Paragraphe II : Les comités et commissions
fiscales
Des comités et commissions peuvent être saisis
par le contribuable français en cas de persistance d'un désaccord
avec l'Administration fiscale.
170 CAA Paris, 3 février 2010, n° 10PA00117 ; Voir
également CE 10 juillet 1981, n° 05130, Lebon, p. 303 dans un cas
qui concernait le médiateur de la République.
171 UBERTI-SORIN (S.), « Le Médiateur des
ministères économiques et financiers », 2013, Bulletin
fiscal, n°5, p. 263.
172 Voir Rapport 2012 du médiateur des ministères
économiques et financiers, op. cit.
173 Ibid.
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Il s'agit notamment des comités de l'abus de droit
fiscal ; du contentieux fiscal, douanier et des changes (A) ;
et de la commission nationale et départementale des impôts directs
et des taxes sur le chiffre d'affaires (B) qui ont des
rôles assez spécifiques.
A. Le rôle du comité de l'abus de droit
fiscal et du contentieux fiscal, douanier et des changes
Le comité de l'abus de droit fiscal a été
créé en 1941 et réformé par la loi de finances
rectificative pour 2008174. Ce comité peut être saisi,
soit à la demande du contribuable, soit à la demande de
l'Administration fiscale lorsqu'un désaccord subsiste sur les
redressements notifiés sur le fondement de l'abus de droit. Ses membres
sont tenus au respect des règles de secret professionnel et des
obligations déontologiques leurs sont imposées175 afin
de garantir un fonctionnement impartial. Le comité rend un avis à
la suite d'un débat oral et contradictoire.
Les avis rendus par le comité de l'abus de droit fiscal
font l'objet d'un rapport annuel adressé au ministre par le
Président du comité. Si l'administration ne se conforme pas
à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du
bien-fondé du redressement dans le contentieux poursuivi devant les
tribunaux.
Le comité du contentieux fiscal douanier et des
changes176, créé en 1977, est chargé, sur
demande du ministre des finances, d'émettre un avis sur les transactions
ou remises excédant les limites de compétence des services
déconcentrés de la Direction Générale des
Impôts ou de la Direction Générale des
Douanes177. Le ministre n'est pas lié par l'avis rendu.
174 Article 1653 C et articles R 64-1 et R 64-2 du CGI
français. L'article 1653 C du Code Général des
Impôts prévoit que « Le comité prévu
à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales comprend
:
a. un conseiller d'État, président ;
b. un conseiller à la cour de cassation ;
c. un avocat ayant une compétence en droit fiscal
;
d. un conseiller maître à la Cour des comptes
;
e. un notaire ;
f. un expert-comptable ;
g. un professeur des universités,
agrégé de droit ou de sciences économiques.
Les membres du comité sont nommés par le
ministre chargé du budget sur proposition du Conseil national des
barreaux pour la personne mentionnée au c, du Conseil supérieur
du notariat pour la personne mentionnée au e et du Conseil
supérieur de l'ordre des experts-comptables pour la personne
mentionnée au f. Des suppléants sont nommés dans les
mêmes conditions .Le ministre chargé du budget désigne en
outre un ou plusieurs agents de catégorie A de la direction
générale des finances publiques pour remplir les fonctions de
rapporteur auprès du comité. »
175 Voir article 1653 D du CGI
français.
176 Article 20 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre
1977, codifié aux articles 460 et suivants du code des douanes
français.
177 Article 350-1 du code de douanes français : «
L'administration des douanes est autorisée à transiger avec
les personnes poursuivies pour infraction douanière ou pour infraction
à la législation et à la réglementation relatives
aux relations financières avec l'étranger sous réserve de
l'application des dispositions suivantes :
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Ce comité peut aussi être consulté par le
ministre des finances sur toute question générale ou
particulière relative au contentieux fiscal. Il peut également
faire, de sa propre initiative, au ministre chargé du budget les
observations et recommandations qu'il estime utiles.
Tout assujetti au respect de la réglementation fiscale
et tout organisme représentatif de ces assujettis peut informer le
comité des difficultés rencontrées en matière
contentieuse.
Ce comité est composé, sous la présidence
d'un conseiller d'État, de conseillers d'État, de conseillers
à la Cour de cassation et de conseillers maîtres à la Cour
des comptes, choisis parmi des magistrats et des fonctionnaires en
activité ou à la retraite, ainsi que de deux personnalités
qualifiées désignées par le Président de
l'Assemblée nationale et de deux personnalités qualifiées
désignées par le Président du Sénat178.
Le Président et les membres du comité, ainsi que leurs
suppléants, sont nommés par décret pour trois ans.
Le redevable est invité à produire, dans un
délai de trente jours, les observations écrites que celui-ci juge
utile de présenter à l'appui de sa demande de transaction, ou
à présenter des observations orales à la séance
où il est convié. Les comités jouent ainsi un rôle
important dans la résolution des litiges fiscaux entre l'Administration
et les contribuables. Les Commissions ne sont pas en reste.
B. Le rôle de la Commission nationale et
départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre
d'affaires
Les Commissions nationales et
départementale179 des impôts directs et des taxes sur
le chiffre d'affaires sont largement utilisées par les contribuables
engagés dans un contentieux faisant suite à une proposition de
rectification. La Commission peut être saisie, sur demande du
contribuable ou sur l'initiative de l'administration dans les trente jours
suivant la réception de la réponse de l'administration aux
observations du contribuable. Si le contribuable demande la saisine de la
commission, l'administration doit obtempérer, à peine de vice de
forme.
La Commission n'est compétente que pour examiner des
questions de fait, à l'exclusion donc des questions de droit. L'article
L 59 A du LPF, modifié par l'article 26 de la loi de finances
rectificative pour 2004, élargit cependant la compétence de la
commission à certaines
a) lorsqu'aucune action judiciaire n'est engagée,
les transactions excédant les limites de compétence des services
extérieurs de l'administration des douanes doivent être soumises
pour avis au comité du contentieux fiscal, douanier et des changes
prévu à l'article 460 du présent code ».
178 Article 460 du code des douanes français,
modifié par la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 relative
à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance
économique et financière.
179 Articles L 59 A et L 59 C du LPF du CGI français.
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questions de droit180. Dire dans le principe que la
Commission examine les questions de fait veut tout simplement signifier que
celle-ci n'a pas la possibilité d'émettre un avis sur
l'opportunité ou non, des dispositions législatives
appliquées par l'Administration fiscale, et encore moins
évidemment sur le fondement mêmes desdites dispositions.
Cet organisme n'a la faculté d'émettre un avis
que sur : la détermination des résultats (dans la
catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des
bénéfices non commerciaux, des bénéfices agricoles)
et des bases imposables à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA),
suite à une vérification de comptabilité dans le cadre du
régime réel d'imposition ; le caractère anormal d'un acte
de gestion, le principe et le montant des amortissements et provisions, les
charges déductibles en matière de travaux immobiliers ; les
conditions d'application des régimes d'exonération ou
d'allègements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles ; certaines
rémunérations non déductibles pour la détermination
du résultat des entreprises industrielles ou commerciales et sur la
nature des frais généraux mentionnés sur le relevé
prévu à l'article 54 quater du CGI français et la valeur
des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des
actions ou des parts de sociétés immobilières servant de
base à la TVA. De plus pour les litiges afférents aux
sociétés qui exercent une activité industrielle ou
commerciale dont le chiffre d'affaires hors taxes excède 50 000 000 EUR
( s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des
marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou
consommer sur place ou de fournir le logement) ou 25 000 000 EUR (s'il s'agit
d'autres entreprises), c'est toujours la Commission nationale des impôts
directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui est appelée à
statuer dans les mêmes domaines et selon les mêmes conditions. Par
contre la commission n'est pas compétente pour les revenus fonciers, de
capitaux mobiliers, les plus-values des particuliers, les traitements et
salaires et les charges déductibles du revenu global181.
Par ailleurs la compétence territoriale de la
Commission est départementale. La commission départementale des
impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires compétente
est en général celle du département dans lequel le
contribuable est tenu de déposer ses déclarations. Toutefois,
tout contribuable, quelle que soit la procédure, peut demander la
saisine
180 La commission est désormais compétente pour
examiner les désaccords relatifs aux conditions d'application des
régimes d'exonération ou d'allègements en faveur des
entreprises nouvelles, des questions de fait même lorsque celles-ci
participent à la qualification juridique d'une opération ou
encore en matière d'appréciation du caractère anormal d'un
acte de gestion, du principe et du montant des amortissements et des provisions
et du caractère de charge déductible des travaux immobiliers.
181Voir Code Général des
Impôts français.
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d'une autre Commission au nom tant de la protection de la vie
privée que de la confidentialité des affaires.
La Commission est présidée par un magistrat du
tribunal administratif et comprend deux représentants de
l'administration fiscale et trois représentants des contribuables, dont
deux sont désignés par les organisations représentatives
en raison de leurs compétences professionnelles et un qui,
désigné par l'Ordre des Experts comptables, intervient
également es qualités. Leur nombre varie en fonction de la nature
du litige. Le cas échéant, le contribuable peut demander le
remplacement d'un représentant des contribuables par celui d'un
organisme professionnel de son choix : la présence d'un professionnel
averti de la branche précise d'activité du contribuable peut
s'avérer extrêmement précieuse à éclairer
l'avis de la Commission.
La procédure devant la Commission est essentiellement
orale. Mais le contribuable peut cependant présenter un mémoire
écrit. Le Président respecte toujours le caractère
contradictoire. La Commission entend les deux parties et, lorsqu'elles se sont
exprimées, et même ont dialogué entre elles sous le
contrôle du Président, les commissaires peuvent, avec l'accord de
ce dernier, poser au contribuable ou au Service des impôts toute question
qui leur parait utile.
La Commission délibère à huis clos. En
cas de partage des voix, celle du Président est
prépondérante.
Préalablement à la mise en recouvrement de
l'imposition, l'avis motivé émis par la Commission est
notifié au contribuable par le service à l'origine du
contrôle. La Commission rend un avis qui ne lie pas l'Administration
fiscale. Mais en fait celle-ci en tient compte, ne serait-ce qu'en raison du
renversement de la charge de la preuve. L'article L 192 du LPF du CGI
français182 dispose que l'Administration supporte la charge
de la preuve quel que soit l'avis de la Commission Départementale des
Impôts, excepté le cas où la comptabilité
présente de graves irrégularités. Le contribuable dispose
par ailleurs de la faculté de déposer une réclamation
contentieuse, après la mise en recouvrement des impositions
supplémentaires.
182 Voir Code Général des Impôts
français.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
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Au terme de ce chapitre, il convient de noter que la
médiation fiscale comparée au recours traditionnel devant un
tribunal, offre de nombreux avantages. En plus d'être une démarche
commune, elle est plus rapide, souple, moins couteuse et elle favorise le
rapprochement entre les parties. Ce rapprochement permet de maintenir des
relations harmonieuses et de préserver le lien de confiance entre
l'Administration fiscale et les contribuables.
Rapide, elle l'est car les parties médiées
restent maitre du processus tant sur le fond de l'accord que sur le temps
qu'elles consacrent au processus. Contrairement à une audition devant un
tribunal, les parties n'ont pas à se soumettre aux inévitables
délais liés aux procédures judiciaires.
Plus économique, elle l'est également
contrairement aux coûts exorbitants183 des procédures
interminables de la justice classique.
De surcroit, les qualités requises du médiateur
à savoir : la neutralité, l'indépendance,
l'impartialité et la confidentialité garantissent au contribuable
l'objectivité des décisions qui seront prises.
L'expérience française des comités et des
commissions de médiation et surtout du Médiateur de la
République à l'image de l'Ombudsman suédois sont des
exemples dont il faut s'inspirer.
183 ALEXANDRE (D.), Les coûts et les délais
judiciaires de la médiation judiciaire : les discours théoriques
et pratiques sous le regard de l'analyse économique du droit,
Sherbrooke, op. cit., 2013, p. 4.
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