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La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit public congolais

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par Dieudonné Kaluba Dibwa
Université de Kinshasa - DEA de droit public 2005
  

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3. LA THESE DE L'ACTION MAL ORIENTEE

Les défenseurs de cette thèse120(*) qui sont des spécialistes patentés ou des praticiens chevronnés présentent généralement un commentaire simple axé sur les points ci-après :

- obscuri libelli de la requête

- compétence de la Cour Suprême de Justice, toutes sections réunies, en interprétation de la Constitution et incompétence de la Section de Législation.

a) LE MOYEN TIRE DE L'OBSCURI LIBELLI DE LA REQUETE

Pour asseoir leur argumentaire, les tenants de l'action mal orientée évoquent le moyen tiré de l'obscuri libelli de la requête entendu ici comme une inintelligence dans le libellé d'une requête. Par ce fait, ils juxtaposent le « concerne » de la requête à la « conclusion » de celle-ci pour démonter la contradiction fondamentale entre les deux, entraînant la conséquence de l'irrecevabilité de la requête.

En effet, le « concerne » de la requête fait état d'un avis consultatif tandis que la « conclusion » mentionne clairement une demande en interprétation des dispositions constitutionnelles par la Cour Suprême de Justice.

L'interprétation de la Constitution étant du ressort de la Cour Suprême de Justice, toutes sections réunies, l'action a donc été mal orientée.

b) DE LA COMPETENCE DE LA COUR SUPREME DE JUSTICE, TOUTES SECTIONS REUNIES

Etant donné qu'il est question d'interpréter les dispositions constitutionnelles, la procédure requise impérativement est celle prévue spécifiquement par les articles 131 à 135 de l'Ordonnance-loi n° 82-017 relative à la procédure devant la Cour Suprême de Justice.

Aussi, la Cour Suprême de Justice devait-elle statuer, toutes sections réunies, après avoir été saisie par Le Procureur Général de la République notamment à la demande du Président de la République tel que le prescrit l'article 132 de l'Ordonnance-loi précitée121(*). Le Professeur MPONGO BOKAKO estime quant à lui que la section de législation de la Cour suprême de justice ne peut statuer que sur des projets d'actes législatifs ou réglementaires122(*).

c) NOTRE POINT DE VUE

Dans la bataille d'opinions émises sur la saisine de la Cour Suprême de Justice par le Président de la République, le 23 décembre 2003, nous ne partageons pas l'avis de ceux qui pensent que l'interprétation d'une disposition constitutionnelle est l'apanage de la seule section de législation de la Haute Cour.

En effet, la section de législation ne s'occupe que de l'examen de projets d'actes législatifs ou réglementaires. Or, dans le cas sous examen, la constitution actuelle qu'il s'agissait d'expliquer alors au Chef de l'Etat n'est plus un projet, mais un texte existant sur le plan juridique et non susceptible d'être interprété par la seule section de législation, mais plutôt par la Cour Suprême de Justice siégeant toutes sections réunies. Cette irrégularité pose le sérieux problème de la compétence de la Haute Cour sur la question soumise à son appréciation.

En droit français, le Conseil Constitutionnel agit en cette matière tantôt comme autorité constitutionnelle, tantôt comme juge électoral, tantôt comme juge constitutionnel123(*).

En tant qu'acte introductif d'instance, la requête du 23 décembre 2003 devait, surtout que la saisine est considérée par la Haute Cour comme un moyen d'ordre public, répondre dans sa phase active à un certain nombre d'exigences formelles et légales sous peine d'irrecevabilité124(*).

C'est ici qu'il convient de souligner que la Cour a, en fragilisant sa rigueur de forme, commis une erreur jurisprudentielle.

Ce pouvoir sui generis que la Cour Suprême de Justice vient d'octroyer au Chef de l'Etat en matière de saisine constitue une nouvelle exception à la saisine de la Cour Suprême de Justice et un revirement jurisprudentiel sans précédent dans une République Démocratique du Congo qui se cherche en matière de construction d'un Etat de droit.125(*).

Par ailleurs, même dans l'hypothèse où il y a lieu de combiner l'article 159 du Code de l'Organisation et de la Compétence Judiciaires avec les articles 131 à 135 de la procédure devant la Cour Suprême de Justice, le principe séculaire « specialia generalibus  derogant» peut être de mise in specie. En effet, les deux derniers articles constituent des dispositions spéciales et dérogatoires en cas notamment d'un recours en interprétation de la Constitution. Ils ont, de ce fait, primauté sur la disposition générale qu'est l'article 159 du Code de l'Organisation de la Compétence Judiciaires.126(*)

La Cour Suprême de Justice devrait, par ses arrêts de principe pertinents, contribuer à l'éclaircissement de ce flou artistique, en sus de l'oeuvre législative attendue du Parlement à cet effet. Cette exigence est respectée en Droit français où le Conseil d'Etat doit interpréter des dispositions obscures, ambiguës, contradictoires ou simplement imprécises.

Dans presque tous les cas, « le Conseil s'efforce d'adopter l'interprétation la plus raisonnable et la plus équilibrée, celle qui donne un sens utile sans pour autant s'écarter de la lettre du texte. Il arrive, cependant, qu'il opte pour une interprétation plus audacieuse, lui réservant de très larges possibilités d'appréciation discrétionnaire, quitte à revenir quelques années plus tard à une interprétation plus proche du texte. C'est ainsi que le Conseil avait interprété les articles 39, 44 et 45 comme subordonnant la validité des amendements à ce que d'une part, ils ne dépassent pas « par leur objet ou leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement ». Ces limites, à vrai dire, n'étaient prévues par aucun texte. Le Conseil constitutionnel a modifié sa jurisprudence et, adoptant une position plus mesurée, maintient naturellement l'exigence d'un lien avec le texte mais ne fait plus état du respect des limites inhérentes au droit d'amendement »127(*).

Dominique ROUSSEAU réserve des développements fort intéressants à l'évolution de la justice constitutionnelle en France. Par cette démarche volontariste ou stratégique, écrit-il, le Conseil ouvre à son contrôle de la constitutionnalité des lois, une étendue potentiellement illimitée lui permettant de s'imposer progressivement comme l'institution clé de la Ve République128(*). En est-il de même de son collègue congolais ?

* 120 Ce point de vue est soutenu par les Professeurs Félix VUNDUAWE te PEMAKO et Edouard MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA de la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa et le Bâtonnier National honoraire MATADIWAMBA KAMBA MUTU du Barreau près la Cour Suprême de Justice. Il s'agit des avis donnés verbalement à l'occasion des conférences organisées à l'Université de Kinshasa.

* 121 MABANGA MONGA MABANGA, op.cit., p.38.

* 122 Cité par MABANGA MONGA MABANGA, op.cit., p.36.

* 123 Lire dans ce sens, JAN (P), La saisine du juge constitutionnel, Paris, L.G.D.J.,1999, p.709

* 124 Article 3 de l'Ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982

* 125 Lire dans ce sens, ESAMBO (J.L.), op.cit., p.p. 26-37

* 126 Lire notre avis émis au moment des faits in KALUBA DIBWA (D.), « Interprétation des articles 76 et 94 de la Constitution » in LE PHARE N°2266 du 3 février 2004 et in LE POTENTIEL N°3038 du 4 février 2004.

* 127 PACTET (P) et MELIN-SOUCRAMANIEN (F.), Droit constitutionnel, 23 éd., A. Collin, Paris, 2004, p.528

* 128 ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, coll. Domat droit public, 6ème édition, 2001, p.69.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote