'initiative de Bamako» À l'instar des autres pays de la région africaine, la R.I.M a souscrit aux recommandations de la conférence d'Alma Ata et celles permettant la mise en oeuvre de l'initiative de Bamako. Ce qui a permis d'opérer des réformes et réorganisation du département de la santé et des affaires sociales. Cet engagement a eu un effet mobilisateur, au niveau du département de la santé qui proposait de réformer ce système en vue de le rendre plus apte à répondre aux besoins de santé les plus pressants. Le IVème plan sanitaire (1981-1985) constitue la première tentative d'orientation de la politique nationale de santé vers la satisfaction des besoins du plus grand nombre de la population en mettant l'accent sur la prévention. L'orientation principale était donc constituée par les soins de santé primaires dont l'un des principaux objectifs était d'accroître la couverture sanitaire à 60% de la population à l'horizon 1985 en accordant une attention particulière aux groupes "mère/enfant", aux ruraux et aux habitants des quartiers périurbains défavorisés . Le Programme de Redressement Economique et Financier (PREF 1985-1988) préconisait une augmentation du budget de la santé dans le budget de l'Etat. Il recommandait la recherche de la participation financière des populations aux dépenses de santé en même temps qu'il encourageait le développement du secteur privé et une plus grande participation des bailleurs de fonds.Ces orientations devaient se traduire par la création d'une médecine préventive de masse ;l'extension des soins de santé primaires ; une attention particulière portée sur l'assainissement, l'hygiène et l'éducation sanitaire;l'optimisation du rendement des formations sanitaires par la réhabilitation et l'affectation de ressources adéquates ;et par l'amélioration des capacités de gestion de l'administration .Le Programme de Consolidation et de Relance (PCR 1989-1991), tout en reprenant les principales orientations du PREF met l'accent sur trois objectifs principaux: 1. l'extension de la couverture sanitaire afin d'atteindre un taux de couverture de 50% en 1991 ; 2. l'accroissement du bien-être des populations les plus vulnérables ; 3. l'amélioration des capacités de planification, de gestion et de supervision du Ministère de la Santé et des Affaires Sociales ; Le Plan Directeur Préliminaire à moyen terme 1991-1994 qui a subi un glissement pour couvrir la période 1992-1995, se proposait d'organiser et de développer le système socio-sanitaire.Les priorités de ce plan qui s'inscrivent dans l'objectif global de la "Santé pour tous les Mauritaniens d'ici l'an 2000" appelaient la mise en place de moyens supplémentaires, la clarification du cadre réglementaire, l'appui institutionnel des partenaires au développement et une véritable mobilisation sociale afin que la santé soit l'affaire de tous. Six principales stratégies sous-tendent ce plan : 1. développer une politique de prévention des maladies et invalidités majeures ; 2. étendre la couverture sanitaire de la population vers la mère et l'enfant ; 3. améliorer la qualité des services de santé et d'action sociale offerts à la population ; 4. mettre à la disposition du plus grand nombre des médicaments à des prix abordables ; 5. accroître les ressources financières pour la réalisation de l'objectif social "la Santé pour tous les Mauritaniens" ; 6. renforcer les capacités d'organisation de gestion du système de santé et d'action sociale. Les principaux indicateurs du pays sont les suivants : 1. -Taux de mortalité infantile 118/1000 (143(*))1 2. -Taux de mortalité infanto-juvénile 182/1000 ( 146(*)) 3. -Taux de mortalité maternelle 740/100.000 naissances vivantes (147(*)) 4. -Taux brut de mortalité 18/1000 (148(*)) 5. -Intervalle inter génésique 30 mois 6. -Espérance de vie à la naissance 51,3 ans En 1993 les 3 premières causes de consultation tous âges groupés étaient les infections respiratoires aiguës, le paludisme et les diarrhées, avec respectivement 14%, 12% et 8% des cas. On notait quelques spécificité selon l'âge et le sexe : la 3 ème place revenait aux conjonctivites chez les enfants de moins de 1 an, aux plaies chez les 5 à 14 ans, et à l'anémie chez les femmes de plus de 15 ans. Chez les enfants les infections respiratoires aiguës représentaient 26% des cas chez les moins de 1 an , 19 % chez les 1-4 ans ; la diarrhée 20% chez les moins de 1 an et 14% chez les 1-4 ans ; le paludisme 5% chez les moins de 1 an, 9% chez les 1-4 ans et 15% chez les 5 à 14 ans . La situation sanitaire reste dominée par une incidence élevée des maladies infectieuses et parasitaires et par un état nutritionnel qui se situe au cours des dix dernières années autour de 40% de malnutrition globale dont 6 à 8% de formes graves. Il a été par ailleurs noté que selon la wilaya 5 à 12 % des nouveau-nés ont un poids de naissance inférieur à 2500g, que 60% des femmes enceintes souffrent d'anémie et 30% de la population ont une carence en iode. A l'opposé l'obésité, fréquente surtout chez les femmes, provoque de nombreuses complications dont l'augmentation a un impact sur l'utilisation des services de santé (hypertension artérielle, lithiase biliaire, arthrose, etc.). Une enquête menée au Centre Hospitalier National couvrant la période 1990-1994 indique que les principales causes de décès maternels sont : les dystocies (35%), les hémorragies 30% (hématome rétro placentaire + placenta praevia) ; les éclampsies (28%), et les infections puerpérales (7%). Au cours des dernières années la situation sanitaire a été marquée par : 1. la recrudescence de certaines maladies comme la tuberculose (5000 nouveaux cas par an), 2. l'apparition de maladies nouvelles telles que la schistosomiase intestinale (34% des personnes enquêtées dans les wilayas du Trarza et du Brakna 1995), le SIDA ( 434 cas de SIDA cumulés en 1995 et 0,6% de taux de séro prévalence ) 3. la découverte de l'importance de l'Hépatite B (24% des donneurs de sang au CHN et 15.6% chez des consultants à Nouakchott et Kiffa en 1996), des affections bucco-dentaires (environ 20.000 nouveau cas de caries par an) et des affections mentales (4.500 consultations et 600 hospitalisations par an au Centre Neuro-Psychiatrique) . 4. l'émergence de maladies liées au développement : hypertension artérielle (5.000 cas par an), diabète et accidents de la voie publique. 5. l'apparition d'épidémies de choléra et la menace d'épidémie de méningite cérébro-spinale. 6. Les forts taux de morbidité et de mortalité aussi bien chez les enfants que chez les femmes sont dus à des facteurs liés: 7. à l'environnement (sécheresse, effets négatifs sur la santé des aménagements hydro-agricoles, urbanisation galopante, exode rural, hygiène et assainissement défectueux, accessibilité faible à l'eau potable : 38% ...) 8. aux facteurs socio-économiques (conjoncture économique internationale défavorable, pauvreté, promiscuité, tabous sociaux, alphabétisation encore faible, habitudes alimentaires) 9. aux services de santé (qualité des services, système de référence défaillant, insuffisance de formation du personnel ...) A l'issue de ces phases un premier Plan Directeur 91-94 a été élaboré, il fut la résultante de l'expérimentation de la mise en oeuvre du système de recouvrement des coûts ou initiative de Bamako ; ce qui a permis d'étendre la couverture sanitaire L'année 1998 a été marquée par l'introduction de l'approche sectorielle donnant une vision plus large de la santé traduite dans le Plan Directeur (PASS) 1998-2002 qui vise à :
Cette approche sectorielle vise la restructuration stratégique et organisationnelle du secteur, la maîtrise des interventions dans le secteur, la poursuite de la politique de décentralisation des responsabilités et des ressources et le renforcement des capacités de gestion, à tous les niveaux. Le cadre budgétaire, à moyen terme qui s'inscrit dans le cadre stratégique contre la pauvreté (CBMT) pour la période 2002-2004, s'articule autour des dimensions de la performance et leur contribution aux objectifs de lutte contre la pauvreté : Le CBMT fixe trois catégories d'objectifs : i) Améliorer les indicateurs de santé de la population mauritanienne notamment parmi les groupes les plus pauvres, avec pour objectifs de : ii) Réduire la mortalité infantile et infantojuvénile et la mortalité maternelle ; iii) Limiter l'impact des dépenses pour la santé sur le revenu des plus pauvres ; iv) Améliorer la participation des pauvres à la gestion de leur santé. Le système de soins est de type pyramidal ; il est calqué sur le découpage administratif (voir chapitre 1). Il existe 4 niveaux de prestations de soins (hopitaux de référence nationales, hôpitaux régionaux, centres de santé et postes de santé). La Mauritanie est confrontée à des difficultés pour planifier, produire et utiliser le personnel de santé, en cohérence avec les besoins, pour atteindre les objectifs nationaux de santé. En effet, dans ce pays, et ce depuis 1985, l'amélioration de la gestion du personnel a toujours été une priorité. Cette politique nourrie par une longue réflexion consensuelle sur le développement d'un système de santé et d'action sociale cible la fois les problèmes majeurs affectant la santé et l'accès de tous aux services de soins de qualité. Qu'entend-on par services de santé de qualité? Selon Judith Bruce la qualité des services de santé repose sur six éléments essentiels, auxquels nous avons adjoint trois autres. Ainsi les services de santé de qualité doivent répondre aux critères suivants : i) Etre accessibles et disponibles aussi près que possible du domicile des usagers et se situer à l'échelon le plus bas où la sécurité et l'efficacité des prestations puissent être garanties; ii) Etre acceptables pour les usagers et correspondre aux normes culturelles et sociales (respect de l'intimité et de la confidentialité); iii) Disposer de toutes les fournitures et de tout le matériel essentiels; iv) Dispenser des soins complets et assurer la liaison avec d'autres services de santé; v) Assurer la continuité des soins et le suivi; vi) Etre dotés de prestataires de soins techniquement compétents qui s'appuient sur des lignes directrices et des protocoles de traitement précis; vii) Etre dotés d'agents de santé qui capables de résoudre les problèmes de santé des populations en les respectant, sans porter de jugement et en fonction des besoins de leurs besoins; viii) Donner informations et conseils aux individus familles et communautés sur leur santé et leurs besoins sanitaires; ix) Associer les usagers aux décisions et en faire des partenaires des soins pour qu'ils participent activement à la protection de leur santé; Cependant, il apparaît aujourd'hui que le souci d'améliorer l'accès à l'offre des soins de qualité soulève des quelques questions de grande importance. Le système de recouvrement des coûts mis en oeuvre en 1993, est la principale composante des SSP qui devait renforcer les services de vaccinations, les consultations prénatales, les maternités et les entités de planification familiale et la surveillance épidémiologique qui ne sont utilisés que de façons irrégulières et dont les taux de déperdition sont très élevés et disparates au niveau des wilayas. Par ailleurs, on note un manque d'efficience de l'allocation financière par rapport aux interventions clés et aux services de santé de base avec une forte mobilisation de l'investissement sans accompagnement des aspects de fonctionnement. À cela s'ajoutent l'absence d'un mécanisme efficace de financement alternatif de la santé, la démotivation du personnel et l'inégale répartition des ressources humaines, matérielles et financières dans les wilayas. De façon générale, la Mauritanie connaît encore de nombreuses difficultés à concilier pour atteindre les objectifs d'efficacité, d'efficience, d'équité et de pérennité. La situation reste très fragile et il suffit souvent d'un facteur défavorable pour dégrader l'efficacité d'une formation sanitaire. Ainsi, malgré la généralisation du système de recouvrement des coûts en Mauritanie, la situation sanitaire est peu reluisante et pose la problématique de l'efficacité de cette politique de santé. Si la santé est considérée comme un droit fondamental de l'homme, son application et son succès requiert la pratique d'une bonne gouvernance, d'une transparence, d'un partenariat et la mise en place des ressources suffisantes en vue d'un fonctionnement optimal des services. L'efficacité et efficiente d'un tel système de santé réside sur la redéfinition de la décentralisation dont nous avons évoqué plus haut ,sur l'implication plus accrue de l'ensemble des acteurs et sur les nouvelles alternatives de participation à la prise en charge des soins .Au delà de ces considération la mise en oeuvre des programmes de développement sanitaire fait appel au respect des principes fondamentaux de gestion des institutions et des ressources et impose la connaissance, les perceptions du contexte de ces projets sociétaux. * 143 [1] UNICEF/MP : Enquête nationale sur les indicateurs des objectifs à mi-terme en Mauritanie (M.I.C.S.) . Rapport préliminaire. 1996. 144[2] OMS/UNICEF: Revised 1990 estimates of maternal mortality. A new approach by Who and Unicef. Avril 1996 145[3] UNICEF : Situation des enfants dans le monde. 1993. * 146 EDSM 2000 * 147 Ibid 126(3) * 148 UNICEF : Situation des enfants dans le monde. 1993. |
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